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ples[1] ; mais le nom d’abaque désigne ordinairement dans les auteurs latins un riche buffet (κυλικεῖον, mensa vasaria), à table de marbre ou de métal et portant sur un pied de matière également précieuse et artistement travaillé, qui servait à étaler (exponere)[2] la vaisselle de prix dans les salles où l’on mangeait. Tite-Live et Pline[3] disent expressément que l’on ne vit paraître ce luxe qu’après la conquête de l’Asie Mineure ; alors sans doute on commença d’avoir des abaques dont la richesse et la beauté égalaient celles des objets qu’on y voyait exposés ; mais avant même de rencontrer en Asie, dans la Grèce ou dans la Sicile, de brillants modèles bientôt avidement recherchés et imités, les Romains avaient pu prendre des Étrusques l’habitude d’exposer la vaisselle sur des tables plus ou moins ornées. On en voit des exemples dans divers monuments étrusques représentant des repas ; celui qui est ici reproduit (fig. 7), est tiré d’une peinture d’un tombeau
Fig. 7. Dressoir pour la vaisselle.
de Corneto, l’ancienne Tarquinii [4], dont on peut faire remonter l’exécution jusqu’au IVe siècle avant Jésus-Christ. Des vases sont rangés sur deux tablettes ; d’autres sont placés au-dessous. Les cavités formées par l’intervalle des tablettes sont peut-être ce qu’un poète d’une époque beaucoup plus récente[5] a appelé cavernae, à moins que l’on ne doive entendre par ce mot des casiers fermés, de véritables armoires comme celles qu’on voit sur le devant du meuble représenté plus haut (fig. 5). On trouvera d’autres exemples d’abaques aux mots mensa, monopodium, trapezophorum. Dans le Digeste[6] il est fait mention d’abaques (abaces) servant de support à des vases d’airain de Corinthe et eux-mêmes faits de ce métal.

V. Caton[7] nomme un abaque parmi les ustensiles et les meubles dont une ferme doit être fournie ; mais comme ce nom vient dans son énumération à la suite des pièces du moulin, il est probable que dans ce passage il s’agit d’un pétrin, plus ordinairement appelé mortarium [pistor]. Hésychius [8] indique aussi le mot άβάκιον comme synonyme de μάκτρα, qui a en grec la même signification. La figure 8, empruntée au monument funéraire du boulanger Eurysacès[9],


Fig. 8. Pétrin.

découvert à Rome en 1838, fera comprendre comment cet ustensile, qui a l’apparence d’une table garnie d’un bord élevé pour retenir la pâte, a pu recevoir le nom d’abaque.

VI. Plateau, bassin propre à contenir des fruits[10] ou d’autres mets. Pollux [11] le nomme parmi les ustensiles qui composent l’attirail du cuisinier. On voit par un autre texte[12] qu’il y avait de ces plateaux qui étaient faits en bois et de forme circulaire. E. Saglio.

VII. Tablette carrée qui forme la partie supérieure du chapiteau de la colonne, dans les différents ordres. L’abaque, quelle que soit l’origine que l’on veuille donner aux formes architecturales, dut composer primitivement à lui seul le chapiteau (fig. 9 et 10). Placé sur la colonne en
Fig. 9. Tablette formant chapiteau.

Fig. 10. La même vue en plan.
bois ou en pierre (A), il la protégeait et donnait à l’architrave (B) une assiette plus large et plus sûre. Sans doute, par la suite, pour mieux raccorder la forme carrée et la forte saillie de l’abaque avec la forme ronde du fût de la colonne, on couronna le fût d’une grosse moulure appelée échine (εχινοζ), formant une sorte
Fig. 11. Colonnes votives de style primitif.
d’encorbellement sous l’abaque, et le chapiteau dorique grec fut créé. Tels sont ceux de deux colonnes votives trouvées à l’acropole d’Athènes[13], et dont la grande ancienneté est attestée et par leur forme archaïque et par le style des inscriptions (fig. 11 et 12). Un chapiteau d’angle du Parthénon (fig. 13)[14] montre ce que l’art le plus perfectionné a fait de cette conception primitive.

Dans l’ordre dorique et dans celui qui en est dérivé et qu’on a appelé toscan [columna], l’abaque conserva toujours son importance et son caractère primitifs. Nous en voyons des


Fig. 13. Chapiteau dorique (Parthénon).

exemples en Étrurie[15]. Dans le dorique romain cette impor-

  1. Festus, s. v. Mensac.
  2. Cic. in Verr. IV, 16, 35 ; ib. IV, 14, 33 ; Petron. 21 ; id. 73 ; Juven. III, 303 ; Orelli, 4517.
  3. L. l.
  4. Mon. ined. dell’Instit. di corresp. arch. 1831, tav. 23 ; Mus. Etrusc. Gregor. I, pl. CIV.
  5. Sid. Apoll. Carm. 17, 7.
  6. Dig. 32, 100, § 32.
  7. Res rust. X, 4, 5.
  8. Hesych. Μακτρα.
  9. Mon. ined. dell Instit. di corresp. arch. II, tav. 58.
  10. Cratin. Fram. éd. Runkel, p. 29.
  11. Poll. VI, 90 ; X, 103.
  12. Phrynich. in Bekker. Anecd. Graec. I, {{pg|17.
  13. L. Ross. Ann. del Instit. i corresp. arch. 1841, tav. d’agg. 100 ; Beule, Acropole d’Athènes, I, p. 306.
  14. Penrose, Principles of Athenian architecture, chap. 8, {{pl.|I
  15. Canina, L’antica Etruria maritima, pl. cx et xxiii, t. II, p. 105 et 157.