Page:Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines - Daremberg - V 2.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

VES

— 733 —

VES

placé par un phisaflreux encore. La coupable était, aussi- tôt condamnée, traînée sur une claie, jusqu’au Campus Sceleratus, devant la Porta Collina ; d’abord flagellée, pour que le rite primitif restât en vigueur, elle était ensuite descendue dans un caveau, que l’on murait, et abandonnée à la mort lente, avec un peu de nourriture et une lampe ; son complice était, dans le même temps, frappé de verges sur le Forum j5ortrà</n, jusqu’à ce qu’il expinît’. Uneatl’aire qui eut un grand retentissement fut celle dans laquelle, en 113 av. J.-C, furent impliquées trois Vestales, issues des plus nobles familles, à la requête du Grand Pontife L. Metellus, avec intervention d’un tribun du peuple. Le tribunal spécialement constitué fut présidé par L. Cassius Longinus, préteur connu pour sa sévérité. Sur les trois inculpées une seulement fut con- damnée d’abord ; mais le préteur obtint la revision et fit condamner encore les deux autres. Un denier de la gens Cassia commémore cette répression : il représente, au droit, la tète voilée de Vesta ; le revers porte l’image du temple de la déesse ; par devant est placée une chaise curule ; à droite figure un bulletin de vote, à gauche l’urne des suffrages [vest.J (fig. 7413) -.

Il y eut naturellement des procès qui se terminèrent par des acquittements ; ainsi celui de la Vestale Fabla, demi- sœur de Terentia, la femme de Cicéron ; Catilina était accusé comme complice ; la politique eut sa part dans l’accusation et, l’ayant provoquée, fut sans doute cause de l’acquittement ^. Antérieurement avait eu lieu le procès de la Vestale Postumia. qui s’en tira avec une réprimande’. Enfin l’on cite des cas légendaires, où la divinité elle-même se chargea, par un miracle, de faire innocenter des accusées : tel est celui de Tuccia, qui se justifia devant ses juges en rapportant dans le crible d’airain l’eau qu’elle avait puisée, sous leurs yeux, dans le Tibre °. Le fait a été commémoré par une pierre gravée, aujourd’hui perdue, mais dont Montfaucon nous a conservé un croquis*. Sur le fait lui-même les témoi- gnages sont contradictoires ; il en est qui parlent de la condamnation de Tuccia".

IlL EXTRETIEX DU FEU SACRÉ ; AUTRES OBLIGATIONS. —

L’ne faute grave encore, mais de moins tragique consé- quence, était, pour les Vestales, de laisser éteindre le feu sacré sur l’autel de la Regia^. Les coupables qui, pendant leur temps de service, avaient ainsi manqué de vigilance étaient frappées de verges par ordre du Grand Pontife. Le feu était ensuite rallumé, non pas à une flamme quelconque, mais suivantleprocédé rituel qui est déjà en usage aux origines de la race indo-germanique ’. Par un mouvement intense de rotation une tarière de

« Dion. Hilic. II. 67 ; vm, 8 : IX, 40 ; T. Liv. VIII, 13,8 ; XXII, 37. 3 ; Plin. Ep.

IV. Il ; Schol. JuT. IV. 10 ; Feslus, p. 333é22 ;Serv. Aen. XI. 206 : PluUrch. Nania 10 ; Quaest. Rom. 96. De tous les empereurs celui qui s’attachait avec le plus de sévérité à réprimer les écarts des VesUiles fui Domilien ; il s’en faisait un titre d’honneur devant la postérité ; Plin. Ep. t. c. Caracalla l’imita ; Dio Cass. LVII, 16 : Herodian. IV, 6.-2 Babclon, Uonnaies de la Hép. rom. XXIII, rasjia (= notre Bg. 7413), t. I, p. 3i3, 331. 335, 333. Cf. T. Liv. £’pi(. LXIII ; Val. Max. III. 7, 9. V. chei Babclon, II. p. «81, une allusion à la loi Papia ; cf. Mommsen. Mon. rom. II. p. 463. — 3 Drurnann. Gescnichte lioms, V, p. 154, i’,6. 392. Le fait se place en l’an 73 av. J.C. Oros. VI, 3 ; AscoD. Orat. in t’,ga cand. p. 93 ;Sall. Cal. 13, 1. — « Cf. supra, p. 754, noie 1. — » T. Liv. Epil. XX ; Dion. Halic. II, 69 : Plin. .Vof. hial. XXVIII, 12 ; Aug. Civ. D. X, 16. — 6 Antiquité expliquée. 1, pl. ixviii, Suppl. I. pl. nui ; cf. Duruy, Bitt. Ilom. I. p. 102. 103. — ’■ Dion. Halic. Il, 69 ; Val. Mai. VIII, 1, 3 ; Plin. A«/. hi»t. XXVIII. 12 ; Aug. Cir.D. X. 16. —iCic.DeUq. II. 8, 20 ; 12, 29 ; Cat. IV, 9, 18 ; Pro font. 17 ; Vell. Pal. II. 131 ; Ov. Fast. VI. 297 ; III. 421 : T. Lir. V, 32 ; XXVI, 27 ; Val. Mai. I, 1, 6 ; t. d’antres telles ap. Pauly, Jteal-Eneycl. VI, p. 2303.

