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PENTATEUQUE


chute de Samarie et en application de la loi deutéronomique. Elle n’est donc pas mosaïque. Telle est l’objection.

La succession des ordonnances relatives à l’autel s’explique et s’harmonise avec les faits de l’histoire Israélite, sans qu’elles cessent d’avoir été portées par Moïse. Au pied du Sinaï, avant que le tabernacle n’ait été dressé, Moïse avait permis d'élever à Dieu des autels simples et sans degrés en tout lieu où le Seigneur manifesterait son nom. Après l’adoration du veau d’or et quand le tabernacle eut été érigé, pour prévenir les rechutes dans l’idolâtrie, Moïse avait ordonné aux Israélites d’offrir des sacrifices et d’immoler, même les animaux destinés à la boucherie, auprès du sanctuaire unique du désert. Lev., xvii, 3-9. Voir Chair des animaux, t. ii, col. 491-498. Cette loi n’a pu être pratiquée qu’au désert, à l'époque où Israël, réuni au camp, pouvait aller facilement au tabernacle. Elle n’a pu être imaginée au temps d’Esdras, alors qu’il n’y avait ni camp ni tabernacle. Sur le point d’introduire Israël au pays de Chanaan, le sage législateur abrogea l’obligation d’immoler tous les animaux auprès de l’arche, en maintenant pour l’avenir la loi du sanctuaire unique au lieu que Dieu devait choisir. En attendant que Dieu eût fait choix de Jérusalem, il n'était pas interdit de lui offrir des sacrifices en dehors du sanctuaire où reposait l’arche. Voir Hauts-lieux, t. iii, col. 453-454. Même après l'érection du Temple de Jérusalem, la loi de l’unité du sanctuaire n'était pas si rigoureuse qu’il ne fût permis d'ériger d’autres autels et d’y offrir des sacrifices légitimes. Au Temple, se faisait le service régulier, quotidien, prescrit par la loi mosaïque. Dans les circonstances extraordinaires, on pouvait dresser des autels ; les prophètes et les rois les plus pieux le faisaient sans scrupule et ne pensaient pas manquer à une loi divine qui n’avait pas une signification si absolue et si restrictive qu’on le prétend. Voir Autel, t. i, col. 1266-1268. Il n’est donc pas nécessaire de soutenir avec M. Poels, Examen critique de l’histoire du sanctuaire de l’arche, Louvain, 1897, t. i (seul paru), en dépit de la géographie, que le haut-lieu de Gabaon est identique à Masphath, à Kiriath-Jarim et à Nob, cf. Poels, Le sanctuaire de Kirjath Jearim, Louvain, 1894, ni avec M. Van Hoonacker, Le lieu dti culte dans la législation rituelle des Hébreux, dans le Muséon, avril-octobre 1894, t. xiii, p. 195-204, 299-320, 533-541 ; t. xiv, p. 17-38, de distinguer dans les trois codes un sanctuaire unique servant de demeure à Jéhovah et de centre exclusif du culte public et national, et des autels multiples, consacrés au culte privé et domestique pour l’immolation ordinaire du bétail, accompagnée de rites religieux que tout Israélite pouvait accomplir. Le Deutéronome ordonnait de détruire seulement les hauts-lieux ayant servi au culte des idoles. Sans doute, cette prescription ne fut pas observée fidèlement, Jud., ii, 2, 3, et les hauts-lieux détruits furent relevés, parce que les Israélites retombèrent fréquemment dans l’idolâtrie. De même, le culte de Jéhovah sur les hauts-lieux, quoique illicite après la construction du Temple de Jérusalem, continua, non seulement dans le royaume schismatique d’Israël, mais même dans celui de Juda. L’usage en était tellement invétéré que les rois les plus pieux durent le tolérer. On y mêla même parfois des pratiques idolâtriques au culte de ' Jéhovah. Les prophètes s'élevèrent avec vigueur contre ce culte mixte, et leur enseignement finit par faire abolir tardivement tous les hauts-lieux, conservés malgré la loi et au détriment de la pureté du culte. Voir Hauts-lieux, t. iv, col. 455-457 ; Idolâtrie, col. 810-813. L’histoire de la multiplicité des autels et du sanctuaire unique de Dieu en Israël ne prouve donc rien contre la législation mosaïque qui les concerne.

