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couverts à l’extérieur, dans leurs parties non peintes, d’une couche de cire destinée à les protéger contre les intempéries ; cela est peu probable. Mais l’encaustique était pratiquée dans les intérieurs ; tel était, selon toute apparence, le cas pour les maisons privées, dès la fin du Ve siècle. À ce moment, les riches particuliers ornent volontiers leurs demeures de peintures. Alcibiade tient enfermé chez lui pendant trois mois Agatharque de Samos, l’obligeant à décorer sa maison (domus, p. 346) 1[1]. Dicéarque, décrivant la ville de Tanagra, en Béotie, affirme que les vestibules des maisons y étaient ornés de peintures à l’encaustique 2[2]. Pausias de Sicyone, au IVe siècle, fut le premier qui imagina de peindre les plafonds 3[3].

Pour ce qui est de la sculpture, c’est un fait aujourd’hui avéré qu’elle avait largement recours à la couleur. Les monuments de la sculpture archaïque (VIe siècle — début du Ve siècle av. J.-C.) sur lesquels se voient encore des traces de peintures, sont trop nombreux pour que le doute soit permis 4[4]. Lorsque, à la pierre tendre, succède le marbre dans les édifices et dans les statues ou les bas-reliefs qui les décorent, la polychromie se fait plus sobre ; elle subsiste, néanmoins, avec les conventions qui l’ont caractérisée à ses débuts 5[5]. Où l’incertitude devient plus grande, c’est quand nous nous trouvons en présence de statues isolées. Il semble que même alors la polychromie ne perde point ses droits. Un passage de Platon atteste l’usage d’enluminer ces statues indépendantes, non destinées à compléter un ensemble architectural, avec un certain réalisme 6[6]. Un patinage à l’huile et à la cire (γάνωσιζ), que décrit une inscription de Délos 7[7], les mettait à l’abri des injures de l’air, et de grands peintres, tels que Nicias, ne dédaignaient pas d’employer leur talent à patiner et à colorier ainsi, ou suivant un procédé analogue, les statues sorties des mains d’un Praxitèle 8[8]. Les bas-reliefs industriels étaient également peints ; cet usage, qui remontait à la plus haute antiquité 9[9], ne cessa jamais, semble-t-il. Quelques-uns étaient de véritables œuvres d’art, témoin ceux qui décorent les sarcophages de Sidon 10[10].

II. La peinture chez les Étrusques. — Parmi les anciennes populations de l’Italie, les Étrusques, on le sait, occupent le premier rang. Ce peuple, dont l’origine est encore inconnue, et qui a exercé sur la civilisation romaine une influence si considérable, a eu un art à lui, et notamment une peinture, dont de nombreux exemplaires sont venus jusqu’à nous. Ce sont de grandes compositions qui décoraient, en général, les parois de chambres sépulcrales ; on trouvera plus haut (etrusci. p. 840) l’indication des diverses catégories auxquelles se ramènent les sujets qui y sont traités.

Ces peintures appartiennent à différentes époques. Les plus vieilles en date (première moitié du VIe siècle av. J.-C.) rappellent par les sujets et par le dessin la céramique archaïque de Milo et la céramique corinthienne. Elles ont évidemment subi l’influence des produits indus-


