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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/760

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NAHUM


la prophétie de Nahum. Tout ce qu’on a dit sur ce point ne dépasse pas les limites de la simple conjecture. Ce fut, selon divers auteurs, une grande calamité qui aurait frappé alors le royaume de Juda, en particulier la rude domination d’Asarhaddon et la captivité du roi Manassé (cf. II Par., xxxiii, 11) ; ne pouvait-on pas craindre, en de telles circonstances, que Juda ne pérît comme jadis Samarie ? Suivant d’autres, il s’agirait d’un commencement de défaite et d’humiliation déjà subie par l’Assyrie : spécialement, de la marche de Phraorte, roi d’Egypte, contre Ninive, vers l’an 640 av. J.-C. (Hérodote, i, 102) ; ou bien, du siège de cette ville par le roi de Médie, Cyaxare, vers 623 (Hérodote, i, 103) ; ou encore, de l’invasion des Mèdes et des Babyloniens, qui se termina par la prise et la destruction de l’orgueilleuse cité. On a mentionné aussi, d’une manière générale, la période de décadence qui, pour l’Assyrie, succéda au règne brillant d’Assurbanipal (668-626). Le tout dépend de la date du livre ; or nous avons dit plus haut (col. 1466) qu’on ne saurait la préciser rigoureusement. Ceux qui ont trouvé l’occasion de l’oracle de Nahum dans l’invasion de la Palestine par Sennachérib, cf. IV Reg., xviii, 13 sq. ; Is., xxxvi, 1 sq., ont fait fausse route, car l’écrit est beaucoup plus récent.

2° Le but de la prophétie est marqué soit à la fin du chap. I, ꝟ. 11-15, soit au commencement du second, ꝟ. 4 et suiv. Le Seigneur est décidé à se venger des Assyriens superbes et cruels, qui ont maltraité son peuple et qui se proposent de l’exterminer entièrement ; au contraire, . il consolera les Juifs et les sauvera du joug de Ninive. Le royaume théocràtique sera donc maintenu, malgré les efforts de ses puissants ennemis orientaux ; ce sont ceux-ci qui périront. Cette pensée, si encourageante pour Juda, est évidemment messianique dans son ensemble, et c’est à cause d’elle que le petit livre de Nahum a reçu une place d’honneur dans la Bible.

VI. Le caractère de Nahum comme écrivain. — L’analyse rapide qu’on a lue plus haut de l’oracle de Nahum ne saurait donner qu’une idée très incomplète du mérite de cet écrit au point de vue littéraire. Sous le rapport du style on le comble à bon droit d’éloges, car c’est vraiment « un chef-d’œuvre poétique » qu’il renferme (Kaulen). Le jugement porté par Lowth dans son ouvrage sur la poésie biblique, qui demeurera toujours classique, est cité et adopté à l’envi par tous les commentateurs : « Ex omnibus minoribus prophetis nemo videtur eequare sublimitatem, ardorem, audaces spiritus Nahumi. Adde quod ejus vaticinium integrum ac justum est poema ; exordium magnificum est et plane augustum ; apparatus ad excidium Ninive ejusque excidii descriptio et amplificatio ardentissimis coloribus exprimitur, et admirabilem habet evidentiam et pondus. » De sacra poesi Hebrœorum, 1763, p. 281. Ce qui frappe dans Nahum, c’est « la vivacité de son pinceau, la force de son coloris, la pureté de sa langue, la rareté de plusieurs de ses expressions, l’originalité et la verve qui distinguent toute sa prophétie ». Les phrases sont généralement courtes, vigoureuses, très dramatiques. Il y a beaucoup d’art et aussi beaucoup de naturel dans ses descriptions. On a vanté tantôt sa grandeur et sa dignité, tantôt ses comparaisons pittoresques et hardies (notamment celles des lions, ii, 11-13, des sauterelles, iii, 17, et des pasteurs, iii, 18), tantôt sa vie et son entrain irrésistible, cf. ii, 1-3 ; iii, 2-3, etc., tantôt sa brièveté énergique qui rejette tout ornement inutile, tantôt la régularité de son parallélisme (voir O. Strauss, Nahumi de Nino vaticinium, p. lxxi et lxxii), tantôt aussi son allitération et ses jeux de mots, i, 10 : Sebukîm ûkesoVâm sebûîm ; ii, 3, beqâqùm boqeqîm ; et surtout, ii, 11, pour décrire la ruine totale de Ninive, qui est désormais bûqâh ûmbûqâh ùmbullâqah, c’est-à-dire, à la lettre, vanitas et evacuatio et evanidatio. Bref, Nahum « est, de tous les prophètes, celni qui, en dignité et en force, s’ap proche le plus près d’Isaïe ». Driver, lntrod. to the literature of the Old Testam., 6e édit., p. 336. D’après les meilleurs hébraïsants contemporains, quelques particularités dialectiques de son livre (entre autres, i> 2,

N*iiip au lieu de Nap ; I, 3, m71>r au lieu de îllïD : ii, 14, tTt : n :

nssuSo au lieu de ^3nSd) s’expliquent par son origine

galiléenne. Voir Kônig, Einleitung in das Alt, Test., p. 333, etc.

