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DUEGNE

bonne foi, et qui avoue son âge , est tout étonnée un beau jour d’être plus vieille que sa propre mère ; la comédienne, cette cliose autrefois si passaRère , est devenue immortelle ; et pour que cette rose reste toujours fraîche et pimpante, il faut que les plus jeunes se fassent les mamans de ces fratclies sempiternelles ! Où sont-elles,ces vieilles femmes à qui l’on trouvait bon visage , et qui répondaient en souriant : C’est déjà beaucoup d’avoir un visage ! Ou sont-ils ces bons el sincères vieillards qui répondaient : Ça va bien, mais nous mourrons bientôt ! Aujourd’hui surtout, on peut le dire, dans les arts et dans le monde, on ne sait plus ni qui vit ni qui meurt ! Jules Janin.

DUEL, ferme de grammaire employé pour désigner un nombre particulier à quelques langues, comme l’iiébrcii , le grec, le polonais, dans lesquelles le singulier désigne l’unité, le duel la dualité, le pluriel la pluralité. Cette distinction entre la dualité et la pluralité ajoute, sans aucun doute , à la ncliesse d’une langue ; mais elle en complique le mécanisme et en rend l’étude et l’usage difficiles aux étrangers. Le dnel ne s’introduisit que tard dans la langue des Hellènes, et y fut toujours assez peu usité. En hébreu, le duel ne s’emploie guère que pour les choses qui sont naturellement doubles, comme les pieds, les mains, les oreilles, les ycu^, etc.

DUEL (du mot latin duellum, fait lui-même de duo, deux, combat entre deux personnes). Le duel est un combat entre deux personnes pour leurs querelles personnelles, dans un lieu indiqué par un défi ou un appel en forme de cartel. Les armes le plus communément adoptées dans les duels sont à présent le pistolet ou l’épée, et le sabre parmi les militaires. Ce sont pour l’ordinaire les témoins qui règlent les conditions du combat et veillent à leur exécution.

Au point de vue du droit, de la philosophie et de la morale, le duel est injuste, parce que l’offensé reste seul juge dans sa propre cause, au lieu de s’en remettre à la société, seule investie du droit de châtiment ; il est absurde, parce qu’il ne présente pas de degrés dans le châtiment même et que la plus légère offense, comme la plus atroce injure, y est trop souvent punie de mort ; parce que ce n’est pas une réparation où le droit soit respecté, attendu que l’offensé court les mêmes chances que l’offensant, et quelquefois de plus grandes ; et enfin parce qu’il suppose que le courage physique peut réparer un tort moral.

Tout a été dit sur le duel. On l’a attaqué avec le sarcasme et la caricature comme avec les armes de la raison et de l’éloquence. Rousseau a écrit sur lui deux ou trois pages sublimes dans La Nouvelle-Héloïse ; et, comme l’a dit un spirituel écrivain, elles n’ont empêché de se battre que ceux qui, si Rousseau ne les avait pas écrites, ne se seraient pas battus davantage. En effet, aux yeux d’un grand nombre d’hommes, le duel, loin d’être un fait odieux, un crime, est au contraire une chose nécessaire à l’existence des sociétés. Il y a, disent-ils, des injures que les tribunaux sont impuissants à réparer ; il y a des plaies de famille dont on ne peut demander satisfaction qu’en augmentant cent fois son déshonneur ; il est dès lors permis à chacun de se faire justice à soi-même, puisque les voies ordinaires ne sauraient la donner. Des hommes d’État, des écrivains distingués ont défendu le duel à la tribune, dans leurs livres, entre autres Robert Peel, Guizot, Berryer, Lemontey, Brillât-Savarin, etc.

