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Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/944

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1831
1832
OPHIR


Diodore de Sicile, ii, 54. — 3° Les documents cunéiformes, les uns antérieurs à l’an 1000 avant notre ère, les autres du vme siècle avant J.-C, attestent que le territoire compris entre la Susiana et le golfe Persique portait le nom A’Apirra ou Apir. Voir Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies 9 p. 131, 231 ; Fr. Hommel, Geschichte Babyloniens und Assyriens, p. 720. Ce nom peut se transcrire en hébreu par Ophir. Des navires partant d’Asiongaber devaient mettre trois ans, aller et retour, en tenant compte des moussons, pour faire le voyage au golfe Persique. — Telles sont les principales raisons alléguées en faveur de l’Arabie. Mais si Ophir était réellement situé en Arabie, on ne s’explique pas facilement pourquoi le commerce ne se serait pas fait par caravanes, ce qui était moins dangereux et plus conforme aux habitudes du pays.

2° Ophir en Afrique* — Une opinion moins ancienne, mais qui a recruté de nombreux partisans dans les temps modernes, place Ophir sur la côte orientale de l’Afrique, vis-à-vis de Madagascar. Huet, le savant évêque d’Avranches, a trouvé Ophir dans Sofala. Commentaires sur les navigations de Salomon, dans [Bruzen de la Martinière], Traités géographiques et historiques pour faciliter l’intelligence de l’Écriture Sainte, 2 in-12, La Haye, 1730, t. ii, p. 8-255. Le célèbre géographe d’Anville dit, dans son Mémoire sur le pays d’Ophir où les flottes de Salomon allaient chercher de l’or (Mémoires de l’Académie des Inscriptions, t. xxx, 1764, p. 90} : « Le canton que l’on dit être le plus abondant en mines (d’or) est une montagne dont le nom d’Afura ou Fura (en Afrique) présenterait peut-être à quelques critiques un rapport avec celui d’Ophir. » Quatremère est plus affirmatif encore dans son Mémoire sur le pays d’Ophir (Mémoires de l’Académie des Inscriptions), t. xv, 1842, 2 « part., p. 370, où il s’exprime ainsi : « Il faut admettre que la contrée d’Ophir était située sur la côte orientale de l’Afrique, aux lieux où existe encore aujourd’hui le royaume de Sofala. » M. C. Peters, Das goldene Ophir Salomo’s, in-8°, Munich, 1895, identifie Ophir avec les ruines de Zimbaboué, dans le Mashonaland, entre le Zambèse et le Limpopo, où l’on trouve des restes d’anciennes exploitations de l’or. Il croit, de plus, qu’Ophir ne diffère pas du Punt des inscriptions égyptiennes. D’après R. N. Hall et W. G. Neal, The ancient Ruins of Rhodesia, in-8°, Londres, 1902, p. 25-44, Rhodesia= Monomotapa=Ophir. Malgré les affirmations contraires, cette partie de l’Afrique paraît bien avoir été inconnue des Phéniciens et des Égyptiens. — D’autres savants, sans confondre le Punt égyptien avec la moderne Rhodesia, croient cependant que c’est l’Ophir biblique et le placent sur la côte éthiopienne de la mer Bouge et sur la côte correspondante de l’Arabie, mais ce pays, quoique l’or n’en fût pas absent, n’a cependant jamais été « la terre de l’or ».

3° Ophir dans l’Inde. — 1. L’identification d’Ophir avec une contrée de l’Inde est fort ancienne. C’est dans l’Inde que les Septante font naviguer les vaisseaux de Salomon. Dans tous les passages relatifs à cet événement, ils transcrivent Ophir par Sovçi’p, Swipt’p, Eu^âpa ; or cocÇip est le nom copte de l’Inde. Peyron, Lexicon linguse copticm, in-4°, Turin, 1835, p. 218 ; Champollion, L’Egypte sous les pharaons, 2 in-8°, Paris, 1814, t. i, p. 98. — Josèphe, qu’on a bien le droit considérer ici comme un témoin de la tradition juive, dit expressément, Ant. jud., VIII, vi, 4, édit. Didot, t. i, p. 437 : « Le roi fit construire de nombreux vaisseaux… à Asiongaber…, qui appartenait aux Juifs… Hiram, roi de Tyr, lui envoya des pilotes et des hommes entendus dans la navigation, autant qu’il en eut besoin, et Salomon leur commanda de se rendre, avec ses gens, dans cette contrée de l’Inde appelée autrefois Sophir et aujourd’hui Terre de l’or. Eîî ttjv icctXai (ièv Suçt’pav, vOv es Xpuariv piv xa), ou[iévr)v, TTJç’IvStx^çèurivavÎTYi. » — Saint Jérôme,