b) Les sacrifices. — Le livre de l’alliance exigeait

les prémices des fruits de la ferre et les premiers-nés des bestiaux, ainsi que le rachat du premier-né de l’homme. Exod., xxii, 28-29 (hébreu, xxiii, -19). Il demandait qu’aux jours de fête, quand il se présentait devant Dieu, Israël ne vint pas les mains vides. Exod., xxiir, 15. On ne devait mélanger rien de fermenté aux sacrifices ni rien conserver des victimes pour le lendemain. Exod., xxiii, 19. Les sacrifices paraissent donc être une oûrande spontanée des biens de la terre au Seigneur et leur cérémonial est réduit au minimum. Le Deutéronome précise et développe les lois sur les premiersnés des animaux, xv, 19-23, les prémices, xxvi, 1-11, et les dîmes, xxvi, 12-15. L’offrande des prémices est rattachée au souvenir de la sortie d’Egypte et de la prise de possession du pays de Chanaan, et elle présente, comme celle de la dîme, le caractère d’une œuvre de bienfaisance pour les pauvres, les veuves, les orphelins et les lévites. Le code sacerdotal enfin distingue différentes espèces de sacrifices et décrit minutieusement tous leurs rites. À l’holocauste et au sacrifiée d’actions de grâces il joint la simple oblation et les sacrifices pour le péché et le délit. Il introduit encore l’offrande de l’encens. L’idée du sacrifice est elle-même changée : au lieu de l’offrande familiale, spontanément faite à Dieu, du repas joyeux auquel prennent part les pauvres, il est une institution officielle et publique, un service commandé, soumis à des rites minutieux. Or, ce rituel détaillé du Lévitique n’apparaît nulle part observé avant la captivité. On offrait assurément des sacrifices, des holocaustes, mais librement et simplement pour honorer Dieu et se le rendre favorable. On ne se préoccupait pas de savoir quelle victime devait être immolée, quand, où, par qui et comment elle devait être offerte. Bref, le code sacerdotal n'était pas observé, par la raison bien simple qu’il n’existait pas encore.

Les faits ne répondent pas à la théorie, et les livres historiques ne sont pas muets, comme on le prétend, sur l’offrande publique et solennelle des sacrifices. Ils mentionnent en particulier des holocaustes. Voir t. iii, col. 732. S’ils ne parlent pas du sacrifice quotidien, s’ils ne décrivent pas les rites, on n’est pas en droit de conclure de leur silence que ce service ne se pratiquait pas et que les rites n'étaient ni observés ni appliqués. On peut légitimement supposer que le service ordinaire se faisait régulièrement à Silo, et plus tard à Jérusalem, auprès de l’arche. Il y avait là un sacerdoce en permanence. Les historiens n’enregistrent que les faits, supposant les rites connus de tous. D’ailleurs, si les prophètes les plus anciens, Amos et Osée, protestent si énergiquement contre le formalisme excessif des pratiques rituelles de leur temps et prêchent le culte en esprit et en vérité, c’est une preuve péremptoire que les rites se pratiquaient alors, puisque les prêtres et le peuple y attachaient plus d’importance qu’aux dispositions intérieures. Si Dieu blâme les sacrifices réitérés à Béthel, c’est que leur offrande n’empêche pas l’impiété et la multiplication des péchés. Amos, iv, 4, 5. S’il hait leurs fêtes, leurs holocaustes et leurs vœux, Amos, v, 21, 22, c’est parce que les Israélites sont coupables. La maison d’Israël ne lui at-elle pas offert des victimes durant les quarante années de son séjour au désert ? Amos, v, 25, et pourtant elle a été punie, parce qu’elle était infidèle. Ou mieux peutêtre faut-il lire ce verset difficile ainsi : « Avez-vous, alors que vous m’offriez des sacrifices dans le désert pendant quarante ans, porté aussi Sakkout et Kion ? » Le crime actuel des Israélites est plus grand que leur rébellion au désert ; elle sera punie, nonobstant les sacrifices qu’ils offrent au Seigneur. Cette interprétation suffit à enlever la prétendue opposition qu’on trouve entre cette parole du prophète et le code sacerdotal, qui mentionne l’offrande quotidienne des sacri-