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CHARRETON
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L’heure du chartier. — Vivre et mourir pour une Dame en transe, En bien aimant esperer jouissance, C’est exercer un folastre mestier : Ce doux soubris, ces yeux, ces courtoisies, Ce sont autant de belles phrenaisies, Il n’y faut rien que l’heure du chartier. E. Pasquier, les Jeux Poetiques, 1re part., 57 (II, 853). — Je pense qu’il n’y a femme au monde qui trouve mauvais que l’on luy parle d’amour ; et, encore qu’elle n’accorde ce qu’on luy demande, si n’est-elle point marrie d’avoir esté priée, ny ne sçaura jamais mauvais gré à celuy qui en portera la parolle, et fust-ce à l’heure du chartier. François d’Amboise, les Neapolitaines, I, 2.

Charreton, Charton. Conducteur d’un char. — Au moyen dequoy furent pris plusieurs chariots dont les chartons mesmes versoyent à terre, ou tomboient par quelque hurte. J. DE V1NTE. MILLE, trad. de la Cyropédie, V, 6. — [Les Perses] n’usent plus des chariots armez que Cyrus avoit inventez : car il honoroit et par bienfaits rendoit les chartons vaillans, et par ce moyen trouvoit des hommes qui vouloient mettre leur vie en dan. ger. I»., ib., VIII, 11. — Le charton du commencement feit tout ce qu’il peut pour les arrester, en leur tirant la bride. AMYOT, Publicola, 13. — Les chevaulx… se tourmentoyent et saultoyent de frayeur, tellement que le charton ne les pouvoit plus guider ne conduire. I»., Alexandre, 33. Puis s’il te plaist de voir la flamme qui reside, Belle dedans le ciel, du Charton porte-bride, Du Charton estoilé, pour bien la concevoir, De la Chèvre il te faut la souvenance avoir. R. BELLEAU, les Apparences Celestes (II, 336). — Ou qu’encor Faëton Du coche paternel ne soit fait le charton. BAÏF, le Premier des Meteores (Il, 21). — Le ciel taché de blanc marque aujourdhuy l’endroit Par où se forvoya le Charton mal-adroit. I»., ib. (Il, 28). — Bon charton tourne en peu d’espace. ID., les Mimes, L. II (V, 79). — La race de Clymene aujourdhuy Phaeton Ne voudroit de son pere estre le charreton. AM. JAMYN, Œuv. poet., L. IV, 176 vo. — Combatans et chartons dessus les chars se montent. In., lliade, XXIII, 201 ro. — [Philoctète] Son char attelle, et au combat se jecte : Et comme ja encochoit sa sagette, Il oyt venir le traict Parisien Qui en sifflant tua le charton sien. JEAN DE LA TAILLE, Mort de Paris Alexandre. — Lors elle recognoist le danger qui s’appreste, Pensant au vol d’Icare, au cours de Phaëton, L’un mal-heureux oyseau, l’autre mauvais charton, Se repent et reprend d’avoir haussé la teste. CATHERINE Des Roches, dans. E. PASQUIER, la Puce (II, 987). — Le Triangle luysant, le front Medusien, Et l’estoillé charton du char Tyndarien. Du BARTAS, 1re Semaine, 4e Jour, p. 176. — Ils usoient d’Essedes, qui estoient chariots portans un homme armé, et trainez par deux chevaux conduits par un charton aussi armé. FAUCHET, Antiquitez, I, 6. — Il fut jadis une saison ardante, Si fort la terre et les herbes brulante Que de rechef on eust dit Phaëton Du Soleil estre encores le Charton. VAUQUELIN DE LA FRESNAYE, Satyres franç., L. II, à C. d’Auberville. — Nouvelle race Icarienne, Charton de ces Astres jumeaux, L’audacieux fils de Clymene Qui trebucha dedans les eaux. Du MAs, Œuvres meslees, p. 158.

