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dans les textes, il est plus spécialement question de la vitta comme élément de la coiffure féminine ou comme insigne sacré.

I. Villa crinalisK — On désigne ainsi toute bande d’étoffe, généralement de laine, destinée à serrer et assujettir la chevelure des femmes. En Grèce, cet acces- soire ne paraît pas avoir eu d’autre valeur que celui d’un objet de toilette (fig. 4258, 5098, 5099). De tradi- tion très ancienne à Rome, la villa crinalis y consti- tuait un privilège des jeunes filles, des matrones et des Vestales ^ ; on la considérait par suite comme un insigne de chasteté et de pudicité^ Le Sénat en avait régle- menté l’usage* ; elle était interdite aux courtisanes ’^ ; d’une façon plus générale, elle semble avoir distingué l’ingénue de l’affrancliie ". Mais elle diffère chez la Jeune fille et chez la femme mariée, parce que l’une et l’autre ne portent pas la même coiffure [coma]. Jusqu’à leur mariage, les jeunes Romaines se contentaient de nouer en chignon leurs cheveux ramenés en arrière et de maintenir ce chignon au moyen d’une éping’le [acvs] ou d’une simple villa ’. Les matrones divisaient leurs cheveux en six tresses ou nattes [sex crines), qui s’en- roulaient au sommet de la tête ’. Sous la forme primi- tive du TL’TULUS, qui resta la coitTure rituelle de la flami- nique[FLAMEiN, fig. 3106], ou sous ses aspects plus récents, cet arrangement exigeait l’emploi de plusieurs villae^ . Prendre la nouvelle bandelette était une expression usuelle pour désigner le mariage’", et ce changement de coilTure, comme le changement de costume, faisait par- tie des cérémonies nuptiales " [matrimonium el fig. 4871]. Le type des villae crinales s’est modifié au cours des siècles. A l’origine, ce sont des bandeaux assez larges pour envelopper [velare] de leurs enroulements toute la masse du lululus^^ ; c’est pourquoi un auteur ancien a pu comparer et peut-être confondre la rica, qui est un véritable voile, avec la villa rouge qui ceint la tête de la tlaminique ". Ce mode archaïque de coiffure devait présenter beaucoup d’analogie avec celui des femmes

1 Virg. Aen. VII, 403 ; Oïiii. Mel. IV, ; V, 017 ; IX, 770 ; Isidor. loc. cit. ; le Digeste, X,VX1V, 2, 25, 10, rapproche vittae et milrae. — 2Serv. ad Aen. VU, 403 : « crinales villas, quae solarum malronariim craiil ; nam raerelricibus non dabantur » ; cf. Plant. Mil. glor. 792 ; Ps. Val. Cato, Dirae, 156 ; Virg. Aen. II, 168 ; Val. Flacc. Argonaut. VIII, 6 ; Tibull. I, 6, 67 ; II, 5, 53 (Vestales) ; Propcrt. IV, 3, 15 ; V, 11, 33 ; Ovid. Ars am. I, 31 ; III, 483 ; lUmed. am. 386 ; Fast. III, 30 et VI, 457 (Vestales) ; Sencc. Bipp. 651 ; Val. Max. V. 2, 1 ; Prudent. Contra Sijmm. II. 1095 (Vestales) ; Feslus, p. 339 (Ves- tales) : Ilelbig, SilzungsberidUe d. bayer. Akad. phil. Cl. 1880, p. 515 et 52S ; Mar<|uardt, Vie privée des Romains, 1892, I, p. 56. — 3 Ovid. Ars am.