dans la Vulgate, a conservé ordinairement le nom d’Ophir, mais il l’a traduit une fois dans Job, xviii, 16 r par « Inde », et il place expressément Ophir dans l’Inde, avec Eusèbe. Onomast., aux mots Ophir, Sophera, Sophir, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 376-379 ; 346 r 347, 350, 351. Le commentaire fort ancien qui se trouve dans les Œuvres de saint Basile, Is., xiii, 12, n. 208, t. xxx, col. 592 ; Procope, Comm. in Is., xii, 12 r t. lxxxvii, part. 2, col. 2084 ; Suidas, Lexicon, édit. Bernhardy, 1853, t. ii, col. 834 ; Hésychius, Glossse sacrée, édit. Ernesti, 1785, p. 250, et en général, tous les écrivains grecs, placent Ophir dans l’Inde. On peut donc affirmer que c’est là l’opinion traditionnelle et la plus ancienne.

2. Elle est confirmée par le fait, aujourd’hui universellement admis, que l’Inde est le seul pays qui produise toutes les marchandises apportées par les marins de Salomon, et le nom de plusieurs d’entre elles est sanscrit, c’est-à-dire appartient à la langue qu’on parlait dans l’Inde. Les mots qôf, tukkyim et almûg ou algum, qui désignent les singes, les paons et le bois de santal sont sanscrits ; les paons et le bois de santal ne sont indigènes que dans l’Inde, en sorte que les partisans de l’Arabie ou de l’Afrique sont obligés d’admettre que ces produits étaient exportés de l’Inde dans les comptoirs arabes ou africains. Cela n’est pas impossible, mais n’est-il pas plus naturel d’admettre que les Phéniciens qui étaient de grands commerçants préféraient aller les chercher dans leur pays d’origine ? Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 382395. On peut donc regarder comme la plus probable l’opinion de Josèphe, des Septante et des plus anciens Pères, d’après lesquels Ophir était situé dans l’Inde.

3. Il est plus difficile de déterminer exactement la partie de l’Inde où abordaient les vaisseaux de Salomon. On l’a placée sur les côtes de Malabar, à Ceylan dans le district de Goa où une antique cité, Supara ou Uppara, rappelle le nom d’Ophir, en Malaisie. L’opinion de Max Mûller, Leçons sur la science du langage, 2e édit. franc., p. 256, sans être certaine, est néanmoins fort vraisemblable : « Si Ophir, c’est-à-dire le pays du bois d’algum, dit-il, doit être cherché dans l’Inde et si le point d’où la Hotte de Salomon rapportait des paons, des singes et de l’ivoire, doit être aussi cherché dans une contrée où on parlait sanscrit, l’endroit auquel il est le plus naturel de songer, c’est l’embouchure de l’Indus. Ce fleuve offrait aux habitants du nord toutes les facilités pour porter jusqu’à la côte leur or et leurs pierres précieuses, et les marchands du sud et du centre de l’Inde pouvaient bien désirer profiter d’un marché si heureusement situé pour y vendre leurs paons, leurs singes et leur bois de santal. Dans cette même localité, Ptolémée, vu, 1, 6, nous donne le nom d’Abiria au-dessus de Patlalène, et les géographes indiens y placent une population qu’ils appellent Abhira ou Abhira. Non loin de là, Mac-Murdo trouva, ainsi qu’il le raconte dans sa description de la province de Cutch, une race d’Abhirs, qui sont, selon toute probabilité, les descendants de ceux qui vendirent à Hiram et à Salomon leur or et leurs pierres précieuses, leurs paons et leur bois de santal. » Abhira, situé à l’embouchure de l’Indus, était, comme le remarque Lassen, lndische Alterthumskunde, 1866-1874, t. i, p. 653 ; cf. t. ii, p. 557, l’endroit de la côte le plus proche comme le plus commode pour les Phéniciens.

4. Les vents qu’on appelle moussons soufflent régulièrement dans la mer de l’Inde, alternativement pendant six mois,-d’avril en octobre, du sud-ouest, et d’octobre en avril du nord-est. Lassen, lndische Alterlhumskunde r t. i, p. 251. La flotte phénicienne devait nécessairement arriver à Ophir pendant la première saison et repartir pendant la seconde. Voir le calcul de la durée du voyage de trois ans de la flotte de Salomon à Ophir-