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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/759

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NAHUM


III. Plan et analyse de la prophétie de Nahum. — En tête du livre, i, 1, nous trouvons deux titres, qui en indiquent la teneur générale. Le premier consiste en deux mots seulement et résume tout l’écrit : « Oracle (tnasSd’: probablement ici avec le sens d’oracle menaçant, comme dans fs., xiii, 1 ; xv, 1 ; xvii, 1, etc. ; Vulgate, Onus ; dans les Septante, Xï][i.|Aa), contre Ninive. » Le second en dénote le caractère inspiré el en désigne l’auteur : « Livre de la vision de Nahum l’EIcésien. » Le sujet, c’est donc Ninive, en tant qu’elle représente l’empire assyrien. Nahum prédit, pour un prochain avenir, la ruine de cette cité coupable et la destruction de l’immense royaume dont elle était la capitale. La menace, d’abord générale, va se précisant de plus en plus, et elle acquiert bientôt une terrible clarté. Jonas aussi avait prophétisé contre Ninive ; mais elle s’était repentie, et Dieu lui avait pardonné. Ici, aucune espérance de pardon n’est insinuée ; Nahum se borne à proclamer, au nom du Seigneur, un décret d’anéantissement prochain. Ce décret est développé comme il suit, d’après un arrangement d’mje frappante unité. — Première partie, ! , %b : description du plan divin, plan effroyable en ce qui regarde la capitale assyrienne, mais tout miséricordieux par rapport à Israël, que l’Assyrie avait tant fait souffrir ; c’est pour délivrer son peuple que Dieu a formé le dessein de détruire Ninive. Dans un majestueux exorde I, 2-6, dont la forme rappelle celle des « Psaumes des Degrés », voir t. ii, col. 1340, par sa marche ascendante, l’écrivain sacré signale les principaux attributs du souverain juge qui va châtier Ninive, et les effets redoutables de sa colère : c’est un Dieu tout à la fois jaloux, sévère, parfait, infiniment puissant, dont la vengeance brise tout lorsqu’elle finit par éclater, comme le montrent quelques exemples, soit poétiques, soit historiques, admirablement choisis. Suit un très doux contraste, i, 7-8, par lequel le Seigneur rassure les Israélites qu’opprimait Ninive : c’est pour les sauver qu’il va punir celle-ci avec la dernière rigueur. Puis, la sentence de la ville cruelle est énoncée en un langage métaphorique d’une grande énergie, i, 9-11, qui décrit les effets produits sur la nature, lorsque Dieu apparaît pour juger et pour châtier ses ennemis. Revenant sur les pensées développées dans les versets 7-11, le prophète confirme successivement, i, 1215, la menace lancée contre Ninive et l’espoir donné à Juda. Malgré leur état florissant, les Assyriens seront soudain « fauchés », comme dit l’hébreu ; Dieu n’affligera plus désormais son peuple par l’intermédiaire de Ninive, puisqu’il va détruire celle-ci : que les Juifs se livrent donc à une sainte allégresse, et qu’ils témoignent leur reconnaissance à leur libérateur par de généreux sacrifices.

Seconde partie, ii, 4-13 : exécution intégrale de la sentence promulguée par le Seigneur contre Ninive. Sous nos yeux, pour ainsi dire, tant le récit est dramatique, la ville est attaquée, emportée d’assaut, pillée et détruite. Trois tableaux successifs, qu’on pourrait intituler : Avant, pendant et après le siège de Ninive. — 1° La grande cité est avertie qu’une puissante armée s’avance contre elle, pour l’investir et l’assiéger, ii, 1-4. — 2° Elle est emportée d’assaut et saccagée, j>. 5-10. Les Ninivites cherchent à repousser l’attaque ; mais leurs efforts demeurent inutiles. Ce passage de la description renferme des beautés de premier ordre. — 3° Ninive n’est plus ; c’est le Seigneur lui-même qui l’a renversée, ꝟ. 1113. D’abord un cri de triomphe et de joie, poussé par les ennemis de Ninive : le repaire des lions assyriens a été dévasté. Puis la désignation très explicite du véritable auteur de ce châtiment exemplaire ; il n’est autre que le Dieu d’Israël, le Seigneur des armées.

