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SANHÉDRIN

4. Sous le régime des procurateurs, le sanhédrin élargit sa sphère d’action et augmente ses pouvoirs. Josèphe, Ant. jud., XX, x, dit qu’alors « l’aristocratie administre et le gouvernement de la nation est confié aux pontifes. » Au temps de Notre-Seigneur, le sanhédrin de Jérusalem est fréquemment mentionné comme la haute cour de justice de la nation et la plus puissante autorité du pays. Matth., v, 22 ; xxvi, 59 ; Marc, xiv, 55 ; xv, 1 ; Luc, xxii, 66 ; Joa., xi, 47 ; Act., iv, 15 ; v, 21 ; vi, 12 ; xxii, 30 ; xxiii, 1 ; xxiv, 20. Il est quelquefois appelé πρεσβυτέριον, « assemblée des anciens », Luc, xxii, 66 ; Act., xxii, 5, et γερουσία, « sénat ». Act., v, 21. Un des membres du sanhédrin, Joseph d’Arimathie, est désigné sous le nom de βουλευτής, Marc, xv, 43 ; Luc, xxiii, 50, c’est-à-dire membre de la βουλή ou « conseil », nom qui est donné par Josèphe au sanhédrin, conjointement avec ceux de συνέδριον et de τὸ κοινόν, « l’assemblée ». Cf. Bell. jud., II, xv, 6 ; Ant. jud., XX, ix, 1 ; Vit., 12, 13, 38, etc. Dans la Mischna, le sanhédrin est appelé bëṭ dîn hag-gâdôl, « grand tribunal », Sota, i, 4 ; ix, 1 ; Sanhedrin, xi, 2, 4, sanhėdrîn gedôlâh, « grand sanhédrin », Sanhedrin, i, 6 ; Middoth, v, 4, sanhedrin šél šib’im ve’éḥâd, « sanhédrin des soixante et onze », Schebuoth, ii, 2, ou simplement sanhedrin. Sota, ix, 11 ; Kidduschin, iv, 5 ; Sanhedrin, iv, 3.

5. Après la ruine de Jérusalem, le sanhédrin sombre dans le désastre de la nation. Il se reconstitue bien une bêṭ din à Jabné, mais ce tribunal ne rend plus que des décisions théoriques et l’autorité qu’il s’arroge ne fait pas qu’il soit la continuation effective du sanhédrin disparu.

Sa composition.

Primitivement recruté dans l’aristocratie sacerdotale et laïque, le sanhédrin dut peu à peu ouvrir ses rangs aux pharisiens, surtout quand les derniers princes Asmonéens et Hérode cherchèrent du côté de ces derniers un contre-poids à l’influence des nobles. C’est ainsi qu’à l’époque romaine le sanhédrin se composait de deux éléments, la noblesse sacerdotale qui était sadducéenne et les docteurs de la loi pharisiens. Le sanhédrin comptait soixante et onze membres. Sanhedrin, 1, 6 ; Schebuoth, ii, 2. Le nombre de 70, consacré par Moïse, Num., xi, 16, paraissait communément admis pour la composition d’un tribunal important. Cf. Josèphe, Bell. jud., II, xviii, 6 ; xx, 5 ; IV, v, 4 ; Vit., 11. Le grand-prêtre était le soixante et onzième membre du sanhédrin.

On n’a pas de renseignements sur la manière dont se recrutait le sanhédrin. Son caractère aristocratique donne à penser qu’on n’y entrait pas par élection populaire. Les membres devaient être nommés soit directement par l’autorité politique, soit par les autres membres déjà en fonction. On était vraisemblablement nommé à vie. Le nouvel élu recevait le droit de siéger par le rite de la semîkâh, ou imposition des mains. Sanhedrin, iv, 4.

On voit par le Nouveau Testament et les écrits de Josèphe que le sanhédrin comprenait trois ordres : les grands-prêtres, les scribes et les anciens. Matth., xxvii, 41 ; Marc, xi, 27 ; xiv, 44, 53 ; xv, 1, etc. Les grands-prêtres, ἀρχιερεῖς, appelés aussi ἄρχοντες, Act., iv, 5, 8, tiennent ordinairement le premier rang. Sous ce nom sont compris les grands-prêtres en fonction, les anciens grands-prêtres, leurs parents et les princes ou chefs des principales familles sacerdotales. Viennent ensuite les scribes, γραμματεῖς qui, à raison de leur science, exerçaient une grande influence dans le sanhédrin. Le troisième ordre se composait des anciens, πρεσβύτεροι, tant prêtres que laïques, que leur situation de famille on leurs aptitudes ne rangeaient pas dans les deux premiers ordres. Les princes des prêtres appartenaient surtout à la secte des sadducéens, les scribes à celle des pharisiens. Les deux partis opposés siégeaient donc ensemble au sanhédrin, Act., iv, 1 ; v, 17, 34 ; xxiii,

6 ; Josèphe, Ant. jud., XX, IX, 1 ; Bell, jud., II, xvii, 3 ; Vit., 38, 39, mais les pharisiens y exerçaient une influencé prépondérante et le peuple n’eût pas permis aux sadducéeens de s’écarter de l’avis des premiers. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 4.

