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tance reste à peu près la même, mais l’abaque perd de sa simplicité par l’adjonction de deux moulures : un talon et un filet, à la partie supérieure, comme on peut le voir à l’ordre inférieur du théâtre de Marcellus 38[1] et au théâtre de Vérone 39[2]. Dans l’ordre ionique l’abaque diminue considérablement de hauteur. Il est réduit, dans les chapiteaux grecs de cet ordre, à une seule moulure, ove ou talon, décorée parfois d’ornements peints ou sculptés ; le chapiteau du temple sur l’Ilissus nous en offre un exemple (fig. 14). Dans certains cas assez rares il disparaît même tout à fait, comme au temple de Phigalie 40[3] et dans les ruines de Philippes 41[4].
Fig. 14. Chapiteau ionique (Temple sur l’Ilissus).
Quand l’ordre le plus riche, le corinthien, est inventé, l’abaque subit encore de nouvelles modifications. Il se compose en ce cas, chez les Grecs et chez les Romains, de trois moulures : un cavet, un filet et un quart de rond, parfois enrichis d’ornements sculptés. Exemple : le chapiteau du temple d’Antonin et Faustine (fig. 15). Ce qui changea surtout l’aspect de l’abaque
Fig. 15. Chapiteau corinthien (Temple d’Antonin et Faustine).
dans l’ordre corinthien, c’est l’évidement curviligne de chacune des faces du carré et la suppression des angles qui, tronqués, devinrent des pans coupés 42[5]. La courbe de cet évidement est le plus souvent un arc de cercle dont le centre est au sommet d’un triangle équilatéral construit sur chaque côté de l’abaque (fig. 16). Dans les rares chapiteaux grecs d’ordre corinthien qui nous sont restés, cet arc est plus profond, c’est-à-dire que son centre est plus rapproché. Vitruve, de son côté 43[6], dit que
Fig. 16. Abaque du chapiteau corinthien.
cet arc doit avoir 1/9 de flèche, c’est-à-dire une profondeur moindre que celle donnée par le triangle équilatéral. Dans les édifices romains qui se ressentent le plus de l’influence grecque, le Poecile et l’arc d’Adrien à Athènes, l’Incantade à Salonique, le temple dit de Vesta à Rome, les angles de l’abaque ne sont pas abattus ; formés par la rencontre des deux arcs concaves, ils sont très-aigus (fig. 17). Au monument de Lysicrate, purement grec pourtant, les angles de l’abaque sont tronqués.

A l’époque romaine, quand les pilastres des divers ordres, considérés comme des colonnes en bas-relief, furent composés des mêmes éléments que les colonnes correspondantes, l’abaque joua le même rôle et subit les mêmes transforma-


tions que nous venons de décrire en parlant des différents ordres. Nous en avons des exemples pour l’ordre dorique sous le portique du
Fig. 17. Abaque du chapiteau corinthien.
théâtre de Marcellus 44[7], pour l’ordre ionique aux thermes de Dioclétie 45[8], et pour l’ordre corinthien à l’arc d’Adrien à Athènes 46[9], au portique d’Octavie, au temple d’Antonin et Faustine à Rome 47[10].

Quatremère de Ouincy 48[11] soutient que l’abaque est une des parties qui importent le plus à la solidité réelle ou apparente de l’architecture. Il a raison ; mais les Grecs et, après eux, les Romains, se sont souvent contentés, en ce cas, de l’apparence, car, dans beaucoup de chapiteaux de la plus belle époque, une surélévation carrée, dont le côté égale généralement le diamètre inférieur du fût de la colonne, surmonte l’abaque et porte seule l’architrave (fig. 14, 15, 16 et 17). On évitait ainsi la rupture de la saillie de l’abaque, rupture qu’amène inévitablement le moindre tassement de l’architrave sur les faces du chapiteau où elle porte.

Les anciens, plus souples en fait d’art qu’on ne le croit ordinairement, et sachant approprier aux circonstances les formes architecturales, ont fait des abaques triangulaires, par exemple quand il s’est agi de placer sur des colonnes des trépieds choragiques [tripus]. Des colonnes de ce genre existent encore au pied de l’acropole d’Athènes, derrière le théâtre de Bacchus.

En décrivant l’ordre toscan, Vitruve 49[12] donne à l’abaque le nom de plinthe (plinthis, de πλίνθοζ, brique). En effet, comme nous l’avons vu, l’abaque conserve dans cet ordre sa simplicité primitive et ressemble à une brique carrée comme la plinthe de la base. E. Guillaume.

ABADIR [Baetylia].

ABDICATIO. − I. Renonciation à la puissance paternelle [patria potestas ; apokeryxis].

II. Abdication de la tutelle [tutela].

III. Abandon solennel et en général volontaire qu’un magistrat romain faisait de l’autorité et du titre dont il était investi. C’était, en principe (il en était autrement à Athènes [archontes]), le mode naturel d’extinction de ces fonctions. L’expiration du temps fixé par la loi pour leur durée n’entraînait pas déchéance ipso jure, ce qui est fort remarquable. On en voit un exemple dans le fait du censeur Appius Claudius qui, en l’an 443 de Rome, s’appuyant sur une interprétation sophistique de son serment, conserva ses pouvoirs au delà des limites légales, sans que personne pût mettre obstacle à l’exercice irrégulier de son autorité 1[13]. La seule garantie contre cette usurpation consistait en effet dans le serment que prêtaient les magistrats à leur entrée en charge [jurare in leges], et dans la ressource extrême de la nomination d’un dictateur. On ne trouve d’exemple d’abrogation directe d’une magistrature qu’au temps des Gracques. Lange explique

  1. 38 Desgodets, Édit. mit. de Ponte, p. 128.
  2. 39 E. Guillaume, Restauration du théâtre de Vérone (Bibl. de l’Éc. des Beaux-Arts).
  3. 40 D. Lebouteux, Restaur. du temple de Phigalie (Bibl. de l’Éc. des Beaux-Arts).
  4. 41 Hausey et Daumet, Mission arch. de Macédoine, pl. 4.
  5. 42 Vitruv. IV, 1.
  6. 43 III, 3.
  7. 44 Desgodetz, Edif. ant. de Rome, p. 127.
  8. 45 Normand, Parallèle des ordres d’archit. pl. xxvi.
  9. 46 Stuart et Revett. Antiq. of Athens, t. III, chap. 3.
  10. 47 Desgodetx, op. cit. p. 51 et 75.
  11. 48 Quatremére de Quincy, Dict. d’archit. s. v. Abaque.
  12. 49 IV, 7.
  13. ABDICATIO. 1 Tit. Liv.IX, 33, 34.