Page:Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines - Daremberg - V 2.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

VIA

786

VIA

nucleiis élaienl intervertis ; ailleurs le luicleus n’existait pas ; d’autres fois encore la roule ne comprenait qu’un dallage, reposant directement sur un massif de bélon, ou qu’un lit de petites pierres et de gravier, supporté par un lit de gros cailloux. Deux principes paraissent avoir inspiré constamment les iiigénieurs romains : s’adapter du mieux possible aux conditions locales, et surtout mettre les routes à l’abri des infiltrations par quelque moyen que ce fût (alternances de roches diverses, constitution d’une infrastructure compacte et imper- méable, bombement des surfaces), pour assurer leur durée ’ .

La nature des matériaux utilisés dépendait des res- sources de chaque région. Les dallages consistaient soit en blocs polygonaux et inégaux de pierre dure [silex), basalte, lave ou marbre grossier, soit en pavés rectangulaires et réguliers (saxinn quadratum) ; les empierrements en cailloux roulés ou taillés de la gros- seur d’un œuf, souvent mêlés à de la pouzzolane, à de la brique pilée ou même à des scories de fer ; le nucleits, le 7-udus et le stalumen, en roches plus tendres (la craie et l’argile remplaçaient, s’il le fallait, la chaux et le ciment). De même la largeur des voies n’avait rien d’uniforme. Aux portes de Rome elle atteignait jusqu’à 10 ou i2 mètres, dont un tiers pour chacun des trottoirs. En général les plus fréquentées, pour trois chars de front, avaient une largeur de 14 à 16 pieds (4 m. 13 à 4 m. 72) ; les autres, pour deux chars, 10 à 12 pieds i2 m. 95 à 3 m. 54) ; presque partout les trottoirs ne dépassaient pas 2 pieds chacun (0 m. 59). En montagne, où le travail était particulièrement difficile, la largeur des routes était encore réduite jusqu’à 6 pieds (1 m. 77), ne laissant d’espace que pour un seul char, sauf à ménager par intervalles des places moins étroites pour les croise- ments.

Le plus souvent, surtout aux origines et en Italie, les voies romaines étaient tracées, autant que possible, en ligne droite’- ; elles évitaient le fond des vallées, où l’on redoutait l’action destructive des infiltrations et des inondations, et passaient de préférence à mi-côte. Pour s’élever jusqu’aux cols où elles franchissaient les crêtes montagneuses’, elles décrivaient des lacets d’une pente quelquefois très accentuée. Elles nécessitaient de grands travaux d’art, en dehors même des ponts auxquels un article spécial est consacré [pons Dans les régions marécageuses et même parfois en terrain sec, lorsqu’il fallait traverser une plaine ou une vallée par-dessus laquelle on ne pouvait, comme à Narni, jeter un viaduc ’, les ingénieurs, toujours préoccupés d’empêcher la désa- grégation de l’infrastructure par les eaux, avaient recours

que présente la construction des routes dans certaines régions, telles que, par exemple, les cantons montagneux des Alpes, les terres basses de la Germanie InTé- rieure, les défilés rocheux de la Bosnie et de l’Herzégovine. Cr. pour la France, d’après les travaux de Bruyclle et de .Matty de Latour, A. Maury. dans la lierue des Deux Mondes, I" juillet 136(3, p. ^01. A l’Institut de France est déposé l’important ouvrage manuscrit de Matty de latour qui expose les résultats de ses fouilles et observations. Notre fig- 7430 est tirée de la seconde partie, i’ volume, p. 13i. n« 52, Touille entre Viselay et la route de Vcsoul à Auxonne. Nous donnons ce type comme exemple de travail très perfectionné ; il s’en faut (]Ue toutes les constructions de routes soient aussi compli(|uées, — 1 C. Juliian, loc. cit. : «la route romaine était faite pour durer sans fatigue et sans faililessc. » — S lùid. p. 569 : x marais, forêts, montagnes, les Romains n’ont jamais redouté l’obstacle *> ; au contraire des modernes, ils préféraient un chemin court et rapide, quelque diflicile qu’il fût, à un tracé plus commode, mais plus long. — 3 lnscri|>tioiis gravées sur le roc pour rappeler la construction de ruutes de montagnes au .^implon {Corp. inscr. tat. B» 66^9), dans les Alpes Carniqucs au Monte délia Croce {ibid. n" I863-I8G3), etc. — ^ Le viaduc de Narni, construit sous Auguste (Procop- Belt. tjoth. I, 17, 11 ;