Son organisation.

Josèphe, Ant. jud., XX, viii, 11, parle d’une ambassade juive envoyée à Néron, sous le procurateur Festus, et composée des dix principaux, du grand-prêtre Ismaël et du trésorier Helcias. Or, les « dix principaux » sont assez souvent mentionnés dans les assemblées helléniques. Cf. Diodore de Sicile, XXXIII, v, 2 ; Justin, XVIII, vi, 1. La Mischna, Yoma, i, 1, parle aussi de πρόεδροι, « présidents » de la chambre de justice, comme on en trouvait dans certaines villes grecques. Ceci montre que l’organisation du sanhédrin avait été en partie inspirée par celle des assemblées helléniques.

Une tradition juive tardive, qui ne veut voir dans le sanhédrin qu’une assemblée de docteurs de la loi, suppose que la présidence était régulièrement attribuée aux principaux docteurs pharisiens. Chagiga, ii, 2. Mais on est obligé de conclure, d’après le Nouveau Testament et Josèphe, que le grand-prêtre présidait ordinairement le sanhédrin. Au temps de Notre-Seigneur, le grand-prêtre Caïphe préside, Matth., xxvi, 3, 57 ; au temps de saint Paul, c’est le grand-prêtre Ananie, Act., xxiii, 2 ; xxiv, 1 ; toujours le grand-prêtre a le premier rang. Act., v, 17 ; vii, 1 ; ix, 1 ; xxii, 5 ; xxiii, 2, 4 ; xxiv, 1. On constate la même chose dans Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 14 ; XX, x ; Cont. Apion., ii, 23, etc. Trois passages semblent cependant faire difficulté. Anne est nommé avant Caïphe, comme s’il était le président, Luc, iii, 2 ; Act., lv, 6, et c’est devant lui tout d’abord que comparait Jésus. Joa., xviii, 13-24. Mais il n’y a là qu’une sorte de préséance d’honneur, qui s’explique par la grande situation qu’Anne possédait encore après avoir quitté le pontificat et l’avoir vu passer aux mains de ses fils et de son gendre. En fait, Caïphe exerce le premier rôle dans les circonstances officielles. Joa., xviii, 24, 28 ; Matth., xxvi, 57-66. Quant aux docteurs dont la tradition rabbinique voudrait faire des présidents du sanhédrin, ils n’apparaissent que comme de simples membres de cette assemblée. Ainsi en est-il de Schemaia, Josèphe, Ant. jud., XIV, ix, 3-5, de Gamaliel, Act., v, 34, et de Simon, fils de Gamaliel. Josèphe, Vit., 3839.

Les autorités qui sont à la tête du sanhédrin portent dans la Mischna les noms de naṡǐ, « prince », Taanith, ii, 1 ; Nedarim, v, 5 ; Horayoth, ii, 5-7 ; etc., et de ‘ab bêṭ dîn, « père de la maison du jugement », Taanith, II, 1 ; Eduyoth, v, 6, ou rôš bêṭ dîn, « chef de la maison du jugement ». Rosch haschana, ii, 7 ; iv, 4. Le premier titre désignait en réalité le chef du peuple, le roi, Horayoth, iii, 3, elles deux autres le président du sanhédrin. Ce fut seulement à la fin du second siècle après J.-C. qu’on attribua le premier titre au président du sanhédrin, en réservant les deux autres au vice-président. Le titre de mûflâh, Horayoth, i, 4, ne désignait pas un dignitaire, mais seulement le « plus éminent » dans la science de la loi.

Ses attributions.

La compétence du sanhédrin, au temps de Notre-Seigneur, ne s’étendait qu’aux onze toparchies dont se composait la Judée proprement dite. La Galilée n’en faisant point partie, le Sauveur échappait à la juridiction du sanhédrin tant qu’il demeurait dans cette province. En fait, le sanhédrin exerçait une autorité, volontairement reconnue, sur toutes les communautés juives de l’univers. Ainsi il pouvait faire appréhender des chrétiens même à Damas. Act., ix, 2 ; xxii, 5 ; xxvi, 12. Cependant son pouvoir direct ne s’étendait pas au delà de la Judée.

Ce pouvoir s’exerçait sur les choses d’ordre spirituel et religieux et sur toutes celles qui intéressaient le judaïsme et dont l’autorité romaine abandonnait le souci. Le san-