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un dégagement de carbure d’hydrogène, qui aura dis- paru dans l’antiquité, avant l’époque de Galien’. Les témoignages locaux garantissent le rapport direct du culte avec la flamme souterraine ; c’est Héphaistos qui a fait jaillir le feu de la colline où il a à la fois son temple et sa forge {yaXy.dov)^. L’apparition du puissant flambeau ( TrayxpaTè ? (léXaç) est contemporaine de la chute du dieu, attiré vers Lemnos^ Ainsi Lemnos apparaît comme un point central très ancien du culte d’Héphaistos, non pas peut-être le plus ancien, ni le seul, mais tout au moins comme le centre primitif pour la Grèce propre. Or, au sujet des Sintiens, que VIliaile mentionne comme les pre- miers adorateurs du dieu-feu, des indices importants nous reportent vers la Thrace : aux tribus thraces apparte- nait cette peuplade*. Mais l’ethnograpiiie comparée fait pressentir aujourd’liui le rôle important de la Thrace dans la création de l’industrie métallurgique, appliquée à la culture de la terre ; inventeurs peut-être de la faucille de cuivre ou de bronze, les Tliraces étaient les consanguins des Ligures, qui occupèrent partielle- ment la Gaule et qui sont les Sicules d’Italie. Ces peuples ont transmis en Italie et en Gaule les cultes primordiaux de Vulcain, Saturne et Gérés, symbolisant l’art de la fonderie mis au service de l’agriculture On voit donc l’importance du centre lemnien. Les Thraces eux-mêmes avaient-ils créé, avec l’industrie métallur- gique, le culte du ira-i-xpaTàç nÉîiaç d’IIéphaistos ? 11 con- vient d’observer que les Sintiens de Lemnos sont les successeurs de tribus cariennes, établies plus primiti- vement à Lemnos et Imbros, îles de noms cariens". De plus anciennes mentions d’Héphaistos que nous fournit l’épopée grecque placent le dieu en Asie ; au début du chant V de V/liade, c’est-à-dire dans une partie très pri- mitive du poème, un prêtre d’Héphaistos est nommé du