I, 31 ; ff. Pont. III, 3, 31 ; Tibull. I, 6, 67. — > Val. Max. V, 2, 1 : ii (senatus) velustis aurium insignibus novum villae discrimen adjecil )>. — ^ Serv. loc. cit. ; Ovid. Ars am. I, 31, et III, 483 ; Remed. amor. 386 ; Pont. III, 3, 31 ; Triât. Il, 232 ; Fast. IV, i :U ; cf. A. Gell. IV, 3, et Paul. Diac. Exe. p. 222, 8. V. Pellices, loi attribuée à ÎVuma et interdisant aux concubines de sacrifier à Junon, déesse du mariage, sans avoir les cheveux défaits, •< crinibus demis- sis n, par opposition aux matrones, qui devaient porter la vitta crinalis.

— *• Les passages cités d’Ovide et de Tibulle semblent distinguer la courti- sane, non seulement de la matrone, mais de l’ingénue en général ; cf. Mar- quardt, loc. cit. — 7 Varr. dans Non. p. 236 : « Minores natu... capillo pexo, utic|ue innexis crinibus» ; cf. Ovid. Met. 1, 477 ; 11, 413 ; Becker.Gôll, Gallus,

II, p. 30 ; Marquardt, loc. cit. ; par ex. S. Heinach, Recueil de têtes antiques, 1903, pi. 266. Pour les bandelettes de la coiffure grecque, voir coma, taenia.

— s Varr. Ling. lai. VII, 44 ; Feslus, p. 339. — 9 Propcrl. V, U, 34 : « viniil et acceptas altéra villa comas » ; Martpiardt, loc. cit. suppose que Properce fait allusion à des bandelettes géminées, par opposition k la baudelctto simple des jeunes filles, et rapproche de ce passage le texte de Valôre Maxime, V, 2, 1 : « novum villae discrimen» ; Piaule, loc. cit., et Scrvius, loc. cit. emploient, en effet, le pluriel vittae à propos de la coiffure matronale ; cf. Virg. Aen. VU, 403 : « solvile crinales villas, capile orgia mecuni » (pour participer aux rites orgias- tiqucs, défendus par la loi romaine, les matrones devaient i|uillcr cet insigne). Mais Properce se contentait peut-être d’opposer le type de la vilta matronale à celui du la vitta virginale, sans allusion au nombre des bandes employées.

étrusques, tel qu’on le voit sur certaines peintures funé- raires (fig. 3105)" et sur une statuette en bronze " ; il dérive probablement d’une tradition importée d’Étru- rie. Plus tard, les bandeaux se rétrécissent ; ils deviennent de simples rubans, savamment enlacés avec les tresses pour les maintenir en place et les relier entre elles’". Au temps des Sévères, les six tresses des Ves- tales ne sont plus que des postiches qui s’étagent au- dessus du front, sous le bord antérieur du voile {su/’/î- bulum), et oii s’entortillent des rubans rouges et noirs [vESTALis et fig. 7417, 7418] ". Quant aux autres Romai- nes, sous l’Empire, elles ne portaient guère cette coiffure surannée que le jour de leurs noces ’^ Mais les rillaecon- tinuent à jouer un rôle plus ou moins important dans les coiffures, parfois si compliquées, qui se succèdent à l’épo- que impériale. Certains agencements, au iv" siècle, sup- posent tout un réseau de rubans (fig. 1870).

II. Vitla sacra’^. — La bandelette a été très ancien- nement un insigne de consécration. On la rencontre déjà, nouée autour de la double hache, à l’époque minoenne -". En grec, le mot ari^^^ot correspond à villa ; xaivi’a, iTTÉçoç, (jTsocptov sont des variantes ana- logues. La bandelette ainsi désignée avait une desti- nation religieuse ^’ : les inventaires de Délos ^’ men- tionnent des Tatvtat d’or et d’argent, qui sont déposées dans le temple comme ex-voto précieux ; elles rem- placent les vulgaires bandelettes de laine qui étaient en usage. Mais la laine reste la matière essentielle dont ces accessoires sont faits ; car la laine conserve un carac- tère sacré en raison de son antiquité primitive, comme don aux dieux et comme prémices d’un des plus anciens travaux de l’homme ".

