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VI G

Même les corporations, les m(tiers ont leur émula- tion et leurs récompenses, que l’arl traduit plastique- ment par des figures de Nikès, venant distribuer aux ouvriers des encouragements et de glorieux emblèmes {fîg. if04i). Dans ce double rôle pacifique et guerrier, la déesse symbolise et résume toute la civilisation hellénique.

Fig. 7i5i. — Xikè a|i|Mii(anl uni- lyre à r.’plli’bc vaiiKuiciir.

II. Victoria dans la religion romaine. — Le culte d’une déesse de la victoire à Rome parait être antérieur à l’importation de la Nikè grecque ; pour en retrouver les origines lointaines, il faut remonter aux religions itali- ques. Sans doute les Romains ont pu connaître très an- ciennement par l’art étrusque le type de .ikè (fig. 2222) ; les Étrusques en avaient emprunté les divers aspects à l’art grec, soit pour figurer leurs Lasas familières, soit comme simples motifs de décoration’ ; mais rien ne prouve qu’ils aient adoré une déesse personnifiant la victoire. Par contre, la Vacuna des Sabins, encore populaire au début de l’Empire, interprétée par les Romains tantôt comme une déesse mère et protectrice des champs (Cérès), tantôt comme une divinité chasseresse et pro- tectrice des bois (Diane), tantôt comme une déesse guerrière(Minerve,Bellone),étaitaussiconsidéréecomme une Victoire indigène [vacuna] ; en tant que protectrice d’un sol et d’un peuple, elle réunissait vraisemblable- ment tous ces caractères. Toutefois, dès la fin de la République, c’est l’idée de vicloire qui semble prédo-

< liaudrillarl, op. cit. p. 27-31 ; Hosclicr, o)). cit. col. 351-353 ; cf. les femmes ailiics <)ui figurent snr de nombreux miroirs, publiés par Ocrliaid, Etr. .Spicijet, xixvu (jeune fille ailée, tenant un rameau devant Minerve, avec l’inscr. Lasa Fecu, que l’on a rapprochée du nom de la Vacuna Sabine et de la Vico latine), xi.i, lxxxji = notre fig. 678, csj.u, cxi.iu, cm, cr.xxxi, ccxxx, cccXMi, CCC1.X1V, ccci.xxi ; dans beaucoup de cas, il est impossible de ne pas reconnaître Nikè, mais ces copies d’originaux grecs ne peuvent rien nous apprendre sur la injlliologic élrus(|uc. Sur un vase de Caeré où sont estampées deux séries de métopes alteriianl ensemble, on voit une archa’ique Nikè dont l’allure rappelle tout h fait celle de la Niké Délicnne et qui tient de la main droite une couronne ; l’otlior. Vases nnt. du Louvre, p. 46 et pi. xxxvnj, D 355 ; Radet dans C. r. Acad. inscr. 1908, p. S32 et fig. 10. Victoire nue, tenant bandelette et couronne près d’un cavalier, sur un vase étrusque de Berlin : Gerhard, Auserl. Vasenbilder, pi. 3il, I. Urnes de Voltcrra, avec reliefs : Bruno, t’i-ne etru.iche, II, 9, 2 ; S. Keinach, Mperl. de reliefs, U, 4SI, 2 (Éléocle et Polynice avec deux Nikès) ; ibid. p. 454, 2 (chasse do .Méléagre, avec déesse ailée) ; 464, 2 (retour do l’élops et d’Hippodamio), etc. — 2 Varr. Jler. divin. I, ap. l’or- phjrion, Schot. ad //oral. Epist. I, 10, 4 !i ; Dion. Hal. I, 15 ; C. inscr. iat. IX, 4751, 473i-, Baudrillarl, op. cit. p. 32-43 ; La diiùnité Sabine VaC’ina, et Wissowa, /(c/ijion ii. /<ullus d. Rûmer, 190», p. 41. Cavedoni, dans «crue nnniism, 1857, p. 349, suppose que le type de la Victoire, si fréquent sur les mon- naies de la gens Claudia, fait allusion à l’origine sabine de cette famille ; hypo- lliéso bien hardie ; cf. Balielon, Jl/onnaict de la /lép. rom. I, p. 3H. — 3 T. Liv.