Toisième partie, iii, 1-19 : les causes et le caractère immuable de la sentence de Ninive. Le prophète revient encore sur l’épouvantable catastrophe, pour insister sur son motif, à un point de vue qu’il n’a pas encore indiqué, et sur son résultat définitif.. — 1° Les

crimes de Ninive sont la vraie raison de sa ruine, iii, 1-7. Ces crimes sont de deux sortes : d’une part, la soif du sang et des conquêtes ; de l’autre, la débauche effrénée. A la cité conquérante et homicide, on prédit le carnage qui aura lieu dans son propre sein, iii, 1-3 ; à la cité dissolue, on prophétise l’ignominie, ꝟ. 4-7.— 2° Rien ne pourra protéger Ninive contre le décret divin, qui l’a condamnée à la ruine (m, 8-13). Faisant tout à coup un rapprochement saisissant, Nahum rappelle, ꝟ. 8-10, que la ville illustre de Nô’-' Anton (Vulgate, Alexandria populorum, à la suite du Targum et des rabbins), dans la Haute-Egypte, avait péri naguère, malgré toute la force de résistance qu’elle possédait. Le fait était d’autant plus saillant, que c’étaient les Assyriens eux-mêmes qui avaient infligé à la cité égyptienne le traitement décrit par le prophète. La découverte des Annales d’Assurbanipal, fils et successeur d’Asarhaddon, a mis ce trait en pleine lumière et a merveilleusement confirmé la parfaite exactitude de Nahum. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 80 sq. Application de la comparaison, iii, 11-13 : Ninive, quoique pareillement très puissante, éprouvera la même destinée que Thèbes. — 3° Inutilité de la résistance, et joie du monde lorsqu’on apprendra la destruction de Ninive, ꝟ. 14-19. Bien loin de prendre sa défense, les marchands innombrables, foule égoïste et cosmopolite, qu’enrichissait Ninive, s’enfuient au plus vite au moment du péril, comme s’envole un gigantesque essaim de sauterelles au lever du soleil ; tous les peuples qu’elle a écrasés sous son joug sans pitié entonnent des chants de délivrance, et la ville de sang disparaît à jamais de la scène historique.

On le voit, dans l’oræle de Nahum, c’est la première partie qui contient la doctrine, l’enseignement proprement dit ; les deux autres font l’application des principes.

IV. Date dd livre. — L’époque où vivait le prophète Nahum et où il composa son livre était autrefois l’objet de contestations nombreuses. « Nicéphore (à la fin de l’édition de George le Syncelle, Chronogr., Bonn, 1829, t. i, p. 759) le fait vivre sous Phacée d’Israël ; Josèphe, Ant.jud., IX, Xꝟ. 3, dans la derniéme partie du règne de Joatham ; le Seder Olam Rabba, édit. Genebrard, in-f°, Lyon, 1608, p. 36, sous le règne de Manassé, en même temps que Joël, Abdias et Jonas ; George le Syncelle, Chronogr., édit. de Bonn, t. i, p. 404, également sous le règne de Manassé, Eutychius, Ann., Patr. gr., t. cxi, col. 904, longtemps après le règne de Manassé, c’est-à-dire cinq ans après la ruine de Jérusalem par Nabuchodonosor. Les critiques modernes ne sont pas moins divisés que les auteurs anciens. » F. Vigouroux, loc. cit., p. 80. De nos jours, cette date est relativement aisée à déterminer, grâce aux inscriptions cunéiformes qui viennent d’être mentionnées. Lorsque Nahum prophétisa la ruine de Ninive, cette ville possédait encore toute sa splendeur, toute sa puissance. Cf. i, 12 ; ii, 12 ; m, 16. De plus, l’antique cité égyptienne de Thèbes avait été récemment conquise et saccagée par les armées assyriennes. Cf. iii, 8-10. Or, les Annales d’Assurbanipal nous apprennent que cette conquête eut lieu en 663 ou 664. C’est donc entre la ruine de Thèbes envisagée comme terminus a quo, et celle de Ninive par les Médes, entre 608 et 606, considérée comme terminus ad quem, que Nahuni^a_ exercé le ministère prophétique et écrit son petit livre. Comme date moyenne, nous admettons, avec de nombreux interprètes (Cornely, "von Orelli, Strack, Kœnig, etc.), le milieu du vu » siècle avant J.-C, car le souvenir de la prise de Thèbes est demeuré frais et vivant dans la description. D’autres reculent la date de la composition jusque vers 624 (Kuenen) ; ou même jusqu’en 610 (Wellhausen, Nowack, Marti).

V. L’OCCASION ET LE BUT DE L’ORACLE. — 1° Il n’est

pas possible d’indiquer avec certitude l’événement, ou la série d’événements, qui servii d’occasion immédiate à