’ Cf. iNeuniann-Parlsch, Physikaliache Geogr.v. Griechenl. 1885, p. 315 (avec la bibliographie aiiléricure : )807, Buttmann, Mosychlos, d. feuerspeiende Berg au/"Z :emnoi(WolfelBuUmann, il/iij. d. AUertumswiss. l, 295-312) ; 1809, Dureau de la Malle, Mém. sur la destruction de l’Ile de Clirysè et du volcan de Lemnos, Annales des voyages, IX, p. 1-25 ; 1872, Ukert, liber die Insel Lemnos und den Mosychlos : Bertuch, Allgem. geogr. Ephem. Weimar, XXXIX, p. 361-380 ; de Launay,/. l. p. 313 sq.) Les leites antiques sonl : 1» le passage d’Anlimachos, cf. nole2G, p. 987 ; 2» Érallioslliène, Scliol. aiiNicand. Theriac. 472 ; 3" Hesych. s. v. Mosychlos ; i’ Valei-ius Flaccus, Argon. Il, 332-336 ; 5» Stat. Theb. V, 50, 87 ; Silv. m, 131 ; e* Cassandre, clans Lycopliron, Alexand. 227, regrette que Piris et lléliiie, « avant de faire le malheur de Troie, n’aient pas Hé réduits en cendres dans la flamme (jui s’élève à Lemnos » ; 7" cf. aussf le passage d’Heraclite, note 25, p. 987 (indiquant (|ue le feu de Lemnos doit ûtre entretenu pour rester allumé). Le dégagement de carbure d’hydrogène correspond à ce phénomène ; il semble qu’il ait cessé, remarque de Launay, à l’époque de Catien, qui, venu à Lemnos pour étudier la terre sigillée, n’en parle pas. De Launay rapproche les exemples ana- logues : dans le Caucase, dans l’Apennin, à la « Chimère » de Lycie el. d’après les anciens, à Trapézonle, à Apollonie ; cL Reclus. Géog. univer. IX, p. 481 ;.Berg, Ueber dieClnmaera(Zcilachr. i : allgem. Erdk., 1854, III, p. 307-314). A Lemnos l’origine trachylique el l’abondance des débris de plantes dans les terrains sédi- mcDtaircs peuvent expliquer diversement l’apparition du feu ; Kredricli, /. t. <90fi, p. 75. — 2 Zielinski, Kos, XXVll, 129 (Eschyle) ; cf. aussi Cic. IM nal. iteor. I, 119 ; III, ar, ; Schol. ad lliad. XIV, 231 ; Aescliyl. Prometh. fr. 193 Nauck’. ; ; Schol. ad lliad. XIV, 231 ; Val. l’Iacc. 11. 88 si|. ; Nonn. IHonysiac. XXVIll, 6 ; XXIX, 376. — 3 Eustath. ad lliad. 1.H7, 37 sq. — 4 L’existence de noms théo phores, composés avec le nom d’Héphaistos, est constatée en Thrace par Sittig, De nomin. theoph. 99 ; il y aurait à ajouter à cotte liste : cf. Kalinka, Anl. iienkm. in liulgarien, n’ 255 et 134. Sur l’origine des Sintiens, cf. Steplian. Byz. s. v. Lemnos ; Strab. VI, 331, fr. 46 ; Apoll. Khod. IV, 608, 1757 ; Eustalh. ad Jliad. 1, 392, p. 158 ; sur le nom ScvSoi ou S.v :» ;, cf. Fick, Vorgriech. Ortsna- rnen, 65 ; cL Fredrich, Jntcr. gr. XII, 8, Introd. p. 3, et Alhen. Mitt. l. l. p. 83. — 5 Pour ces questions, qui ne peuvent être ici abordées en détail, cf. Uéchelcltc, Man. d’arcti. préhitt. II, p. 3-4 ; sur les Ligures, la bibliographie essentielle, jusqu’en 19H, est donnée par Déchclettc, ibid. p. 7, note 1 et p. !’, note 2. Sur la parenté entre Ligures, Illyriens el Thraces, et. d’Arbois de Jubain- ville. Premiers habitants de l’Europe, I, p. 265 ; sur .Sikélos, Uéchelctle, l. l. avec références ; Déchelclte attribue an« Thraces l’invention de la faucille de bronze ; le mythe de Sikélos, (ils d’Italos, eD rappellerait la diffusion. — € Fredrich,

côté des Troyens, sous le nom phrygien de Darès ; son existence témoigne d’un culte d’Héphaistos sur le sol troyen’ ; c’est à la Phrygie encore que nous reportent, par ailleurs, les traditions sur les Dactyles de l’Ida, pre- miers inventeurs, disent certains textes, de l’art héphaistien ^ Enfin l’abondance et l’importance des témoignages sur la diffusion du culte en Asie confirment les hypothèses sur cette origine’.

6) C’est en Phrygie, en Carie, et en Lycie — en Lycie surtout - — qu’il convient de chercher les premiers ves- tiges d’Hépliaislos, puisque ce que nous savons déjà du culte lemnien ramène l’esprit vers ces contrées. C’est là aussi que les traces vont se trouver le plus nombreuses, contrastant avec la rareté des indices recueillis en terre grecque, et prouvant l’existence préhellénique d’un culte du feu, dont Hépliaistos symbolisera plus tard la diffusion.

En Lycie, terre qu’un lien de parenté etliiiique rattache à la Carie ’", apparaissent les phénomènes les plus carac- téristiques ; on devine à cette place le centre du culte d’Héphaistos. De là il s’étend au loin, plus important dans le voisinage, plus oublié dans la périphérie, à l’est vers la Pamphylie, la Pisidie, en traces plus légères vers la Cilicie ; au nord, vers la Phrygie, la Lydie, aux con- tins de la Rithynie et du Pont ; très fortement à l’ouest vers la Carie et toute la côte d’Asie Mineure jusqu’à la Troade, sur un sol originellement carien, d’où le sym- bolisme du TraYy.paTà ; uÉXa ;, à l’époque carienne encore, a pu passer vers Lemnos, pour s’y retrouver avec des formes qui rappellent le phénomène lycien.

