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Page:Dictionnaire de la langue française du seizième siècle-Huguet-Tome1.djvu/41

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xxvii
préface

La vigueur de ce corps ne sauroyt consister A peine un jour, si faim vient à le molester. Aubigné, Création, ch. 6.

Delaisser s’employait pour laisser, denoncer pour annoncer : Les jardins et vergers que Caesar delaissa par testament au peuple Romain. Amyot, Fortune des Romains, 5. — Il denoncea et publia par affiches, que ce mesme jour la il vouloit lever gens pour la guerre. Amyot, Camille, 39. — On trouvait dénonciation pour annonce : La rigueur de ma peine n’est que la semonce et denonciation de la leur. Du Vair, Medit. sur les Lament. de Jeremie, 1. — Prononcer aussi s’employait pour annoncer : D’autre costé j’oy la bise arriver Qui en soufflant me prononce l’yver. Marot, Eglogue au Roy.

Descrire se trouvait dans le sens d’escrire, d’inscrire et de transcrire : Tesmoings ces pauvre Coriolanus, Sertorius, Lucullus, Scipion, et une infinité d’autres, desquels les noms seroient trop longs à descrire. Brantôme, M. de La Noue. — Je vous retiens… en estat et office de mes abstracteurs. Par Geber mon premier Tabachin y serez descris. Rabelais, V, 21. — Comme il appert par son Epitaphe… lequel je vous ay bien voulu descrire icy en François de mot à mot. Thevet, Cosmogr., XIV, 15.

On disait très souvent nier pour dénier, pendre pour despendre, route pour déroute : La terre… Nia son vin, ses pommes et son blé, Et de ses fils detestant la misere, Devint marastre en lieu de bonne mere. Ronsard, Elemens ennemis de l’Hydre. — J’ay veu que sous la Lune Tout n’estoit que hazard et pendoit de fortune. Ronsard, Amours diverses, à N. de Neufville. — Les Sicyoniens mesprisans ceulx d’Athenes pour ceste grande route qu’ilz avoient receue pres de Delion, se rebellerent contre eulx. Amyot, trad. de Diodore, XII, 21.

On employait souvent efforcer pour forcer, eslancer pour lancer, espuiser pour puiser, change pour eschange : En parlant et plaidant il efforçoit sa voix. Fouquelin, Rhet. franç., 59 vo. — Le Moenetien… Eslança le premier son javelot luisant. Am. Jamyn, Iliade, 16. — Il espuisoit du vin hors d’un vase profond Et le versoit en terre. id., ib., 23. — Voulez-vous faire change D’un vrai père à un père estrange ? Marot, Colloques d’Erasme.

Nous voyons fermer pour enfermer, trainer pour entrainer, emporter pour comporter et pour importer, enluminer pour illuminer : Ils virent le gouverneur s’estre fermé dedans sa maison avec ses gardes. E. Pasquier, Lettres, XVII, 3. — Aux armes les faultes sont irréparables. Une bien légère traîne souvent après soy une grande perte. Monluc, Comment., L. I (I, 96-97). — Il ne se met point à pari quant à l’adoration de Dieu, laquelle emporte aussi bien les sacrifices. Calvin, Instruct. contre les Anabaptistes. — Il emporte beaucoup… de sçavoir lequel de ces deux langages… approche plus de la perfection. H. Estienne, Dial. du Lang. franç. ital., II, 233. — Une lumiere claire comme l’esclair du tonnerre luy enlumina la teste tout alentour. Amyot, Fortune des Romains, 10.

Veue avait entre autres sens celui d’entreveue : Apres la prinse de Genes et la veue des deux roys à Savonne, celluy de France repassa par sa ville de Milan. Le Loyal Serviteur, Hist. de Bayart, ch. 28.

Informer s’employait pour former, information pour formation, importun pour inopportun : Il est force que quand on approche des choses, on soit si informé et moulé… par icelles. Amyot, Contre Colotes. — Ces deux [la comédie et la tragédie]… tendent plus à la corruption que à la bonne information des mœurs. Des Autels, Replique à Meigret. — Faire testament à ceste heure… me semble acte… importun et mal à propos. Rabelais, IV, 21.