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Vie

ment à son étymologie, le terme désigne donc, à la ville comme aux champs, un groupe d’habitations’. Cependant il se trouve aussi employé au sens di^’ rue. A l’intérieur de Rome, seules la Voie sacrée et la Voie nouvelle portent le titre de via ; toutes les autres rues sont des clivi ou des vici : clivas Capito- li ?ius, clivas argenlarius ; vicus Tuscus, Sulpicias, scindaliarius, etc. -. Ces cliri et vici rentrent natu- rellement dans la catégorie via et se trouvent par- fois, surtout à l’époque républicaine, qualifiés de viae ’ [via].

On s’explique aisément comuicnl vicas est passé du sens de « groupe de maisons » à celui de « rue ». Chaque habitation étant à l’origine séparée de la voisine, vicus désignait un ensemble de maisons avec les ruelles qui serpentaient entre elles. Plus lard, une fois que les bâtiments se furent agglomérés les uns avec les autres, on entendit par vicas un groupe de pâtés de maisons {insulae), distribués le long d’une artère principale, qui reçut, elle aussi, cette appellation de vicus. Ce même terme signifie donc, à l’intérieur de Rome, à la fois le quartier et sa grand’rue ’.

Les vici, rues de Rome, semblent avoir constitué, jusqu’à la fin de l’Empire, un chaos inorganisé de ruelles bien plutôt qu’un système régulier de voies de commu- nication. Malgré la transformation des édifices, malgré les nombreux incendies suivis de reconstructions par- tielles, les quartiers conservaient leur distribution et leur physionomie primitive. A la fin de l’époque répu- blicaine, Cicéron parle encore des étroits passages, étouffés entre de hautes bâtisses, qui doivent exciter le mépris de provinciaux plus favorisés ^. Tite Live et les historiens rappellent l’incohérence qui se perpétua dans l’aménagement de la ville ^ Les grands travaux de César et d’Auguste, la construction des Forums impé- riaux, l’incendie de Néron surtout, durent, en quelque mesure, remédier à cet état. Ils n’empêchent pas néan- moins la Rome impériale d’apparaître, dans son en- semble, comme une ville fort mal bàlie .

La largeur moyenne des rues semble avoir varié entre 4 m. 50 et 6 m. 50. A partir du vi’ siècle de Rome, au moins, la plupart d’entre elles durent être pavées’. Si nous en jugeons par l’exemple de celles de Pompéi, confirmé par les quelques indices qu’ont pu fournir les fouilles romaines, les artères principales étaient bordées de trottoirs. Quelques-unes, notamment cel- les que rétablit Néron, comportaient des arcades sem- blables aux portiques des villes modernes de la haute Italie’.

A l’intérieur des quartiers, les ruelles [angiportus et seiniluc) s’embranchant sur le vicus portent le même nom propre que le vicus lui-même. Aucune désignation particulière ne les distingue, aucun signe particulier n’aide à reconnaître les maisons ’°. On n’y rencontre jamais trace de numérotage ; l’étranger n’avait pour se guider au milieu du dédale des passages et du la con-

1 Virro, De ling. lal.S , U5. — 2 11. Joiiian,7o/>o5ra ;) ;ii( ; d. Stadlltom im Allerlum, I (1878), p. 513. — 3 Cic. De Lege agrnr. Il, 35, SID. — » Ibid. p. 530-535. — 5 /Je lege agrar. Il, 35, 90. — 6 Jordan, Topographie, i, p. 484 cl n. 5. — 1 Cf. I.an- ciani, Forma urbis llomae, et le plan en relief de Bi<rol. Jlome impérial :’ (1911). —«Jordan. Topographie, I, p. 543, 5-23. — SSiiclon. jVcro, IC, 1 : Formam aediticiorum urbis tiovam excogitavil, et ut ante inautas ac domos porttcus esstnt, de guarumaotariis incendia arcerentur, ensi/uc sumplii suo exsiruxit. — ’" Jor- dan, Topographie, I, p. 546 ; Homo, Comptes rendus Acad. des Jnscr. 2S juin 1912, p. 2 :3. — I’ Cf. riaul. Pscwlolus,. Sf.7, 038, 90U. — a De iing. lut. V, Wi.

fusion des iiisa/ae, que des indications compliquées, la sixième ruelle, la septième maison, la troisième bouti- que à partir de la porte, du carrefour ou de tel édifice facilement reconnaissable" ; il devait recourir, la plu- part du temps, aux renseignements réitérés des passants ou des fiàneurs. Chaque vicus formait, en somme, une sorte de gros village, sans organisation interne, mais où chacun devait connaître ses viciai.