Charrette. Char. — Aiant esté confisquee sa charrette… pource quelle avoit couru audict lieu avec les aultres, ce que nestoit loisible. SEYSSEL, trad. de THUCYDIDE, V, 7 (169 ro). — Les jeunes et nobles agitterent et menerent curres, charrettes, cursoires et chevaulx legiers nommez desultoires. M1cHELD E Tours, trad. de SUÉTONE, I, 18 ro. — La charrette de Minerve retournant du co~ des chevaulx au Capitolle… se rompit. Deroziers, trad. de D10N CAss1us, Hist. Rom., L. XLVII, ch. 64. — Lucius se meit l’habit triumphal, monta sur la charrette, et feit les autres choses accoustumées en semblable pompe. ID., ib., L. XLVIII, ch. 66. — Et manda alors Cleopatra à Cesar… ung sceptre royal, une couronne d’or et une charrette royalle. ID., ib., L. LI, ch. 81. — Pour lesquelz faictz luy furent concedez les honneurs triumphaulx, et qu’il entrast en Rome sur une charrette. ID., ib., L. LIV, ch.105. — Debout, Muses, qu’on m’attelle Vostre charette immortelle, Afin qu’errer je la face Par un. e nouvelle trace. Ronsard, Odes, I, 4. — Ainsi que le ravy Prophete Dans une flambante charette Haut-eslever en l’air s’est veu. ID., ib., V, 4. A quatre Coursiers volans… Vostre charette courbée Attelez, divin troupeau, L’honneur du double coupeau. Du Bellay·, l a Musagnoeomachie. — Flammes du ciel qui suivez la charrette De la nuit brune. BAïF, Eglogue 5 (Ill, 30). Tandis que du doré soleil Dans l’Ocean gist la charette. BoYSSIÈRES, Prem. Œuv., 85 vo. — Esprit qui transportas dans l’ardante charette Sur les Cieux estoillez le clair-voyant Prophete. Du BARTAS, 1re Semaine, 4e Jour, p. 159.

Manger, avaler les charrettes ferrées. Être assez vorace pour tout avaler. — Continuant, donna de la dent si souvent dessus entre le tour de broche, qu’il n’y demeura chair ni lardons, fors seulement les os, dont les chiens n’avoient cure, tant estoient clairs et nets… Je me donne au diable s’il ne mangeroit les charrettes ferrées. Pu. ALCRIPE, la Nouvelle Fabrique, p. 41. — Ils [les diables] ont belle gueule, aussi engoulent-ils tout, jusques aux charrettes ferrees. Supplement du Catholicon, chap. 3, dans Tricote!, édit. de la Sat. Men., Il, 30.

Faire des choses extraordinaires. — Depuis que la cause en est là, eust il mangé une charrette ferree, il en sort tousjours bagues sauves, horsmis de la bource, qui demeure tousjours vuide. Du FAIL, Contes d’Eutrapel, 3 (1, 100). Ce qui est en partie cause de l’effroy que souvent prenent plusieurs gens de guerre est leur ignorance, entant qu’il leur semble, quand ils voyent les ennemis en barbe, qu’ils doyvent manger (comme on dit) les charrettes ferrees. LA NouE, Dise. pol. et mil., XVIII, 2, p. 381. • — Si elle [la fortune] contrarie, l’on auroit beau à manger des charrettes ferrées, ou faire autant d’armes que firent jamais les anciens paladins… ils y perdent leur temps et leur labeur. BRANTÔME, Cap. franç., M. d’Essé (III, 384).

Cette locution s’emploie surtout quand on parle de ceux qui font des fanfaronnades. — Ces belles medalles de Roland, lesquelles à tout propos mangent charrettes ferrees, et leurs espees trenchent montagnes, encores que ce soyent vrais poltrons, couards et recreants. C. D. K. P., trad. de GELLI, Discours fantastiques de Justin Tonnelier, Dise. IV, p. 129. — Je n’eusse jamais pensé… qu’un homme de faction, qui a accoustumé de manger les charrettes ferrées, se fust laissé de valiser par trois pauvres malotrus de sergens. Tourne Bu, les Contens, III, 3. — Quelques bravaches soldats, qui avant le combat, et loin des ennemis tranchent comme on dit les montagnes, et mangent les charettes ferrées. Du VAIR, Consol. à D. M. C. sur la mort de son père, p. 681. — Mon grand gendarme Dict qu’il fera, qu’il crevera, Que d’un coup il avalera Tout plein de charrettes ferrées. Les Fanfares des Roule Bontemps, p. 126. —