Les exemples de bandelettes sacrées dans l’art grec sont innombrables [diadema, lemniscus, mitma]. C’est que la bandelette lient une place beaucoup plus considérable encore dans la vie religieuse des Grecs que dans la religion romaine, où elle est généralement remplacée par la couronne^’*. Non seulement elle intervient sur-

— 10 , Sumere villam « ; cf. Ovid. Trist. II, 2, 232 H Cf. J. Pley, De lanae

usu, p. 44 s*(. — ’"2 Varr. Ling. lat. VII, 44, à propos des sex crines de la mater familias disposés en tutulus, dit » vitta velatos » et non cinetos. — ’3 Kesl. Fragm. lib. XVII, p. 277. Sur la coiffure et la vitla de la flaminiquc, cf. Feslus, XIX, p. 335 ; Paul. Diac. Exe. p. 334. — H Monumenti, IX, pi. xiii, I, et xiv, I a ; Helbig, Silzungsberichte d. bayer. Akad. 1880, pi. n, fig. 17-18 ; cf. Helbig, L’épopée homérique, p. 278 sq. à propos de la coiffure d’Audroinaquc et de la TtitxTîi àvaS ;<r|iiri. — 15 Gozzadini, Di un’ antica necropoli a Marzabotto, pi. xi, 1 et p. 528 ; Helbig, Silzungsber., loc. cit., pi. ii, fig. 19. — 1» L’expression « crines vitla velatos », employée par Varron, ne se rencontre plus sous l’Empire, sauf dans Ovide, Met. V, 110 : « velatus tempera vitla », à propos d’un prêtre et avec cette idée que la bandelette est un insigne sacré de même ordre que ie voile, cf. infra ; par contre, on trouve la formule « vitta innexa crinibus », cf. Slat. mir. IV, 92 ; Feslus, XIX, p. 335, cl Isidor. Orig. XIX, 31, 6. — n Slalucs trouvées dans l’Atrium des Veslales ; cf. Huelsen-Carcopino, Le Forum romain, 1900, p. 209 et fig. 116. Vestale qualifiée de « vittala sacerdos » dans Lucain, Phars. I, 597 ; cf. supra n. 2. — 18 Feslus, Fragm. p. 339. — ’9 Serv. ad Aen. II, 156 ; cf. Virg. Aen. IV, 637. — 20 Dussaud, Les civilisations préhellé- niques dans te bassin de la mer Egée 2, 1914, p. 340 sq., fig. 247 el 24s.

— ■il Aristoph. Fax, 948 ; Av. 893 ; Plut. 39 ; Sopliocl. Oed. R. 913 ; Euripid. Ion, 226 ; Herodol. I, 132 ; Theophr. Char. X, 13 ; Herondas, VIII, 11 ; cf. l’inscription de Cos, Ditlenberger, Syllnge-^. Il, n’ 616, 1. 30, 35. Sur les vases peints, la bandelette simplement posée dans le champ indique en général le carac- tère religieux de la scéuc ; cf. nos figures 3941, 6140, 6696. — 2-i Ditlenberger, ibid. n» 588, 1. 29, 33. — 23 Cf. J. Pley, De lanae in antiquorum ritibus usu, Giessen, 1911. Kappolons que sur un des plus anciens reliefs chaldéons que possède le Louvre, remontant à la période des palésis (gouverneurs) de Lagash (vers 3000 av. J.-G.), ou voit représentée, comme une sorte d’offrande et de symbole religieux, une grosso torsade (|ui ressemble à un échevcau de laine (Sarzec el lleuiey, Dé- courertesen Clialdée,, p. 203,207 ; Heuzoy, Calai, des anliq. chahli’ennes, p. 131, no 12). — 2i Sur les rapports de la bandelette cl de la couronne voir Stephani, dans Comptes rendus de la comm. S.-Pétcrsbourg, 1874, p. 132-136 et 210-214 ; eu Ktruric, d’après Ilelbig, loc. cit. p. 509, la couronne apparaît pour la première