Considéré sous un point de vue général, le duel serait un usage aussi ancien que le monde, car de tout temps les inimitiés ont dû amener des coups de part ou d’autre ; on se hait, on se bat : il suffit pour cela d’être deux et de se rencontrer. Les combats singuliers, les défis ont existé de tout temps. Cependant, l’antiquité ne connaissait pas le duel tel que nous le pratiquons. Cette coutume nous est venue des peuples du Nord, qui ne connaissaient pas d’autre manière de soutenir leurs prétentions. Chez eux tout ne s’ob-

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tenait que par l’épée. C’est ainsi qu’un jeune homme,- faisait la demande d’une fille, et le refus, quoique fondé, nécessitait toujours un duel avec le rival heureux. Lorsque la valeur militaire était estimée par-dessus tout et qu’elle tenait lieu de toutes les vertus, il était naturel de demander à la force individuelle et au courage physique la vengeance de l’injure reçue, d’autant plus que les idées religieuses de l’époque tendaient à voir dans l’issue du combat le jugment de Dieu. Aussi le duel des barbares devint bientôt, sous le nom de combat judiciaire, partie intégrante de la législation de presque tous les peuples européens. Mais ce n’est que lorsque les duels judiciaires cessèrent d’être ordonnés par les tribunaux que commencèrent les duels proprement dits, les duels particuliers ; et grâce à un faux sentiment du point d’honneur, ces rencontres ne tardèrent pas à se multiplier entre gentilshommes.

Voici un résumé des règles que les duellistes reconnaissaient au seizième siècle ; nous les empruntons à Brantôme, dans son curieux Discours sur les Duels. Il commence par recommander de ne pas combattre sans témoins, d’abord pour ne pas priver le public d’un beau spectacle, et ensuite pour ne pas être exposé à être recherché et puni comme meurtrier. «Les combattants, ajoute- t-il, doivent être soigneusement visités et tastés pour savoir s’ils n’ont drogueries, sorcelleries ou maléfices. Il est permis de porter reliques de Notre-Dame de Lorette et autres choses saintes. En quoi pourtant il y a dispute si l’un s’en trouvoit chargé et l’autre non ; car en ces choses il faut que l’un n’ait pas plus d’avantage que l’autre. Il ne faut pas parler de courtoisie : celui qui entre en champ clos doit se proposer vaincre ou mourir, et surtout ne se rendre point ; car le vainqueur dispose du vaincu tellement qu’il en veut, comme de le traîner par le camp, de le pendre, de le brusler, de le tenir prisonnier ; bref, d’en disposer comme d’un esclave». Il faut lire les mémoires contemporains pour se faire une idée des meurtres de toutes sortes que l’on regardait comme des duels. Les ouvrages de Brantôme, de d’Audignier, de L’Estoile et de Tallemant des Réaux, le prouvent à chaque page. Ce fut vers 1580 que s’introduisit la règle pour les seconds de prendre fait et cause pour leurs tenants ; jusque là ils n’avaient été que témoins, et cet usage est avec raison blâmé par Montaigne : «C’est une espèce de lascheté, dit-il, qui a introduit en nos combats singuliers cet usage de nous accompagner des seconds , et tiers , et quarts. C’étoit anciennement des duels ; ce sont à cette heure rencontres et batailles. Outre l’injustice d’une telle action et vilenie d’engager à la protection de votre honneur aultre valeur et force que la vostre, je trouve du désavantage à mesler sa fortune à celle d’un second. Chacun court assez de hasard pour soy, sans le courir encore pour un aultre».

Parmi les plus célèbres duellistes de cette époque, il faut citer les mignons de Henri III. La manie des querelles était, du reste, devenue si commune que Montaigne disait : «Mettez trois François aux déserts de Libye, ils ne seront pas un mois ensemble sans se harceler et s’égratigner». Pierre de L’Estoile porte à sept ou huit mille le nombre des gentilshommes qui périrent en combat singulier depuis l’avènement de Henri IV jusqu’à l'année 1607. On songea alors sérieusement à réprimer les duels. Déjà l’édit de 1569, l’ordonnance de Blois en 1579, un arrêt de la tournelle du parlement de Paris, en date du 26 juin 1599, avaient défendu à tous sujets du roi, de quelque qualité et condition qu’ils fussent, de prendre de leur autorité privée par duels la réparation des injures et outrages, sous peine de crime de lèse-majesté, confiscation de corps et de biens, tant contre les vivants que contre les morts. Un édit daté de 1602 ordonne à la partie offensée d’adresser sa plainte au gouverneur de province pour être soumise au jugement des connétables et maréchaux de France. Ce fut là l’origine de la juridiction du point d’honneur. Mais cette nouvelle institution