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SANGSUE — SANHÉDRIN

de sang qu’elles occasionnent, les accidents les plus sérieux. Les malades périssent quelquefois suffoqués brusquement lorsque ces animaux se lisent sur les cordes vocales, ou bien la mort arrive lentement, accompagnée de symptômes d’une anémie grave. » Maïmonide, Hilcoth Schabbath, ii, 6, rapporte que si quelqu’un avait avalé une sangsue, on faisait chauffer de l’eau, même le jour du sabbat, et on lui donnait les soins nécessaires, parce que sa vie était en danger. Il y a des sangsues dans la fontaine de Cana en Galilée et l’on entretient une grosse anguille pour s’en débarrasser. L’hæmopis sanguisuga est très abondante dans les eaux stagnantes de Palestine. Elle se fixe dans les narines ou dans la bouche avec une ténacité telle que souvent elle se laisse déchirer en deux plutôt que de se détacher. Elle cause assez grande douleur et fait perdre beaucoup de sang. L’hirudo medicinalis se rencontre encore plus fréquemment. Il est difficile de ramasser une pierre dans les petits cours d’eau sans trouver deux ou trois sangsues adhérentes au-dessous. D’autres sangsues appartiennent aux genres bdella et trochetia. Cf. Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 299, 300.


295. — La sangsue.

Il n’est question de la sangsue que dans les Proverbes, xxx, 15 : « La sangsue a deux filles, hab ! hab ! donne, donne. » Elle est le type des choses insatiables qui ne disent jamais : assez ! comme le séjour des morts, le sein stérile, la terre desséchée et le feu. Les filles de la sangsue, hab ! hab ! sont ainsi appelées par métaphore ; elles représentent les instincts insatiables de l’animal.

Plusieurs commentateurs ont pensé que le mot ‘ălûqàh pouvait désigner, d’après l’arabe, le destin ou la Parque, ou encore une sorte de vampire suceur de sang, comme le ghul des Arabes, la Lilith des Juifs (t. iv, col. 254), les démons suceurs de sang du Zohar, ii, 248, 264, etc. Ces identifications ne sont pas justifiées. Les versions ont presque toutes reconnu dans ‘ălûqàh le nom de la sangsue et il n’est pas admissible que l’auteur sacré ait associé un être purement chimérique aux quatre êtres réels qu’il énumère ensuite. Cf. Rosenmüller, Proverbia, Leipzig, 1829, p. 701-703.


SANHÉDRIN (grec : συνέδριον ; Vulgate : concilium), grand conseil des Juifs.

Son origine.

Les docteurs juifs ont prétendu faire remonter l’origine du sanhédrin à Moïse lui-même, lorsqu’il institua un conseil de soixante-dix anciens. Num., xi, 16. L’histoire ne fournit pas le moindre document qui puisse justifier cette prétention. L’institution des anciens n’a nullement le caractère et les attributions qui appartiennent au sanhédrin. Le tribunal établi plus tard à Jérusalem par Josaphat, II Par., xix, 8, n’a que des pouvoirs judiciaires, comme d’ailleurs les anciens tribunaux mentionnés dans le Deutéronome, xvii, 8-10 ; xix, 16-18. C’est après l’exil, à l’époque de la domination perse, que le sanhédrin fut institué. Régis par un pouvoir qui leur était étranger, les Juifs cherchèrent naturellement à posséder chez eux une autorité capable de les gouverner de plus près, avec le plus de pouvoir possible, sans pourtant porter trop gravement ombrage à la puissance souveraine. Sous Esdras, cette autorité fut exercée par des anciens, I Esd., v, 5, 9 ; vi, 7, 14 ; x, 8, et, sous Néhémie, par des ḥôrim ou « nobles » et des segânîm ou « chefs ». II Esd., ii, 16 ; iv, 8, 13 ; v, 7 ; vii, 5. Comme ceux qui ramenèrent les captifs étaient au nombre de douze, I Esd., ii, 2 ; II Esd., vii, 7, il est possible que ce nombre ait été celui des membres du premier grand conseil. Il est évident que, dans ces premiers temps, le conseil de la nation, encore en formation, ne possédait pas l’organisation qu’il eut dans la suite. Néanmoins il se composait déjà des principaux chefs de famille, tant prêtres que laïques, qui tiraient leur autorité de leur situation même ; il constituait ainsi une sorte de sénat aristocratique. À l’époque grecque, Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 3, donne en effet à ce corps le nom de γενουσία, « assemblée de vieillards », sénat. Comme, à cette époque, le grand conseil juif fonctionne normalement, on est en droit de conclure que son institution remontait en réalité au temps de la domination perse, et que cette institution avait eu pour cause, non un acte de l’autorité supérieure, mais la nécessité créée par les circonstances.

