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C’est seulement en l’an 460 de Rome (= 294 avant notre ère) qu’apparaît pour la première fois dans l’his- toire un culte officiel de Victoria. Cette année-là, le con- sul L. Postumius Megellus, avant de quitter Rome pour aller combattre les Samnites, dédia un temple à la déesse. Il en avait fait entreprendre la construction pendant l’année de son édilité curule, avec le produit des amendes’. Tite Live, qui n’indique pas à quelle occasion ce temple fut fondé, n’en précise pas non plus l’emplacement- ; mais il s’agit sans doute deVaedes Vic- toriae in Palatio, où fut provisoirement déposée, en o,’)0= 204, la pierre noire de la Mère des Dieux Idéenne^ et qui donna son nom au Clivus Vicloriae^. A la date de 4G0 = 294, une influence hellénique par l’intermé diaire de la Campanie est très vraisemblable. Déjà s’éle- vait au Forum une statue de la Victoire, comme on en voyait dans les villes grecques ; parmi les prodiges surve- nus avant la bataille de Sentinum (459 = 293), on signale qu’elle tomba de son piédestal ■’. D’autre part certaines monnaies, dites romano-campaniennes, qui portent au revers une Victoire ailée, avec l’inscription rojiano, datentdela période comprise entre les années 412 = 3i2 et 408 = 286 ; elles ont été frappées par les généraux de Rome qui dirigeaient la guerre contre les Samnites’. Vers le milieu du m’ siècle avant notre ère, l’influence grecque devient encore plus manifeste. Sur les deniers et quinaires apparaît le bige de la Victoire, emprunté à des monnaies de la Grande Grèce’ ; bientôt, avant 537 = 217, la Victoire couronnant un trophée donne son nom à toute une catégorie de monnaies romaines rTROPAEUM,p. .509 ; vicTORiATUs], dont elle orne le revers*. En cette année 337 = 217, après la bataille de Trasi- mène et en signe d’heureux présage, le roi de Syracuse Hiéron II envoyait à Rome une Victoire d’or, du poids de 220 livres ; le Sénat la fit dédier sur le Capitole dans le temple de Jupiter Optimus Maximus’. Une statue de la Victoire surmontait le fronton du temple de la Con- corde, dédié en 338 = 216 ; d’autres Victoires étaient disposées en antéfixes ’". En 339 = 193, le consul M. Por- cins Cato (Caton l’Ancien), sans doute pendant son expé- dition d’Espagne, fit vœu d’élever une chapelle à la Victoire Vierge ; il dédia l’édicule deux ans après, sur le Palatin, dans le voisinage même du temple de la Vic-

• T. Liv. X, 33. L aiinùc de son édililé est antérieure à 44’J = 305, date de son premier consulat. Sur les difficultés que suscite le texte de Tite-Live, cf. Pais, Sloria di Borna, I, i, p. 570, et Storia crilica di Borna, II, 2, p. 379. II est à noter(|ue les monnaies de a gens Postumia ne présentent pas le type de Dea Victoria.

— 2 C’est pour<[uoi Ton a pu croire qu’il était sur le Capitole : cf. Preller-Jordan, Rôm.Myth. 3«t’d. II, p. i43.— 3T. Liv. .X1.X, 14, t3 ; cf. Dion. Hal. I, H ;C.i. /. VI, 3733 = 31059, 3l060(probableraentunerestaLrationdu temple) ; Lanciani dans i^^j/- tell. d.Comm. archeoi. comunale di Bomn, 1883, p. 206-ili, et 1885, p. 157 et pi. xiii ; liilbert, Oesch. u. Topogr. d. Stadt Hom, I. p. 66 ; 111, p. 103 et 4iS ; Baudrillart, op. cit. p. 87-9i ; Huclsen dans Bôm. Mitt. 1893, p. 23 sq. et 269 ; Kiepcrt et Huclsen, Formae urbis Bûttae nntiquae, 1896, p. 90.

— * Festus, iii ; Lanciani, loc. cit. 1885, p. 157-160 ; Uilliert, op. cil. I, p. 4i et III, p. *i3. — "’ Zonaras, VUI, 1. — 6 Colien, Médailles consulaires, 1837, p. 348 ; Babclon, il/onnaies de la Bép. rom. 1885-86, I, p. xnx-ixxii, li. Ce type a été emprunté à des monnaies d’Asculum (Apulie) à légende osque. — 7 Babe- lon, op. cit. I, p. XXI, sxMi, 38, 40, vers l’an 500 de Rome ; cf. ce type sur une monnaie de C. Valerius Flaccns, vers 545 =z 209, ibid. M. p. 310. — » Ibid. p. xxiv-xxvi, 38, 4t, etc. Déjà les monnaies de Matienus, av£c ce tvpe au revers, ont été frappées vers 3i0 = 234 ; if/id. Il.p. i09. — 9T. Liv. X.MI, •J7,5èt i : .. Ominis causa Victoriam auream pondo ducenlum ac viginti alTerre sese, acciperent eani tenerentque et liaberent propriam et perpétuant... Victoriam omenquc accipere, sedemque ei se Divae dare, dicare Capitolium, tcrapluin Jovis Opiimi Matimi. » Mais peut-être, dansla pensée de Hiéron, ce présent dcvait-il constituer surtout une réserve d’or pour les finances romaines ; cf. Val. .Max. IV, 8, 5. — If T. Liv. XXVI, 23, 4 : • In acde Concordiae, Victoria quac in culmine crat, fulmine icta decus- saque, ad Victorias quae ia anteliiis erant kaesit » ; cf. Jul. Obsequens, Prodii/.

