Page:Dictionnaire de la langue française du seizième siècle-Huguet-Tome3.djvu/383

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
EMPERLER
365

Poés. franç., XI, 111. — Où seurement comme emperiere regne Necessité. Marg. de Nav., les Marguerites, le Triomphe de l’Agneau (III, 56). — Et toy, du firmament emperiere, Junon, Qui pourroit mieux que luy haut-louer ton renom  ? Tahureau, Premières Poésies (I, 84). — [A la Fortune]. Escoute-moy, du monde l’emperiere, O grand’ déesse ! escoute ma priere. Ronsard, Pièces retranchées. Hymnes (VI, 156). — La lune est reine des étoiles, Et emperiere de la nuit. Buttet, le Premier livre des Vers, Ode 7. — Va reposer tes coursiers souffle-feux. Elance-jour et donneur de lumière, Prince Tytan : la marine emperiere Ores t’invite en son regne écumeux. id., l’Amalthee, Sonn. 77, p. 231. — Fay ceste grace à la saincte emperiere [Esther] Qu’elle puisse renger Ce fier Gregeois, qui d’une main meurdriere Veut ton peuple outrager. A. de Rivaudeau, Aman, I, p. 75. — Car l’emperiere Esther ce traitement espere Recevoir aujourd’hui de son grand Assuere. id., ib., V, p. 122. — L’homme n’a rien qu’il puisse dire à la verité et proprement sien, que l’amour, d’autant qu’il est logé en la volonté, seule maistresse, royne et emperiere, seule ayant commandement et puissance en l’homme. Montaigne, trad. de R. Sebon, ch. 109. — L’errante emperiere De la nuit chemine courriere Au galop dessus ses moreaux. R. Belleau, Appendice, 8, Ode (II, 463). — Car la chaste emperiere [Junon], Depite, vergongneuse, et rouge de colere, Accostant son espoux, luy dist de poinct en poinct L’audace d’Ixion, qui vivement la poind. id., la Bergerie, 2e Journ., Amour ambitieux d’Ixion (II, 21). — La lune, soit au plain, ou soit quand son croissant Cornu par les deux bouts nous est apparoissant, Emperiere de tout, verse son influence Sur tout ce qui soubs elle au monde prend naissance. P. de Brach, Poemes et meslanges, Hymne de Bourdeaux. — Il n’est rien qu’elle [la coutume] ne face, ou qu’elle ne puisse : et avec raison l’appelle Pindarus… la royne et emperiere du monde. Montaigne, I, 22 (I, 132). — Deux consuls romains, souverains magistrats de la chose publique emperiere du monde. id., I, 39 (I, 317). — Est-il possible de rien imaginer si ridicule, que cette miserable et chetive creature, qui n’est pas seulement maistresse de soy, exposée aux offences de toutes choses, se die maistresse et emperiere de l’univers ? id., II, 12 (II, 164). — Et vaudroit mieux cent fois Mener paistre, bergere, un troupeau par les bois, Contente en son amour, qu’emperiere du monde Regir sans son amy toute la terre ronde. R. Garnier, Bradamante, 919. — La grande Elizabeth… Peut si bien sur le champ haranguer en latin, Grec, françois, espagnol, tudesque et florentin, Que Rome l’emperiere, et la Grece, et la France, Le Rhin et l’Arne encor plaident pour sa naissance. Du Bartas, Sec. Semaine, Sec. Jour. Babylone, p. 211. — L’homme doit commander tout ainsi à sa femme Comme sur nostre corps emperiere est nostre ame. P. Matthieu, Vasthi, II, p. 41. — Si tu brules d’ardeur que je sois descrivant Ce beau, qui des beautez te rend seule emperiere. G. Durant, Œuv. poet., 3 vo.

