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sombre, terrible et porte partout l’effroi ; elle est hérissée comme une toison, bordée d’une frange d’or comme le nuage que percent les rayons du soleil ou qui lance l’éclair^^9.

Ces images n’ont pas la précision habituelle des descriptions homériques. Elles ne laisseraient pas dans l’esprit l’idée nette que nous nous faisons de l’égide, si cette idée n’y était gravée déjà par les représentations si nombreuses dans lesquelles l’art a achevé d’en ariéter la forme. Dans les plus anciennes que nous possédons, l’égide, portée par Athéné, a l’apparence d’un manteau qui couvre la poitrine,

les épaules, et tombe derrière le dos jusqu’à mi-jambe. Fichier:Athéné d’Endoeus
Fig. 140. — Athéné d’Endoeus.
Telle on la voit dans une très-ancienne statue de cette déesse (fig. 140) découverte à Athènes, et que les antiquaires croient être l’œuvre d’Endoeus dont parle Pausanias^^10. Des trous indiquent sur les bords du manteau les places où étaient fixés les serpents d’airain qui lui servaient de franges ; et sur la poitrine on remarque une proéminence à laquelle était sans aucun doute attachée une tète de Méduse. Nous rappellerons encore^^11 la figure de la même déesse placée au centre du fronton du la métope du temple d’Égine,

Fig. 141. Égide
Fig. 141. Égide

la métope du temple de Sélinonte, où on la voit combattant et renversant Encelade, et les peintures d’un grand nombre de vases. La figure 141 reproduit une remarquable pierre gravée^^12, de travail étrusque très-ancien, où l’égide a pareille forme. C’est un manteau garni au bas de glands ou de houppes (Oijfjavoi) et bordé sur les côtés de serpents. C’est ainsi que les artistes traduisirent les images par lesquelles Homère avait exprimé l’épouvante que l’égide répandait partout, en disant que la Fuite, la Discorde, la Force, la Poursuite l’environnaient^^13. Dans le même endroit, le poëte ajoute qu’on y voyait la tète affreuse de la Gorgone [gorgones], trait essentiel dans les représentations de l’égide, qu’on ne rencontre pas toutefois dans quelques-unes des plus anciennes, par exemple, dans la peinture d’un vase du musée de Rouen, trouvé à Volci, dont

le sujet est le combat d’Athéné et d’Encelade^^14. La déesse renverse le géant en agitant l’égide (fig. 142). Dans cette peinture, comme dans une statue célèbre trouvée à Herculanum (fig. 143), et dans d’autres exemples encore, l’égide est un manteau ramené en avant par le mouvement du bras gauche qu’il protège. Les artistes ont imité un geste familier aux combattants, qui enveloppaient ainsi

9 Il. l. l. et V, 738 ; XVIII, 201 ; XXI, 400.

10 Paus. I, S6, 4 ; Rangabé, Ant. BeUen. 22 ; Gerhard, Miitcrvenidole Athens, I, 4 ; Lebas, Voyage en Grèce. Monum. Gi ;ur< !s, II, 1 ; Bculé, Sculpt. avant Phidias, p. 100 ; 0. Jahn, De antiq. Minervae simulaer. atticis. p. 3, tab. I, 3.

1 Expéd. de Morée, III, pl. Lviii et s. ; MuIler.Wiescler, Denkin. dm’ alten Kimst, I, t. vi , S ; Serraàit &co, Antich. di Sicilia. Il, lav. xxi ; MuHer-Wieseler, l. l. I, 230 ; HitlorlT, Arch. de la Sicile, i’ liirr.

12 Millin, Pierres gravées, pl. jiii ; Wieseler, Denkm. der ail. Kwisl, 11, taf. xx, 216".

13 Il. V, 738 et s.

14 Lenormant et de Witte, Élite des mon. céramograph. I, pl. viii.

15 Millingen, Uned. Monum. sér. II, pl. vii.

16 Paus. IV, 11, 3.

17 Sur des monnaies : Pellerin, Rec. de méd. pi. civ, 4 ; Lenormant, Nouv. Galer. myth. pl. xxin, 9 ; Nouv. Annal. de l’Inst. arch. II, pl. E, 5 ; Wieseler, Denkmäl. der alt. Kunst, II, 213, 21 ; sur une pierre gravée : Paiiofka, iu Abhandl. d. Berlin. Akad. 18î4. laT. m, 3 ; Wieseler, (. 214.

leur bras à défaut de bouclier^^16, et aux chasseurs, qui n’avaient pas d’arme défensive [chlamys, venatio] ; mais


Fig. 142. — Athénée et Encelade.

par l’énergie du geste et par le mouvement des serpents qui se dressent, ils ont fait de l’égide ce qu’elle est dans plusieurs passages de l’Iliade, une arme offensive, qui ne se confond pas avec le bouclier dont souvent la déesse est en même temps munie ; ce bouclier est quelquefois lui-même bordé de serpents^^17.

La comparaison des nombreuses figures d’Athéné, qu’on trouve sur les vases peints, est particulièrement utile pour l’étude des transformations qu’a subies l’égide^^18 ; Fichier:Minerve d’Herculanum
Fig. 143. — Minerve d’Herculanum.
on peut aussi s’en rendre compte en examinant quelques-unes des plus remarquables statues conservées dans les collections. La forme primitive se modifie notablement. Les dimensions de l’égide se réduisent de plus en plus, et elle s’ajuste plus étroitement au corps. Elle couvre les épaules, la poitrine et, retombant par derrière, est nouée à la ceinture au moyen de serpents qui servent de liens, dans de très-anciennes statues de la villa Albani^^19 et du musée de Dresde^^20 et dans celle du Louvre, moins ancienne, qui est connue sous le nom de Minerve au collier^^21. La forme primitive est encore reconnaissable dans des œuvres d’un âge avancé, telles que la Pallas de Velletri^^22, où elle n’est plus qu’une sorte de collet couvrant les épaules et fixé devant le col au moyen du masque de la Gorgone qui sert d’agrafe ; le véritable manteau est jeté par-dessus et couvre entièrement l’épaule gauche. D’autres sculptures nous montrent l’égide agrafée sur l’épaule comme une chlamyde ou comme une nébride [chlamys, nebris] ; telle on la voit dans les belles statues des galeries de Dresde et de Cassel^^23 (fig. 144) ; dans

18 Ruhl, in Bergk’s und Cäsar’s Zeitschrift für Alterth. 1818, p. 105, 113.

19 Winckelniaun, Mon. ined. p, 1, n. 17 ; Müller-Wieseler, Dcnkm. d. allen Kunst, I, 34.

20 Becker, Augusteum, pl. ix ; MuUer-Wiesel-r, /. /. 36.

21 Notice de la sculpt. antiq. 1869, n. 112 ; Bouillon, Musée des antiqu. I, 25 ; Clarac, Musée, pi. cccxix, 846 ;.MuIlcr-VViesder, /. /. 11, 211.

22 Notice de la sculpt. n. 114 ; Bouillon, Musée, I, 23 ; Clai-ac,.Musée, pi. cccxx, 851 ; Muller-Wieseler, /. l. Il, 20*.

23 Becker,.Augusleum, 14 ; Bouillon, Musée, l, 24 ; Musée royal, l. 11, pl. >ii ; Uergk’s md Càsar’s Zeilschrift, 1845, taf. m, 2, et pi. cv ; Müller-Wieseler, l. l. II, 210.

Fig. 143. Minerve d’Herculanum.