C’est à Olympos, sur la côte ouest de Lycie, qu’a été découvert en 1811 par les marins de l’amiral Beaufort un Tia^xpaxà ; aÉXa ; héphaistien, présentant tous les carac- tères du feu du Mosychlos". Ce feu, qui a été men-

Athen. Mitt. l. c. 83 ; Inscr. gr. 11, 8, Introd. p. 3 ; Kretschmer, Einleit. in die griech. Spracfie, p. 358 sq. — ~’ Jliad. V, 9 sq. ; sur le nom Darès, cf. Kretschmer, Einleit. p. 184. — 8 Schol. Apoll. Rhod. I, 1 139. Les Dactyles de l’Ida plirygieu : o’e ho.Itoi Tt^viiv ,ioXufi>iTio ; ’H»« ;»xo ;o I iljov... — 9 L’idée de l’origine asiatique d’Héphaistos est affirmée pour la première fois nettement par Malien, Arch. Jahrb. XXVII (1912), p. 232. Nous reprendrons ci-après, en les critiquant à l’occasion, les idées de cet important mémoire, malheureusement discursif, et par endroits assez obscur. Wilainowitz qui, le premier, en 1895 {Nachr. Gottiug. Oesellsch. d. Wissensch. 1895, 217 sq.), a donné un tableau de la vie légendaire d’Héphaistos avec une reconstitution de l’hymne homérique, avait d’abord conclu à un Héphaistos grec ; d’après un renseignement de Malien, il aurait renoncé aujourd’hui à peu près à celle idée ; C. Fredrich, qui a étudié surtout le culte Lemnien, croit aussi à un Héphaistos préhcllénique ; de même Gruppe, Griech, Mythol. p. 1305 sq., qui d’ailleurs base sans doute son hypothèse sur une ideutifi- cation insoutenable avec Typhon ; cL Malien, ihid. p. 360. — ’0 (J. Meyer, Bezzenb. Beitr. X(l8s6),p. 200 ; Wilamowitz, A’i( :iinjs6. Berl. Akad. 1906, p. 74 ; ■ E. Meyer, Gesch. d. Altert. I, 2, p. 624. — "Cf. la relation rapportée par Malien, Arch. Jahrb. l. l. p. 235 sq. et la relation de Beaufort. Karamania, 47 sq. ; Rilter, Erdkunde v. Kleinasien, If, 751. La vigie aperçoit vers le i., sur le haut d’une montagne, dans l’épaisseur des bois, entre les écneils, une lumière fixe assez petite, mais très claire, que les Turcs appelaient yanar-tasch (pierre de feu). Le phénomène consistait en une fiamme très chaude s’échap- pant du sol, sans trace do volcan. D’après le guide, il fut reconnu que la région ne ressentait pas de secousses sismiques, ((ue la flamme ne pouvait être éteinte par l’eau. Les bergers y faisaient quelquefois cuire leur nourriture, mais une légende voulait que la chair volée ne put jamais s’y rôtir. En 1842. Spralt el Forbes, cherchant it nouveau ce l’eu, découvrirent, eu plus de la grande flamme, divers centres d’émanation à l’issue de crevasses : le noir de fumée pro- duit par les flammes était employé par deux Turcs comme remède aux inflamma- tions d’yeux ; cf. Travels in Lycia, I, 1847, p. 193 sq. I.epeinlre Beros(/fcit»cA. /. allgcmeine Erdkunde, 111 (1854), 307 sq.) signale aussi des superstitions se rapportant à la flamme d’Olympos ; cf. encore E. Tiitze ivoyage eu Lycie, 1882 ; cf. Jahrb. d. k. k. geolog. Ueichsanst. XXXV (1885), p. 354), qui mentionne les vestiges d’un temple antique, remplacé par une église, dans la région du feu hépbaislien. Le gaz est un gaz inflammable, ([ui ne brùlc pas par lui seul. A. de Humboldl le rapproche du naphte ; Kosmos, IV, 359, 530 8i|. n. 5f. L’apparition remonterait à 3000 ans, La description la plus complète est colle do LuscDan, Heiseu i’m sildu’estl. Kleinasien, II, 1889, 139 sq. (hauteur de la colline : 250 m.i.