toire". Aussi bien les deux cultes palatins de Victoria et de Victoria Virgo furent-ils naturellement associés ; on célébrait le même jour, qui était le i"’ aoiît, les deux anniversaires de leur fondation ’^. Le petit-fils et l’arrière- petit-fils de Caton l’Ancien eurent à cœur de rappeler sur leurs monnaies ce pieux souvenir ; ils y ontfait figu- rer, associéeàlafigurede Rome, une Victoire assise tenant une palme et tendant une palère (fig. 7433) ". Le type des Victoires assises est très rare ; mais nous l’avons déjà ren- contré (fig. 74i2) : c’est celui de Térina-Nikè (fig. 7449/^ Si donc l’effigie numismatique reproduit la statue de culte, cette VictoriaVirgo ne déri- verait-elle pas des Nikèsdi ; l’Italie du Sud, identifiées aux déesses Poliades qui sont les Nymphes épony- mes, plutôtquede la Vierge guerrière et victorieuse des Grecs, Athèna Parthénos Nikè ? La légende roma victrix semble confirmer cette hypothèse. En même temps qu’à Rome, le culte de V’ictoria se développait dans l’Italie centrale ; deux dédicaces, dans le pays des Marses, remon- tent à la fin du m" ou au début du ii* siècle ’^

Au dernier siècle de la République, les relations de Rome avec l’Orient grec ont exercé sur le culte de Vic- toria une influence décisive. Déjà en 557 =, 197, le con- quérant de la Macédoine, T. Quinctius Flamininus, avait fait frapper un slatère d’or à son effigie et à celle de la Victoire stéphanéphore, imité d’un type monétaire d’Alexandre et des rois macédoniens, dont il se préten- dait le successeur (fig. 1223) ’". Adoptant une tradition des rois d’Orient qu’ils ont vaincus, Sylla et Pompée se font représenter couronnés par la Victoire". Metel- lus, revêtu de la robe triomphale, se fait couronner par des Victoires que meuvent des machines". Quand César érige au Capitole une statue de Marius, il l’en- toure de V’ictoires portant des trophées ’^, comme on avait fait pour Sylla, de môme que l’Asie hellénistique associait les images des rois vainqueurs et de Nikè tro- paeophore. En 708, pendant une procession précédant des jeux, on promène ctJte à ccJte la statue de la Victoire et celle du futur dictateur-". Rome et l’Italie suivaient l’exemple des villes d’Asie, qui dressaient les statues

lib. 37. Ce prodige eut lieu en l’an 200. — H T. Liv. XXXV, 9 : .. Aediculam Victoriae Virginis, prope aedem Victoriae, M. l’orcius Calo dedicavit, bionnio poslquam vovit. » — 12 jVof. d. Scavi, 1897, p. 4t (fragment inédit des Fasti Praenestini) : « Victoriae, Victoriae Virgini in Falatio » ; VVissowa, op. cit. p. 506. — 13 Babelon, op. cit. H, p. 370-372 (M, l’orcius Cato, monétaire vers 653 = 101) et p. 375-376 (Galon d’Utique). Les types de ces pièces ont été imités sur les deniers italiotes frappés par les confédérés de la guerre sociale. Notre fig. 7453 d’après Duruy, Hist. des Bomains, II, p. 33. — "V. supra, p. 833, note 1, Iig.7449. — là C i.l. I. 183, 184 ;cf.le nomde Victoria gravésurdes miroirset vases de Prénestc, C. i. l. XIV. 4096, 4t03, 4(03 (= Monumenti, IX, pi. lvui-lix), 4IU6.

— 16 Babelon, op. cit. II. p. 389-391. II émit cette monnaie au moment oiiil venait de faire proclamer la liberté de la Grèce et en souvenirde cet événement. — 17 Babelon, op. cit. I, p. 410-41), n" 38-43, et II, p. 177-178, n"’ 3-8, monnaies frappées parle pro- questeur L. Manliusen 673 = 81, après le triomphe de Sylla sur Marins ; au revers ;

!.. sci.LA iM(perator), Sylla dans un quadrige, tenant le sceptre cl couronné par la 

Victoire ; 11, p. 342, n» 6, aureus de Pompée, attribué par lickliel et Fr. I.enorraant il l’an 693 = 61 (triomphe de P. après ses victoires sur Mithridate et sur les pirates), par Cavedoni à l’an 683 = 71 (victoires sur Scrtorius et pacification de l’Espagne), par Mommsen et Babelon à l’an 673 =81 (après la guerre d’Afrique, à cause de la tête de l’Afrique qui est au droit de la monnaie). — <* Plut. Herlor. i2, 2 ; cf. une coutume identique chez les rois d’Orient, Id. Sylla, 13.

— 19 Plut. Caes. 6 : c’était l’année de son édilité, 689 = 63. La sœur de son père avait épousé .Marins. De même, au Capitole, slatue de Sylla recevant Jugurtha des mains de Bocchus et entouré de Victoires d’or tropacophores : Plut. Sylla, 6.

— 20 Cic. Ad .tt. XIII, 44 ; cf. la statue de César dans le temple de N’ikè à •fralles ; Caes. Oe bello cio. III, 105, 6 ; Val. Max. I, 6, 12 ; Jul. Obsequens, 125.