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PENTATEUQUE


pu parler de lui-même à la troisième personne, dresser sa généalogie comme celle d’un étranger et se louer en termes modérés. Mais ces particularités peuvent bien aussi être attribuées aux scribes ou secrétaires qui écrivaient sous sa direction.

b) Quant aux indications historiques et géographiques, qui seraient des anachronismes au temps de Moïse, quelques-unes, déjà signalées par Abenesra, sont regardées par beaucoup d’exégètes comme des gloses insérées plus tard dans le récit de Moïse, par exemple Gen., xo, 6 ; xiii, 7 ; xix, 37-38 ; Deut., iii, 11, 14. Voir col. 61. Elles ne prouvent pas la composition tardive du Pentateuque ; avant l’invention de l’imprimerie, les additions et la mise au point de certains détails dans la transcription des manuscrits était chose facile et naturelle. On pense généralement aussi que la liste des rois d’idurnée, Gen., xxxvi, 31, a été continuée jusqu'à l'époque de David. Voir t. iii, col. 834. La cessation de la manducation de la manne, Exod., xvi, 35, qui n’arriva qu’après le passage du Jourdain, Jos., v, 12, a bien pu être mentionnée par Moïse, peu avant sa mort, alors que les Israélites étaient déjà sur les confins de la Palestine. Les livres des guerres de Jéhovah et du Juste étaient des anthologies de poèmes. Commencés avant Moïse, qui y fit des emprunts, ils ont été enrichis de pièces plus récentes, telles que l'élégie de Saùl et de Jonathan par David. II Reg. (Sam.), 1, 18. Les noms anciens de plusieurs localités ont été remplacés par ceux qu’elles eurent après la conquête du pays de Chanaan. Ainsi Dan, voir t. ii, col. 1244-1245, et Cariath-Arbé, voir t. i, col. 884 ; t. iii, col. 554. Dans le cantique de Moïse, Exod., xv, 16-17, le pays de Chanaan n’est pas expressément désigné sous le nom de terre des Hébreux, et sa possession par les Israélites n’est que future.

c) Les doubles récits de la Genèse, s’ils étaient constatés, prouveraient seulement que Moïse aurait utilisé des documents différents, par exemple pour la création et le déluge. Voir t. ii, col. 1345. Mais l’existence de tous ceux que les critiques signalent est loin d'être démontrée. Ainsi on affirme gratuitement que les relations d’Abraham et d’Isaac avec Abimélech, roi de Gérare, ne sont que le même fait dédoublé ; les circonstances différentes des récits prouvent la distinction des deux événements, répétés dans des situations analogues pour le père et pour le fils. Voir 1. 1, col. 54. II en est de même des deux enlèvements de Sara, voir 1. 1, col. 19, et du cas analogue survenu à Rébecca. La fuite d’Agar ne peut être comparée à son expulsion. Voir t. i, col. 262. La promesse d’un fils fut réitérée par Dieu à Abraham dans des occasions différentes. Voir t. i, col. 78. Les prétendues étymologies multiples des noms propres de personnes ou de lieux s’expliquent aisément. Voir Bersabée, t. i, col. 1629-1638 ; Béthel, col. 16721674 ; Galaad, t. iii, col. 45 ; Mahanaim, t. iv, col. 571 ; Issachar, t. iii, col. 1005-1006 ; Joseph, col. 1655 ; Zabulon. Il en est de même dans l’Exode et les Nombres. Les prétendus doubles récits concernant des faits qui se sont réellement produits deux fois, tels que le double envoi des cailles, voir t. ii, col. 33, et le double miracle du rocher frappé. D’autres, comme la double vocation de Moïse et la double révélation du nom de Jéhovah, Exod., iii, 2-14 ; vi, 2-13, voir t. iii, col. 1230-1231, 1233 ; la double désignation d’Aaron comme interprète de son frère, Exod., iv, 14-16 ; vi, 30vii, 2, ne sont que des répétitions faites par Dieu des mêmes promesses. Pour l’organisation successive des anciens et des juges au désert, voir t. i, col. 554-555. Quant aux diversités de détails qui prouveraient la distinction des récits, la plupart sont desimpies anomalies, qui ne sont pas inconciliables et qui n’empêchent pas une heureuse harmonisation de l’ensemble. Sur les femmes d'Ésaû, voir Ada, t. i, col. 165 ; Basemath, col. 1492 ; sur le beau.père-de Moïse, voir Hobab, t. iii,

col. 725-726 ; Jéthro, col. 1521-1522. De même, certaines lois qu’on oppose comme provenant de codes différents, se sont que des dispositions successives et complémentaires. Voir t. iv, col. 338.