à l’établissement de chaussées en remblai, dont la lar- geur pouvait aller jusqu’à 10 ou 12 mètres et l’élévation au-dessus du niveau du sol environnant jusqu’à 3 ou 4 mètres : la chaussée sur laquelle la via Appla traver- sait les Marais Pontins ne comptait pas moins de 28 kilo- mètres de longueur. Des routes passaient en corniche au-dessus du lit des ravins"’ ; d’autres, entaillées à flanc de coteau le long de parois rocheuses et escarpées, avaient besoin d’être appuyées et consolidées par des mursdesou-

rK^

d’action très limités dont les anciens disposaient, le creusement des tranchées était particu- lièrement pénible et coûteux ; en Narbonnaise à Siste- ron’, sur la rive droite du Danube au défilé des Portes de Fer ’, en Bithynie à Amastris ’, en Syrie près de Beyrouth’", en Cœlésyrie près d’.bila Lysaniae", des inscriptions gravées sur le roc commémorent l’heureuse exécution de ces travaux difficiles. Presque partout les voies se rétrécissaient pour passer dans une tranchée ; cependant a.Din Appia en franchit une après Terracine, sur 30 mètres de longueur et 36 m. 55 de hauteur’-, en conservant une largeur de 4 m. 44, y compris les trot- toirs. Dans certains cas on n’hésitait pas à creuser un tunnel [crypta Celui qui passe sous le Monte Grillo, entre Baies et Cumes, est long de plus d’un kilomètre ; des puits y faisaient pénétrer la lumière ; il fut construit par Cocceius sur l’ordre d’.grippa, au moment de la guerre contre Sextus Pompée ". Deux autres, qui sont mentionnés dans les Itinéraires, traversaient la colline de Pausilippe entre .Naples et Pouzzoles. L’un, le plus proche de la mer (aujourd’hui Grotta di Sejano), avait été exécuté par Cocceius en même temps que le tunnel de Cumes et pour répondre aux mêmes besoins" ; il fut réparé au w" siècle ’° ; il avait 770 mètres de longueur, de4 à 6de largeur et de 4 à 8 de hauteur. L’autre, plus en arrière, décrit par Sénèque sous le nom de crypta Nea-

cf. Corp. imcr. tat. XI. n» 4121), mesure 12S mètres de longueur, à 30 mètres au- dessus du niveau moyen du Nar, pour relier le Monte Maggiore, sur lequel est située la ville de Narni, an Monte Santa Croce, (|ue gravit la via Ftaminia dans la direction de Carsioli (A. Léger, Op. cit. p. ’(08 cl .Mlas, pi. v, 10 ; H. Nissen, liai. Landcsk. Il, p. 406). — ^ Tel est le cas de la route construite en Nuniidie dans le massif de l’Aurès, au défilé do Tiraniminc, par une vexittatio de la tegio VI Ferrata (Corp. inscr. lat. Vlll. n" lOiSO). — 6 A. Léger, Op. cil. .Atlas, pi. ni, 10 = notre fig. 7431. Voir aussi les subsiructions d’Aricia pour le passage de la voie Appienne : Duruy, tiist. des /lomains, I. p. 2ï»l. — ’Corp. inscr. lat. XII, n'>l.’ii4(au v’siècle) : carsis utrimgue montium latcribus. — * Ibid. III, n"* 1699 cl 8267 tsous le règuc de Trajan) : montibus excisis, anconibiis sithlatis. — 9 Ibid. III, n« 6983 (sous le régne de Claude) : monlem cixidit. — 1» Ibid. III, n" ÎUC 207 (sous le règne de Caracalla) : monlibtts imminentibus Lyco flumini caesis. — Il Ibid. m, n* 199 sous le régne de Marc Aurcle) : inlerciso tnonte. — tï La hauteur en pieds est gravée sur le roc même, en chiffres de grande taille {Ibid. X, il’ 6849). — 13 Strab. V, p. 246 ; II. Nissen, Op. cit. Il, p. 735. - i* Strab. V, p. 245 ; H. .issen. Op. cit. Il, p. 743. — 15 Corp. inscr. lat. X, n" 14SS et 6930.