V. une pierre gravée, Duruy, Bist. Rom. V, p. 669. représentant les Vestales

bols dur tournait dans une planche en bois tendre jus- qu’à ce que l’étincelle jaillit ; on empruntait à un arbre felix, c’est-à-dire ayant donné des fruits, le bols qui fournissait le feu. Une Vestale l’emportait dans le crible d’airain, celui-là même qui avait servi à Tuccia pour prouver son innocence. On cite le cas d’une Vestale Aemilia qui, abandonnant la garde du foyer à une des jeunes Vestales en apprentissage, fut cause qu’il s’étei- gnit. La coupable échappa à la fustigation en déchirant sa robe, dont un pan, jeté sur la cendre, en fit sortir une flamme nouvelle ’". Plutarque cite un autre procédé pour obtenir le même résultat sans user d’un feu profane : il consistait à recueillir les rayons du soleil dans un vase d’argile ". Une légende intéressante est celle que nous a conservée un commentateur de V Enéide : deux Ves- tales, qui gardaient le feu sacré au temple de Lavinium, le laissèrent s’éteindre en s’endormant ; l’une fut frappée de la foudre, l’autre survécut, parce qu’elle était un modèle de chasteté ’-. Au plus fort de la seconde guerre punique, tandis que les esprits, surexcités par des désas- tres répétés, s’abandonnaient à toutes les variétés du fanatisme superstitieux, la flamme de Vesta s’éteignit sur l’autel de la Regia ; la terreur de la foule fut telle que le Grand Pontife Lucilius dut cruellement fustiger la vierge fautive, ce qui prouve qu’en temps normal on usait d’Indulgence ".

Ces deux grands devoirs, l’un de chasteté, l’autre de vigilance, se compliquaient d’autres obligations qui, pour être moins rigoureuses, n’en constituaient pas moins pour les Vestales un véritable servage sacré.

A partir du jour où une petite fille avait été choisie par le Grand Pontife, elle quittait sa famille et recevait comme résidence obligatoire V Atrium de Vesta, devenu la maison des Vestales. Elle y était aussi recluse, en principe, que devaient l’être les vierges chrétiennes dans les couvents. Le seul adoucissement qui parait avoir tempéré cette réclusion, et cela assez tard, fut, en cas de maladie grave ou épidéinique, de permettre le transfert de la Vestale dans sa famille jusqu’à guérison". Dans l’Atrium les Vestales étaient placées sous l’auto- rité discrétionnaire du Grand Pontife . Jordan, qui, mieux que personne, a étudié à fond, non seulement les ruines de la maison et du temple de Vesta, mais l’histoire de l’institut des Vestales et celle de leur ministère religieux, a conclu, peu s’en faut, sur ce dernier point, que, pour l’exercer dans sa plénitude, elles avaient dû être en quelque sorte ; cloîtrées’*. Comme il y a des Frères Ar cales, le savant archéologue s’étonne de ne rencontrer nulle part le titre de Sœurs Ves-

auprcs du feu sacré. — 9 Kiihn, Herabkunft dus Fnuers, p. 50 ; cf. Paul, Diac. p. 106 : Igr.is Vettae : Plut. Nama 9. Cf. Marquardt, Op. cil. p. 342 ; Klausen, Aeneas und die Penalen, p. 623 sq. ; Preller-Jordan, Roem. AJytfi. 11, p. 167. — «0 Prop. IV, 11, 51 ; Dion. Halic. Il, 68 ; Val. Max. 1, 1,7. Celte Aemilia est à distinguer de celle qui fut accusée avec deux autres. Licinia et Marcia, dont il est riueslion plus haut. — 1’ Plut. Numa 10. — 12 Serv. ad Aen. III, 12, Cf. Aul. Gell. Noct. Att. 1. 12, 9. - 13 Dion. Halic. Il, 67, 3 ; Plut. Numa 9 et 10 ; Paul. Diac. 106 ; T. Liv. XXVllI, 11, 6. Cf. Jul. Obseq. 8 : Scuec. Controv. 1,2, 16. Wissowa, Relig. und KuUui, p. 439, fait remarquer que le châtiment capital n’a jamais dû être iolligé, dans les temps historiques, que sur l’intervention et par la décision du collège tout entier. Dans Sénéquc. Conlrou. 1, 3, il est question do précipiter une Vestale fautive du haut de la Roche Tarpéienne ; précipitée en effet, sans être tuée, elle est traduite à nouveau en justice. — ï4 Plin. Ep. Vil, 19, 1. 2 : « Virgines. cum vi morbi atrio Vestae coguntur excedere. matro- narumcurae cuatodia^fque mandantur. » Fannia, épouse de llelvidius, contracte elle-même la maladie en soignant la Vestale Junia.sa parente. — Hor. Od. 111,30, 7. Le poète espère que sa renommée durera aussi longtemps que le pontife montera au Capitole avec la Vestale, pour y prier Jupiter. — 16 Oer Tempel, etc., p. 56 sq.