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PENTATEUQUE


op. cit., t. iii, p. 69-79 ; R. Cornely, loc. cit., p. 64-66. 2. Caractères mosaïques de la forme littéraire. — La langue du Pentateuque, malgré l’immobilité relative de l’hébreu, présente des particularités, qui ne se rencontrent déjà plus dans le livre de Josué. Ce sont des mots ou des formes qui ont vieilli et sont tombés en désuétude ou ont été modifiés. On y reconnaît donc des archaïsmes, indices assurés de l’antiquité du livre. Voir t. i, col. 911. Ce sont le pronom masculin hiï, employé 155 fois sur 206 pour la forme féminine hî' ; na’ar, au masculin, pour désigner une jeune fille ; les pronoms hd'él au lieu de 'ellêh, et hallêzéh. R. Graffin, Étude sur certains archaïsmes du Pentateuque, dans le Compte rendu du Congrès scientifique des catholiques, Paris, 1888, t. i, p. 154-165 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit, Paris, 1906, t. i, p. 434-435 ; Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1902, t. iii, p. 122-126. Les critiques ont cherché à échapper à cet argument linguistique de différentes façons. La plupart, rencontrant les archaïsmes dans le code sacerdotal, la source la plus récente, selon eux, du Pentateuque, prétendent que, fussent-ils réels, ils ne prouvent pas l’antiquité du document qui les contient ; un écrivain récent peut à dessein, par amour de l’archaïsme et pour vieillir son œuvre, employer des expressions anciennes, tombées de son temps en désuétude. Mais d’autres ne reconnaissent pas même dans ces particularités du Pentateuque des archaïsmes réels, ils n’y voient que des singularités d’orthographe et d'écriture, introduites par les massorètes dans leur édition du texte du Pentateuque. Ainsi pendant longtemps la voyelle du pronom Nin n'était pas écrite, de telle sorte que, dans tous les livres de la Bible, on avait pour les deux genres les simples lettres Nn ; seule, la lecture différenciait le masculin du féminin. La présence du i dans le pronom féminin n’est pas ancienne, et les quiescentes i et > n’ont été ajoutées qu'à une époque assez récente. En transcrivant le Nin féminin, les massorètes ont marqué sous le n le point de la voyelle i ; ils lisaient donc hî' et non hû'. S’ils ont conservé l’anomalie Nin, c’est par un respect exagéré pour l’unique manuscrit du Pentateuque qu’ils ont transcrit et ponctué, et la leçon de leur manuscrit s’explique par le fait que, vers le commencement de notre ère, l'écriture hébraïque ne mettait que peu ou pas de différence entre le i et le ». Ces affirmations sont loin d'être certaines, voir t. iii, col. 504-505 ; rien ne donne droit d’accuser les massorètes d'être des faussaires. Les massorètes, au rapport du Talmud de Jérusalem, traité Taanith, iv, 2, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 179180, consultèrent trois manuscrits du Pentateuque et maintinrent les onze exceptions de la forme féminine N>n sur le témoignage de deux de ces manuscrits. L’emploi du masculin-iyj pour le féminin mva pourrait

bien n'être aussi, dit-on, qu’une simple irrégularité d’orthographe ; à supposer qu’il soit un idiotisme.ancien, il ne serait pas à lui seul une marque de haute antiquité. Les pronoms archaïques ne seraient non plus que des différences orthographiques. A. Loisy, Histoire antique du texte et des versions de la Bible, dans L’enseignement biblique, Paris, 1892, t. i, p. 51-56. Comment se fait-il donc qu’ils n’existent que dans le Pentateuque ?

En outre des formes archaïques, on signale encore dans le Pentateuque des mots anciens, tels que ?~n '.rtzi et B.iP, Gen., i, 2, et la tournure pt » n rvn, Gen.,