triels de la Grèce qui inondaient alors l’Etrurie 11[11]. Un peu plus tard, apparait un art plus libre qui, tout en conservant la raideur de forme et la simplicité de coloris de la peinture archaïque, s’inspire de la vie et des mœurs nationales. Dans cette classe, il faut ranger les plaques d’argile peintes provenant de Cervetri, que possède le Musée du Louvre 12[12]. Ces hommes dont les chairs sont coloriées en rouge brun, ces femmes peintes en blanc, ces étoffes légères, aux plissés minutieux, ces autres plus lourdes, et qui moulent les corps, donnent une idée aussi exacte que possible de ce que pouvait être la grande peinture grecque contemporaine de Pisistrate. Vers le même temps, à ce
Fig. 5657. – Figure étrusque esquissée au trait rouge.
qu’il semble, les mythes héroïques grecs s’introduisent en Étrurie dans la peinture décorative. La belle fresque représentant l’épisode d’Achille et de Troïlos, trouvée dans une tombe de Cornelo en est la preuve 13[13] ; les proportions massives des personnages, dont les chairs sont peintes en rouge clair, sans souci de la distinction à établir par la couleur entre les hommes et les femmes, la profusion des ornements, l’abus du décor végétal, invitent à rattacher ce tableau à l’art ionien 14[14]. On en peut dire autant de l’une des peintures qui décorent une autre tombe de Coracio, la tombe dite aux lionnes, bien que là le rouge brun soit employé pour rendre la carnation masculine 15[15]. Un détail de technique à noter dans cette fresque est l’esquisse au trait rouge à l’aide de laquelle l’artiste a posé ses personnages. Il a repris ensuite les silhouettes ainsi tracées et les a définitivement arrêtées avec un pinceau fin, chargé de couleur noire ; le même pinceau lui a servi à indiquer l’anatomie de ses figures et le détail de leur costume. C’est là un procédé essentiellement grec, comparable pour le principe, tout au moins, à celui dont les vases attiques de la première moitié du Ve siècle offrent tant de spécimens 16[16]. On peut se rendre compte, par la femme dansant que nous détachons de la composition principale (fig. 5637), des phases successives de ce travail 17[17]. Mais les plus intéressantes des peintures tombales étrusques, celles qui se rapprochaient le plus, sans au-

  1. 1 Andoc, C. Alcib. 17 ; Plut. Alcib. 16. Ce qui prouve l’engouement pour ces peintures, c’est qu’Agatharque avait d’autres commandes analogues (συγγραφάζ … παρ έτέρων, dit Andocide) ; cf. Xen. Mem. III, 8, 10.
  2. 2 Dicaearch. Fragm. dans Fragm. hist. graecor. Didot, II. p. 237.
  3. 3 Plin. Hist. nat. XXXV, 124. Voir sur Pausias, Six, Jahrb. 1905, p. 155.
  4. 4 Cf. H. Lechat, Au musée de l’Acropole d’Athènes, p. 243 sq.
  5. 5. Treu Die techn. Herstellung und Bematung der Giebelgruppen am Olympischen. Zeustempel, dans Jahrb. X, 1895, p. 1 sq.
  6. 6 Plat. Rep. IV, p. 420 C. D.
  7. 7 Th. Homolle, Bull. de corr. hell. 1890, p. 497 ; cf. Winter, Jahrb. 1897 (Arch. Anzeig. p. 132 sq.).
  8. 8 Plin. Hist. nat. XXXV, 133.
  9. 9. Cahen. Bull. de corr. hell. 1897, p. 599 sq.
  10. 10 Hamdy Bey et Th. Reinach, Une nécropole royale à Sidon, Paris, 1892-96. Sur la polychromie de la sculpture en général, voir Collignon, La polychromie dans la sculpt. gr. Paris, 1898.
  11. 11 Micali, Mon. ined. pl. lviii (peintures d’une tombe de Veies) ; cf. Helbig, Sopra le relazioni commerciali degli Ateniesi coll’Italia (Acad. dei Lincei, 1889, p. 79).
  12. 12 Voir adoratio, fig. 120 ; argus, fig. 471 ; J. Martha, L’art étrusque, pl. iv (en couleur).
  13. 13 G. Körle, Ant. Denkm. II, pl. xii.
  14. 14 E. Pottier, Catal. p. 503 sq.
  15. 15 G. Körle, Op. cit. II, pl. xiii.
  16. 16 E. Pottier, Douris, p. 53.
  17. 17 L’esquisse rouge est encore parfaitement visible dans la silhouette des deux musiciens et dans celle de la danseuse qui occupe la partie gauche du tableau.