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Page:Dictionnaire de la langue française du seizième siècle-Huguet-Tome1.djvu/68

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préface

table, p. 64. — Ce sens nous amène à celui que le mot a pris comme terme de menuiserie, et le passage de l’un à l’autre se comprend facilement quand on pense aux assemblages que formaient les parquets d’autrefois.

Le mot préau a subi une évolution analogue. Au xvie siècle, il conservait un sens conforme son étymologie, d’après laquelle il devait signifier petit pré : Les deux amans entrèrent dans un préau couvert de cerisaye et bien cloz de rosiers et de groseillers tort haults. Marg. de Nav., Heptam., 44.

Le mot potence, étymologiquement, devrait être abstrait et avoir un sens répondant au latin potentia, auquel il est emprunté. Il s’est matérialisé et a exprimé une idée de moyen. La potence était la béquille, qui donnait la force et le pouvoir de marcher : M. d’Auret se portoit toujours de mieux en mieux, et cheminoit tout seul autour de son jardin sur des potences. Paré, Voyage de Flandre. — Une analogie de forme fait que le mot potence désigne aussi le gibet, et, dès lors, le sens de béquille devient rare et finit par disparaître.

Chapeau aurait dû pouvoir toujours être le nom de toutes sortes d’objets servant à couvrir la tête, surtout s’il est vrai que chape puisse se rattacher au radical de caput. Son sens primitif paraît, en effet., avoir été plus large que le sens actuel. Au xvie siècle, on l’employait très souvent dans le sens de couronne, qui n’est qu’un cas particulier, parfaitement d’accord avec la signification générale : Le Dictateur… le couronna… d’un chapeau de branches de chesne, pource que c’est la coostume des Romains que celuy qui sauve la vie à un sien citoyen, est honoré d’une telle couronne. Amyot, Coriolan, 3. — Mais cette acception entraîne le mot vers une autre toute voisine, celle de guirlande, d’où l’idée première est tout à fait absente : Un pont orné de peintures, doreures, de festons et chappeaux de triomphe, et de tapisseries fort exquisement. Amyot, Nicias, 3. — On voit, d’ailleurs, que ce sens analogique n’a pas subsisté.

Un chapelet était d’abord une coiffure ; le mot était un diminutif de l’ancienne forme chapel : Agathocles… se declaira roy : sans toutefois prendre ne porter couronne et dyademe royal, ains se contenta dung chappelet quil, voit au paravant, des quil usurpa la tyrannie, pour quelque religion et sacerdoce : ou comme aulcuns dient, pource, quil navoit pas beaucoup de cheveulx. Seyssel, trad. de Diodore, III, 20. — Comme chapeau, le mot chapelet pouvait avoir le sens de couronne : Que le peuple… De chapelets de fleurs se couronne la teste. Ronsard, Poemes, Retour d’Anne de Montmorency. — Comme lui, il a aussi le sens de guirlande, mais au lieu de le perdre il passe de là à un autre sens analogique : un assemblage d’objets reliés entre eux comme les fleurs d’une guirlande.

On connaît bien l’histoire du mot bureau, qui, au xviie siècle encore, était le nom d’une grosse étoffe de laine, en sa qualité de dérivé de bure : Je changeray voz gros vilains bureaux En tous draps d’or, d’argent, riches et beaux. Marg. de Nav., les Marguerites, Com. de la Nativ. de J.-C. — On sait comment ce mot a désigné les tapis de table faits de cette étoffe, et comment de cette signification sont venues toutes celles qu’il a prises dans le français moderne.

Fusil désignait la pièce d’acier dont on se servait pour frapper un silex et en faire jaillir une étincelle : Celuy que les Muses cherissent Fait avant qu’il soit jour d’un fusil affilé Bluetter le caillou sur le drap my bruslé. Du Bartas, 1re Semaine, 2e Jour. — Le mot avait souvent un sens figuré : Le fusil martelant de mes plaintes n’a peu Du caillou de ton cœur arracher aucun feu. Am. Jamyn, Poes., IV, 206 vo. — Quand cette pièce d’acier,