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RUTH (LIVRE DE)


îuda par Phares. Le but de l’auteur est donc directement théocratique, montrant comment une femme d’origine étrangère, née au milieu d’un peuple païen, hostile et odieux à Israël, cf. Is., xv-xvi ; Jer., xi.viij, était devenue d’une manière toute providentielle, à cause de son amour pour la nation et pour le culte de Jéhovah, l’aïeule du saint roi David. Voir F. Vigouroux, Manuel bibl, '12e éd., t. ii, p. 76 ; Umbreit, dans les Theolog. Studien und Kritiken, année 1834, p. 315318. — 2. Le but du livre dans l’intention de l’Esprit-Saint se rattache étroitement à celui de l’auteur, mais il va beaucoup au delà. Il consiste à fixer, pendant la période marquée par la généalogie finale, la liste des ancêtres, non seulement de David, mais du Messie luimême. Cela résulte clairement du passage parallèle, Matth., i, 3 b -5, qui insère sans aucune modification Ruth, iv, 18-22, dans la liste des aïeux de N.-S. JésusChrist. Les anciens interprètes chrétiens l’avaient fort bien compris. Cur scripta est de Ruth historia ? se demandait Théodoret, In Ruth., t. lxxx, col. 518. Et il répondait sans la moindre hésitation : Primum propter Christum Dominum.

VIII. Place du livre dans le canon biblique. — Elle u’est pas la même dans la Bible hébraïque que dans les Septante et la Vulgate. Dans la Bible hébraïque, le livre de Ruth occupe le second rang parmi les cinq Megillôf ou « rouleaux », qui font eux-mêmes partie de la troisième catégorie des écrits sacrés, les Ket ùbîm ou Hagiographes. Il vient immédiatementaprès le Cantique des cantiques et précède les Lamentations de Jérémie. Dans les traductions officielles grecque et latine, il est placé à la suite du livre des Juges, auquel il se rattache directement par ses premiers mots : place très convenable, puisqu’il complète l’histoire des Hébreux à l'époque des Juges, et que, d’ailleurs, celle qui en est l’héroïne vivait à cette même époque. Il semblerait que les Juifs eux-mêmes lui ont aussi attribué primitivement cette place, car Joséphe, Cont. Apion., i, 8, compte les livres des Juges et de Ruth comme n’en formant qu’un seul. Peut-être a-t-il été détaché tardivement de sa première place « lorsqu’on l’affecta à la lecture synagogale et qu’il dut, pour cette raison, faire partie des rouleaux officiels. s> L. Wogue, Hist. de la Bible et de l’exégèse biblique jusqu'à nos jours, in-8°, Paris, 1881, p. 59. On le lisait pour la fête de la Pentecôte. Méliton de Sardes, t. v, col. 1216, Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xxx, col. 520, et saint Cyrille de Jérusalem, Cat., iv, 35, t. xxxiii, col. 500, disent formellement aussi que, chez les Juifs, les livres des Juges et de Ruth n'étaient comptés que comme un seul. Saint Jérôme fait de même dans son Prolog, galeat, t. xxviii, col. 553 : Deinàe subiexunt Sophtim, id est, fudicum librum, et in eumdem compingunt Ruth, quia in diebus Judicum facta narratur historia. Cf. Ruffin, Exposit. in Symbol. Apostol., xxx , t. xxr, col. 374. À l'époque des Septante, le livre de Ruth était encore rangé parmi les livres historiques. C’est donc plus tard seulement, durant l'ère chrétienne, lorsque

le canon juif reçut la forme qu’il a encore aujourd’hui, que le livre de Ruth fut placé parmi les Hagiographes en général, et spécialement parmi les cinq Megillôf. IX. Beauté littéraire. — Le livre de Ruth est généralement admiré. On a dit de cette composition que c’est « une œuvre d’art exquise, d’un charme inexprimable ». Ce qui est vrai, à condition de ne pas exagérer le sens des mots œuvre d’art. Voir Cornill, Einleitung in das A. T., 2 6 éd., p. 242. « La variété ne manque pas à la poésie des Hébreux, écrivait A. de Humboldt, dans son Commentar zum west.-ôstlich. LHwan, p. 8, Cosmos, trad. franc., 1864, t. ii, p. 53-54. Tandis que, depuis Josué jusqu'à Samuel, elle respire l’ardeur des combats, le petit livre de Ruth la glaneuse offre un tableau de la simplicité la plus naïve et d’un charme inexprimable. Goethe, à l'époque de son enthousiasme pour l’Orient, l’appelait le poème le plus délicieux que nous eût transmis la muse de l'épopée et de l’idylle. » Le card. Gibbons écrivait de son côté, The Ambassador of Christ, in-12, Baltimore, 1896, p. 332 : « La simplicité de la vie pastorale des Hébreux est décrite, au livre de Ruth, avec un style si charmant et si conforme à la nature, qu’elle n’est dépassée par aucun morceau d’Homère ou des Églogues de Virgile. »

X. Bibliographie. — Théodoret, In Ruth, Migne, t. lxxx, col. 517-528 ; Midrasch Ruth Rabba, publié dans la Bibliotheca rabbinica àek. WwasaYve, Leipzig, 1883 ; Rupert de Deutz, In Jud. et Ruth, t. clxvii, col. 1057 ; Collegium rabbinico-biblicum in librum Ruth, publié par J. B.Karpzow, Leipzig, 1703. Du xvi « au xviiie siècle : Marcellinus Evangelista, O. M., Explanationes in libr. Ruth, Florence, 1586 ; Nie. Serarius, Indices et Ruth, explanali, Mayence, 1609 ; C. Sanchez, Comment, in Ruth, Esther, Lyon, 1651 ; J. Khell, De Epocha historié Ruth, Vienne (Autriche), 1756 ; F. W. C. Umbreit, Ùber Geist und Zweck des Bûches Ruth, dans les Theol. Studien und Kriliken, 1834, p. 305-308 ; Metzger, Liber Ruth ex hebr. in latmum versus perpetuaque interprétations illustratus, Tubingue, 1856 ; Auberlen, Die drei Anhànge des Bûches der Richter, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1860, ç. 536-568 ; C. H. Wright, The Book of Ruth in ffebrexv with a criticaïly revhseà Taxt, uanous Readings…, in-8°, Leipzig, 1864 ; C. Hamann, Annotationes cr’iticx et exegeticæ in libr. Ruth ex vetustissimis ejus interpretationibus depromptæ, in-8°, Marbourg, 1871 ; A. Raabe, Das Buch Ruth und das Hohelied ini l’rtext, nach neuester Kenntniss der Sprache, in-8°, 1879 ; H. Zschokke, Biblische Frauen, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1882, p. 208-225 ; H. F. Kolilbrûgge, Verklsering van het Boek Ruth, in-8°, Utrecht, 1886 ; G. Wildeboer, Die Litteratur des AU. Testant, nach der Folge ihrer Entstehung, trad. du hollandais, in-8 « , Gœttingen, 1895, p. 341-345 ; K. Budde, Vermuthungen zum Midrasch der Kônige, dans la Zeitschrift fur aUtestam. Wissenschaft, t. xii, 1892, p. 37-51. L. Fillion.


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