3. Arguments particuliers tirés de la législation hébraïque qui prouveraient et la diversité des codes et leur promulgation postmosaïque. —Les critiques ont cherché à établir la distinction des trois codes hébraïques : livre de l’alliance, Deutéronome et code sacerdotal, par la diversité de leurs principales dispositions religieuses, et leur succession dans cet ordre par la progression successive de ces dispositions et leur observance tardive de la part des Israélites. Sans parler de la loi morale ou du Décalogue, qu’on trouve sous trois formes spéciales : censé, d’après eux, promulgué au Sinaï dans le document élohiste, Exod., XX, 1-17, puis dans le document jéhoviste, Exod., xxxiv, 14-26, enfin promulgué à l’Horeb, 'Deut., v, 6-18, les institutions religieuses d’Israël auraient passé par trois phases et se seraient développées, non pas dans l’intervalle des 40 années du séjour au désert, mais bien au cours des âges et sous des influences variées, notamment sous l’action des prophètes, qui épuraient et spiritualisaient progressivement les idées de leur peuple. Passons en revue à ce point de vue les principales dispositions législatives, dans lesquelles le progrès serait le plus nettement marqué.

a) La pluralité des autels et l’unité de sanctuaire. — Le livre de l’alliance permettait de dresser des autels en tout lieu où Dieu avait manifesté son nom, pourvu que l’autel soit de terre ou de pierres brutes et non taillées, et à la condition aussi qu’il n’ait pas de degrés de peur que le sacrificateur, en les gravissant, ne découvre sa nudité en présence de Dieu. Exod., xx, 24-26. Si les Israélites n’ont pas la liberté d'ériger des autels partout où il leur plaît, puisqu’il est nécessaire que le lieu ait déjà été sanctifié par une intervention divine, cependant il n’y a ni sanctuaire unique ni lieu fixé pour tous. L’unité de sanctuaire est imposée soi-disant par Moïse et pour l’avenir seulement, quand Israël aura pénétré dans le pays de Chanaan et que Dieu aura manifesté, le lieu unique où il veut être honoré. Deut., xii, 5. Enfin, cette unité que le Deutéronome présentait comme un but à réaliser est supposée dans le code sacerdotal comme ayant toujours existé. Elle n’est pas prescrite explicitement ; mais toute l’organisation du culte autour du tabernacle exige sa réalisation, puisque ce code ne soupçonne pas qu’un sacrifice pût être offert aïtteviTS. L’histoire d’Israël confirme par les faits cette superposition de lois relatives à l’autel. A l'époque des Juges, nonobstant l’existence du sanctuaire de Silo, où l’arche est déposée, I Sam., i, 9 ; iii, 2, 3, 15 ; .Ter., vii, 12, on offre ailleurs des sacrifices. Jud., VI, 26-28 ; xi, 11, 31 ; xiii, 15-23. Michas a une maison de Dieu, xvii, 5. Les Danites établissent un sanctuaire à Laïs qu’ils ont conquise, xviii, Il sq. Après que l’arche eut été prise par les Philistins, on sacrifiait en diverses localités, à Masphath, à Ramatha, à Galgala, etc. I Sam., VI, 14, 15 ; vii, 9, 17 ; ix, 12 ; xi, 15 ; xiii, 9, 12 ; xvi, 2, 3 ; xx, 29 ; xxi, 1, 6 ; xxii, 10, 13 ; II Sam., vi, 12, 13, 17, 18 ; xxiv, 18-25. Même après la construction du Temple de Jérusalem, on sacrifiait sur les hauts-lieux en Juda, I (III) Reg., iii, 2-4 ; xv, 14 ; xxii, 44 ; II (IV) Reg., xii, 3 ; xiv, 4 ; xv, 4, 35, et dans le royaume d’Israël, à Béthel età Galgala. I (III) Reg., xii, 26-33 ; Amos, ni, 14 ; iv, 4, 5 ; v, 5 ; vii, 13 ; Ose., iv, 13 ; IX, 15 ; xii, 11. Élie et Elisée ne réclament pas contre la pluralité des autels ; ils blâment seulement le culte idolâtrique qui est accompli sur les hauts-lieux. Élie se plaint de Ja destruction des autels de Jéhovah, I (III) Reg., xix, 10, 14 ; il dresse luimême un autel de pierres au CarmeJ, xyin, 30, 32, et Elisée sacrifie chez lui, xjx, 21. La loi de l’unité de sanctuaire n’a été observée à Jérusalem qu’après la