miner. Le plus grand théologien de l’époque de César, Varron, identifie Vacuna à Victoria ; des autels de Vacuna portent comme motifs d’ornemenlation la palme et la couronne, attributs ordinaires de Victoria ; enfin Denys d’IIalicarnasse, sans nommer Vacuna, déclare que la Vicloire était fort honorée en Sabine et cite comme l’un des principaux sanctuaires de la déesse une île du lac sacré de Cotiliae’-'. La Vica Pota des Latins, qui possédait encore un temple dans la Rome impériale, passait de même pour être une Victoire [vica pota]. Aedes Vicae Potae, dans Tite Live, aede.i Vicloriae, chez un grammairien du temps de Néron, désignent le même temple, situé au pied de la Velia ^ Selon la tendance de la religion romaine à qualifier la divinité par chacun de ses actes, Vica Pota aurait signifié à la fois la victoire et la puissance qui résulte de la victoire Ivincere-potiri) ; telle est du moins l’éty- mologie que Cicéron donne de ce vocable*. Une autre antique déesse du Laliiim, Vitiila ou Vitellia [vitula], aurait symbolisé les réjouissances qui suivent la victoire [vitularl)’". Est-ce de la fusion de ces divinités italiques, ainsi qu’incline à le croire Mommsen^ que proviendrait la Victoria des Romains ? Ceux-ci, en tout cas, considé- raient Victoria comme une des plus anciennes divinités de leur religion nationale. Une légende montre Romu- lus, après la défaite des Camériens, faisant placer dans le temple de Vulcain un quadrige de bronze et sa propre statue, que couronne la Victoire ’. D’après une tradition que rapporte Denys d’Halicarnasse, Évandre avait lui-même consacré un autel à Victoria sur le Palatin ; on y offrait encore chaque année, au temps de Denys, le sacrifice institué par ce roi fabuleux*. Doit-on supposer au Palatin un culte très ancien de Vica Pota, auquel se serait substitué plus tard le culte de Victoria ? Ou plutôt cette légende n’est-elle pas destinée à vieillir le temple palatin de la Victoire, con- struit dans les premières années du iii« siècle avant notre ère^ ? Elle permettait de rattacher le nouveau culte aux traditions de la religion primitive ; de plus elle laissait entendre que la Victoire, venue avec Évandre, avait présidé à la naissance même de Rome, dont s’affirmait ainsi dès l’origine la puissance victorieuse ; enfin l’inter- vention do l’arcadien Évandre pouvait expliquer, aux yeux des contemporains d’Auguste, les frappantes ana- logies de la Victoria romaine avec la Nikè des Grecs.

11, 7, 12 : « infra Veliam, ubi nunc Vicae l’otac aedes est » ; cf. l’iut. Valerius Publ. 10, 6 ; Ascon- /n Pison. 52 (p. 12, Orclli) : « sub Velia, ubi nunc aedis Victoriac est » ; cf. Gilbert, Gesch. u. Topoi)r. d. Stadt Boni im Altertum, I, p. 106 et 156 : Baudrîllart, op. cit. p. 50-53. — * Cic. De ley. Il, 28. On donnait d autres étymologics : Senec. Apocol. 9 ; Arnob. lil, 25. — 5 Suei. Vitellius, l : « Kxstat 0- lîlogi ad Quintum Vitellium divi Augusti quaestorem libellus, qup continetur Vilellios Fauno Aboriginum rcge et Vitellia, quac mullis lacis pro numine coleretur, ortos. » Macrob. 111, 2, U : « llyllus, libro quem de diis cooiposuil, ait Vitulam vocari deam guae laetitiae praeest », et ; » l’iso ait Vitulam Victoriam noniinnri »■ ; Preller-Jordan, /tùm. Myth. 1, p. 407 ; Baudril- lart, op. cit. p. 44-40. Le motif que donne ce Pison pour identilicr Vitula et Victoria c’est que Ui vitulatio du 8 juillet célébrait une victoire des Romains sur les Tusci (ou les l’idénatos d’après Varron, /Je Ling. Iat. VI, 18) ; cf. Marciuardt, Le culte chez les /lomains. 11, p. 7 ; mais l’explication est peu satisfaisante, et l’exis- tence même d’une déesse Vitula n est pas certaine. — l> C. inscr. lai. I, 58 ; cf. Baudrillarl, p. 47. — 7 Plut, /lomulus, 32. Il s’agirait plutôt de l’orea Volcani in Comitio ou Volcanal (cf. Pais, Storia di lioma, I. I, 1808, p. 238 et 275, et .S’^oria critica di /lama, I, 2, p. 3SS) que du templum Volcani situé au cirque l’Iaminius et dont Plularque, Quacst. roin. 47, attribue également la fondation i Romulus. — » llion. liai. I, 32, 5. — » Cf. Wissowa, op. cit. p. 128. De même le temple de Korluna, construit en 461 = 293 av. J.-C, fut rattaché à une fonda- tion de Scrvius TuUins (T. Liv. X, 46), et celui de l-idcs, construit entre 300 cl 504 = 254ct 250 a. J.-C, à une fondation de Nunia et même d’Énéc.