t : " T t - i, 25, des expressions et des phrases plus tard inusitées : 'dbîb, « épi, » et le premier mois de l’année, voir t. i, col. 46 ; bdnàh, dans le sens de concevoir ; kibsan, i four ; » kâsas, « compter ; » mékés, « somme comptée ; » miksdh, n compte ; » yê'dsef 'el-'ammav, « être réuni à ses peuples, » ou simplement yê'dsef, « être réuni. » Certaines phrases poétiques, telles que « cou vrir l'œil de la terre », Exod., x, 5, 15 ; Num., xxii, 5 T 11, signifiant couvrir la surface de la terre, sont trèsantiques. Les mots 'ômér et 'issdron ne se lisent aussi que dans le Pentateuque. Voir t. iii, col. 273. Enfin, en plus des mots égyptiens déjà mentionnés, on trouve dans le Pentateuque des expressions hébraïques qui ne sont que des transcriptions de mots égyptiens. Ainsi fêbâh, désignant l’arche de Noé et la nacelledans laquelle Moïse fut exposé sur le Nil, est l'égyptien tba, ou teb, tep, qui signifie « coffre, bateau, berceau ». Les roseaux dont était faite la lêbâh de Moïse sont appelés goméh ; c’est l'égyptien kam, qui est la mêmechose que gam, « jonc. » L’enfant fut exposé sur la « lèvre du Nil » ; or la lèvre exprimait métaphoriquement en égyptien le rivage. Yeor est le nom même du Nil. Les vaches grasses du songe de Pharaon paissaient des aftu, expression égyptienne qui signifie « verdure, roseaux ». Joseph est revêtu de liii, seS, mot usité dan& la Genèse comme sur les monuments hiéroglyphiques. Voir t. iii, col. 1668. Le roseau que les Israélites emploient pour fabriquer des briques est nommé de son nom égyptien qas. Sur les hartummîm, voir t. n r col. 1443-1444. L’arbuste dans lequel Moïse voit Dieu à l’Horeb est appelé senéh, qui est le sent des inscriptions et des papyrus de la XIX 5 dynastie. Le tambour, tof, dont Marie, sœur de Moïse, se sert, porte un nom égyptien, teb, tep. Le vase, dans lequel on dépose la manne, sinsénet, les pots de viande, que regrettent les Israélites, sîr, sont des mots égyptiens sennu, seri, qu’on ne retrouve plus dans les autres livres de la Bible. La corbeille destinée à contenir les prémices, téné', est la tena, « corbeille, » des Égyptiens. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, ! }' édit., . Paris, 1896, t. ii, p. 586-591. Toutes ces particularités, lingaistiques réunies sont des indices évidents de l’antiquité du Pentateuque ; elles confirment par suite l’authenticité mosaïque de ce livre.

III. OBJECTIONS CONTRE L’AUTHENTICITÉ MOSAÏQUE

du pentateuque. — 1° Histoire de ces objections. — 1. Les précurseurs des critiques modernes. — Les gnostiques, qui rejetaienttoutl' Ancien Testamentcomme étant l'œuvre du mauvais principe, ne niaient pas l’authenticité mosaïque du Pentateuque, ils soutenaient seulement que le mauvais principe avait trompé Moïse. Ptolémée, disciple de Valentin, distinguait dans la législation mosaïque les lois divinement révélées, les lois portées par Moïse de sa propre autorité et les lois promulguées par les anciens du peuple. Il ne niait pas explicitement que cette législation ait été rédigée par Moïse. Lettre à Flora reproduite par saint Épiphane, User., xxxiii, 8, t. xli, col. 560-561. D’après le même saint, Hssr., xviii, 1, ibid., col. 257, et saint Jean Damascèue, Hxr., xix, t ; xciv, col. 689, les nazaréens prétendaient que les livres de Moïse avaient été fabriqués et que la loi, donnée aux Juifs par ce législateur, différait de celle du Pentateuque. Au m » siècle, l’auteur des Homélies clémentines, hom. iii, 47, t. ii, col. 141, 144, faisait dire à saint Pierre que la loi, donnée par Dieu à Moïse, avait été confiée oralement aux anciens, mise par écrit après la mort de Moïse, perdue, retrouvée et enfin brûlée au temps de Nabuchodonosor. Le récit d& la mort de Moïse n’ayant pu être écrit par le défunt, le Pentateuque qui le contenait était par suite d’une autre main. À part cette dernière observation qui est vraie, les objections des hérétiques n’ont rien de scientifique et sont de pures inventions sans valeur.

Il faut passer jusqu’au temps de la Réforme pour rencontrer de nouveaux doutes sur l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Carlstadt, De canonicis Scripturis libellus, Wittemberg, 1520, en vint par le même raisonnement que l’auteur des Homélies clémentines^ à douter que Moïse ait rédigé les récits historiques du Pentateuque. Moïse n’a pu raconter sa mort. Or le