Page:Dictionnaire de tous les environs de Paris.djvu/123

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mer les dépouilles des humains, ne manquait point d’une certaine philosophie ces monumens apprenaient à l’homme à se bien conduire, en leur montrant incessamment le néant des choses de la terre Cependant il nous semble que cette vue continuelle du passé, que ce spectacle répété de la mort devait, à la longue, perdre beaucoup de son effet Les sensations qui se renouvellent trop souvent, s’émoussent bientôt et deviennent presque nulles pour le cœur de l’homme. Nous avons toujours remarqué que la vue inopinée d’un tombeau, dans un lieu solitaire, faisait sur le spectateur une impression bien plus durable que l’aspect habituel des cimetières. L’homme veut être surpris dans ses sensations, et telle est son essence, qu’il perd bientôt de vue ce qu’il voit trop souvent. Il n’est point, par exemple, d’individus qui pensent moins à la mort, et en aient moins de peur, que les fossoyeurs, et ces hommes destinés à conduire les corps des décédés, que le vulgaire, à Paris, toujours plaisant, même dans les choses les plus graves, désigne sous le nom caractéristique de croque-morts.

Quoi qu’il en soit de ces réflexions, que notre sujet fait naître malgré nous, les prêtres chrétiens, guidés, ainsi que nous l’avons dit plus haut, par une explication forcée d’un précepte de l’évangile, exagérèrent encore l’usage des Romains. Pour rendre, autant qu’il leur était possible, l’idée de la mort toujours présente à l’imagination des peuples qu’ils dirigeaient, ils fixèrent la sépulture des chrétiens dans l’intérieur même des villes. De vastes cimetières furent, en conséquence, disposés autour des églises, et formaient, pour aisi dire, les parcs et les jardins de ces maisons de Dieu. Chaque église paroissiale avait le sien, et les hommes, chacun dans leur paroisse, allaient tous, à la fin de leur vie, se réunir sous les yeux du Dieu du temple, à ce grand dépôt de la mort.

Pendant long-temps l’égalité du trépas fut gardée dans ces asiles lugubres. L’homme riche et l’homme puissant venaient indistinctement dans les cimetières prendre leur place à côté du faible ou du pauvre. Nul signe de distinction ne servait à les faire reconnaître les uns des autres, et la croix sépulcrale, et l’herbe des champs, image sublime de la vanité des hommes, couvraient également les deux tombes

Mais quand la première sévérité des temps anciens du christianisme se fut ralentie, quand l’humilité des premiers fondateurs de la religion eut dégénérée en orgueil chez leurs successeurs, et que surtout les princes de la terre eurent reconnu la loi du Seigneur, alors avec le luxe naquit, dans l’église devenue riche, le goût des honneurs et des distinctions D’abord, pour faire leur cour aux grands du monde, les prêtres de l’église chrétienne permirent aux seigneurs et aux personnes riches de se distingue