(Adjectif). Souveraine, dominatrice. — Cette mere de rois, cette emperiere France, Sentant decoloré son beau visage humain, Plaint son ample dommage et son pouvoir hautain. Vauquelin de la Fresnaye, Divers Sonnets, 68. — Toutes les vertus, facultez et puissances naturelles et de toutes façons se consomment et se parfont en la volonté, qui est la vertu emperiere et maistresse. Montaigne, trad. de R. Sebon, ch. 221. — Il vint jetter son corps, Comme un mur de def ense ou comme une barriere, Pour le salut douteux de sa ville emperiere. R. Garnier, Cornelie, 384. — Que n’est à mon amour egale ma valeur Pour meriter sa grace ! ô Nature fautiere, Indigne tu m’as fait de cette ame emperiere ! id., Bradamante, 723. — C’est ainsi que se rend l’emperiere raison… Maistresse de nos sens, et royne les domine. P. de Brach, Hierusalem, XVI, 10 vo. — Nos peres devanciers ont mis communement Aus lieus plus frequentez des citez emperieres Pres des temples sacrez les tristes cimetieres. Chassignet, le Mespris de la vie, Sonn. 150. — Va par les carrefours des places desolees De l’emperiere Rome. id., ib., Sonn. 161. — Ce prince genereus dont la vive prouesse Dez la Grece emperiere aus Indes s’eslevoit. id., ib., Sonn. 219.

Qui appartient à un chef d’armée. — Tels ne furent encor Cincinat, ny Fabrice, Manie, ny Serran, qui, guerroyant le vice, D’un coustre couronné d’une emperiere main Et d’un soc triomphal rayoyent le champ romain. Du Bartas, 1re Semaine, 3e Jour, p. 152.

Qui appartient au souverain, au maître. — Dessous sa main emperiere Tout peuple il [l’Amour] est enserrant. Baïf, les Amours de Meline, L. I (I, 43). — Un sainct amour a saisi mes esprits, Les rendant asservis sous sa main emperiere. P. de Cornu, Œuv. poet., p. 21. — Ceste ambition… Nous fait à droit, à tort, par diverses manieres Convoiteux aspirer aux grandeurs emperieres. R. Garnier, Porcie, 784. — La vie de Caesar n’a point plus d’exemple que la nostre pour nous. Et emperiere, et populaire, c’est tousjours une vie que tous accidents humains regardent. Montaigne, III, 13 (IV, 220). — Si tu scavois quel est l’insupportable pois Des empires mondains, et dans l’orde poussiere Hors de ta main couloit la coronne emperiere, Pour t’en ceindre le chef tu ne la reprendrois. Chassignet, le Mespris de la vie, Sonn. 237.

Rime emperiere. — Empériére est espéce de couronnée : et est ditte empériére pource qu’elle ha triple couronne. Ceste ne se fait que d’une syllabe répétée deus foys simple aprés le mot qu’elle couronne. Sebillet, Art poétique, II, 15. — Cette espèce aussi qu’ils ont nommé emperière est un double echo. Tabourot des Accords, les Bigarrures, I, 16.

Sur emperiere on a fait un masculin analogique, emperier. — Il faudroit assembler du monde le plus beau, Quand on voudroit monstrer vostre emperier flambeau. P. Matthieu, Vasthi, I, p.12. — Pour maintenir le droit de mon bras emperier. id., Aman, IV, p. 107.

Emperler. Semer de perles. — (Fig.). Et si pour son Memnon de ses larmes épesses L’Aurore au teint vermeil emperla tous les cieux, Anoncés vostre dueil, ô déesses et dieux. Buttet, le Tombeau de Marguerite, p. 390. — Les fleurs Que la flairante Aurore emperle de ses pleurs. Du Bartas, 1re Semaine, 3e Jour, p. 154. — Larmelettes qui coulez Et gentement emperlez De vos ondes crystallines Les belles joues rosines De Catin, mon cher soucy. G. Durant, Œuv. poét., 190 vo. — Le guy, qui les rameaux emperle de nos chesnes. Guy de Touas, Souspirs amoureux, L. III (I, 91). — Quand d’un petit sousris Elle emperle les mots de sa bouche faconde Et riche à double rang de mainte perle ronde. id., Paradis d’Amour (II, 14). — Ne laissant toutesfois d’embellir, d’emperler De fleurs d’humanité ses vers et son parler.