Le texte hébreu est, çà et là, obscur et incertain ; il a besoin d’être soumis en plusieurs endroits à un sérieux examen. Ci. F. Buhl dans la Zeitschrift fur alttestam. Wissemchaft, 1885, p. 181 sq. Un savant catholique, le D r L. Reinke, a fait la critique des versions Içs plus anciennes, en les comparant à l’hébreu massorétique, Zur Kritik der âlteren Versionen des Prophetens Nahum, Munster, 1867. Voir aussi, en ce qui concerne la traduction des Septante, A. Vollers, Das Dodekapropheton der Alexandriner, SSO ; pour la version syriaque, Mark Sebôk, Die surische Vebersetzung der zwôlf kleinen Propheten, Leipzig, 1887.

VII. Bibliographie. — 1° Pour les questions préliminaires, voir les introductions de F. Kaulen et du P. Cornely (auteurs catholiques), de S. Davidson, F. Bleek, F. Keil, Gornill, Driver, Wildeboer (critiques protestants ou rationalistes) ; l’article Nahum dans les Dictionnaires de Kitto, Smilh, Schenkel, Riehm, Herzog, Hastings, Kaulen (tous protestants, à part ce dernier). 2° Pour l’explication détaillée : — A) Commentateurs catholiques. Dans l’antiquité, Théodoret de Cyr, t. lxxxi, col. 15451988 ; S. Cyrille d’Alexandrie, t. lxxi, col. 9-1062 ; t. lxxii, col. 9-364 ; S. Jérôme, Comment, in Proph., Minores, t. xxv, col. 855-1654. Dans les temps modernes : au xvi= siècle, F. Ribera, Commentarii in librum duodecim Proph., Anvers, 1521 ; Cyprien de la Huerga, Comment, in proph. Nahum, Lyon, 1558 ; Hector Pintus, Comment, in Danielem, Nahum et Lamentationes, Cologne, 1582 ; au xviie siècle, Sanchez, Comment, in Proph. minores et Baruch, Lyon, 1621 ; Aug. de Quiros, Comment, in Nahum et Malach., Séville, 1622 ; au xvin 6 siècle, Calmet, dans son Commentaire littéral des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Dans la première moitié du xix » siècle, P. F. Ackermann, Prophètes minores, Vienne (Autriche), 1830, p. 467-502 ; J. Scholz, Die zwôlf kleinen Propheten nach dem hebrâischen ûbersetzt und erklârt, Francfort, 1833. De nos jours, Breiteneicher, Ninive und Nahum, mit Beziehung der Resultate der neuesten Enldeckungen, Munich, 1861 ; P. Schegg, Die kleinen Propheten ûbersetzt und erklârt, Ratisbonne, 1862, t. iii, p. 1-70 ; Trochon, Les petits prophètes, Paris, 1883, p. 297-318 ; Knabenbauer, Commentarius in Prophetas minore ?, Paris, 1886, t. ii, p. 1-50 ; L.-Cl. Fillion, La Sainte Bible commentée, Paris, 1899, t. VI, p. 490-507. — B) Principaux commentateurs protestants et rationalistes depuis le milieu du xvin « siècle ; T. G. Kalinski, Vaticinia Habacuci et Nahumi observationibus histor.-philolog. illustrata, Breslau, 1748 ; E. Kreenen, Nahumi vaticinium philol. et critice expositum, Hardervici, 1808 ; E. F. C. Rosenmùller, Scholia in Vet. Test., t. vii, Leipzig, 1827, p. 245 sq. ; F. Hitzig, Die zwôlf kleinen Propheten, Leipzig, 1838 (4e édition en 1881, publiée par Steiner) ; H. Ewald, Die Propheten des Alt. Test, erklârt, Stuttgart, 1840, t. ii, p. 349-360 ; Umbreit, Praktischer Commentar ûber die kleinen Propheten, Hambourg, 1844, p. 249-270 ; O. Strauss, Nahumi de Nino vaticinium explicavit et assyriis monumentis illustravit, Berlin, 1853 ; voir aussi, du même auteur, Ninive und das Wort Gottes, Berlin, 1855 ; Pusey, The minor Prophets, Londres, 1860, t. n ; P. Kleinert, Obadjah, Jouas, Micha, Nahum, etc., Bielefeld, 1868 ; J. A. Lindgren, Nahum’s Prophetià : Œfverssettning med Anmœrkningar, Stockholm, 1872 ; C. F. Keil, Die