Son histoire.

1. Josèphe mentionne pour la première fois la γενουσία à l’époque d’Antiochus le Grand. Les rois grecs laissaient, aux peuples sur lesquels s’exerçait leur suzeraineté, une assez grande liberté de gouvernement. Ils n’exigeaient guère que le paiement des impôts et la reconnaissance de leur autorité souveraine. À la faveur de cette situation, le grand-prêtre, d’une part, et le sanhédrin, de l’autre, firent rentrer dans leurs attributions toutes les questions d’ordre civil et religieux dont se désintéressait le souverain. Quand les princes Asmonéens eurent reconstitué l’autonomie de la nation, et que le pouvoir royal et le pouvoir sacerdotal se confondirent dans la même personne, l’action du sanhédrin se trouva naturellement amoindrie. Cependant, on voit mentionnés sous Judas Machabée le « sénat », γενουσία, senatus, II Mach., i, 10 ; xi, 27, les « anciens », II Mach., iv, 44, et « les anciens du peuple », I Mach., vii, 33, appellations qui ont la même signification ; sous Jonathas « les anciens d’Israël », I Mach., XI, 23, « le sénat de la nation », I Mach., xii, 6, « les anciens du peuple », I Mach., xii, 35 ; sous Simon « les anciens », I Mach., xiii, 36 ; xiv, 20, « les princes de la nation et les anciens du pays », I Mach., xiv, 28, Même sous le régime autocratique d’Alexandre Jannée et d’Alexandra, il est encore question des « anciens des Juifs ». Josèphe, Ant. jud., XIII, xvi, 5.

2. Après la conquête de Pompée, le grand-prêtre redevient le chef de la nation, Josèphe, Ant. jud., XX, x, et le conseil des anciens reprend son rôle. Le proconsul Gabinius divise le pays en cinq districts, avec des συνέδρια à Jérusalem, à Gadara, à Jéricho, à Amathonte et à Sapphora. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 4. Ces conseils n’ont que des pouvoirs juridiques. Cette organisation ne dura qu’une dizaine d’années, de 57 à 47 av. J.-C. En 47, César nomme Hyrcan II ethnarque des Juifs, et le conseil de Jérusalem, qui apparaît alors avec son nom définitif de συνέδριον, exerce sa juridiction sur tout le pays. Josèphe, Ant. jud., XIV, ix, 3-5. Il devient dès ce moment le tribunal par excellence, la bêṭ dîn, « maison de jugement ».

3. Hérode le Grand commence par mettre à mort, sinon tous les membres du sanhédrin, Josèphe, Ant. jud., XIV, ix, 4, du moins quarante-cinq partisans d’Antigone. Josèphe, Ant. jud., XV, i, 2. Il veut ainsi se débarrasser de ceux des nobles qui pourraient lui faire opposition. Il laisse néanmoins subsister l’institution, en y installant ses créatures ; c’est au sanhédrin qu’il défère des lettres compromettantes pour le vieil Hyrcan, qu’il fait ensuite massacrer. Josèphe, Ant. jud., XV, vi, 2. Sous Archélaüs, le pouvoir du sanhédrin ne s’étend qu’aux provinces laissées sous la juridiction du prince, la Judée et la Samarie.