Quelques-uns de ces vici pouvaient se trouver isolés, à l’intérieur de la ville, par une enceinte particulière, une muraille semblable à celle qui entourait certains forums impc’riaux. Tel aurait été, dès la période des guerres puniques, ce vicus Africas, où, suivant Varron, on aurait enfermé les otages carthaginois’^. Tous avaient leur individualité, pour ainsi dire, et leur centre parti- culier, localisé au carrefour principal [compitiîm]. Le vicus représente, dans la ville, l’unité administrative ; c’est par vicas que se fait le recensement’^ ; c’est par vicus que sont organisés les secours contre les incendies et, sans doute aussi, la police des régions reconstituée par Auguste". Sous Constantin, la yVo^/</rt regioitam décrit la Ville vicus par vicas ’•'.

C’est surtout sous forme de communauté religieuse que se manifeste l’existence des vici. Le carrefour est consacré au culte commun ; il a régulièrement son sacellum, petit sanctuaire ou simple autel dédié aux Lares du vicas ; les habitants s’y réunissent en mai et en août pour sacrifier aux divinités de leur quartier ; ils célèbrent ces fêtes par des réjouissances [compitaliaj ; chacun d’eux, après les Lares de son foyer, honore ceux de son carrefour ’^

Au dire de Denys d’Halicarnasse, ce culte et par conséquent l’organisation des vici remonteraient à Servius TuUius" ; mais on ne peut voir là évidem- ment qu’un de ces anachronismes dont les annalistes romains étaient coutumiers. Les honneurs rendus aux Lares compitaux ne semblent, en réalité, qu’une forme rajeunie du culte des argei, dont les vingt-quatre chapelles auraient correspondu à une subdivision pri- mitive de chacune des quatre régions en six districts [begio]. Nous ne savons rien d’ailleurs ni de l’institu- tion, ni de la vie primitive des vici. Varron le premier mentionne quelques-uns des vici romains pour essayer d’en expliquer le nom". A la fin de l’époque républi- caine, ces corporations cultuelles étaient devenues surtout des comités politiques, ce qui amena leur disso- lution ". Auguste les rétablit en s’elTorcant de leur rendre leur caractère religieux primitif et en adjoignant aux Lares des carrefours le Genius Augasli^" [lares al’gustales].

D’après Pline, le nombre des compila Laruiii, et par conséquent des vici, se serait élevé, de son temps, à 2G5 pour les U régions de Rome ’". Une dédicace à l’empereur Hadrien, datant de l’année 136, la base Capitoline, énuinère, en nommant leurs magistrats, les vici — sans doute tous les vici — des régions

— !■ ! Suel. (Jeta». 4ii, i : populi reeensum ricatim egit ; cf. ibid. 43, 1 ; les jeu» organisiSs vicatim. — ’» Jordan, Topographie, 1, p. 304, 305. — 16 On Irouvcra le Icvlc de la Nolitia dans 0. Ricliler, Topographie d. Stadt Roml, Handb. d’Iwan MucUer, p. 3TI sii. — ’0 Nonius, 531, daprès Varron : siiivanl une vieille loi romaine, la jeune mariée donne un as à son mari, un second aui l.arcs du foyer. et le Iroisiùmc à ceux du carrefour vicinal. — i" IV, 11. — i» De ling. lut. V, 159.

— 19 Cf. Corp. inscr. tat. |2, p. :i03, 300. — 20 Suel. Octai : 30, 1 ; cf. (iar.ltliau- son, Auguslus u. seine Zeit, 1, p. 883, 884 : 11, p. 313, 510. — 2’ ..i(. hist 111,60.