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seur attribuée à Adonis ’. La légende de Zagreus se rattacherait à la famille des récits sur le dieu mourant et ressuscitant, dogme des religions de l’Asie anté- rieure. Elle serait une forme particulière du grand mythe auquel s’attache en Syrie le nom d’Adonis, en Phrygie celui d’Attis, en Egypte celui d’Osiris"-. Le Zagreus orphique se relierait ainsi, à travers la Crète, à de très anciennes traditions, égyptiennes ou asiatiques.

11 semble que, dans la formation du culte orphique, Delphes ait directement joué un rôle assez important. C’est à l’Apollon de Delphes que Zeus, après le meurtre de Dionysos-Zagreus par les Titans, ordonna de recueillir les restes mutilés de son fils. Au temps de Plutarque, on montrait encore, dans l’adyton du temple de Delphes, le tombeau de Dionysos, avec une inscription : <> Ci-gît Dionysos, fils de Sémélè ■* ». Cette épitaphe s’explique par le syncrétisme, avec lequel les anciens ramenaient à l’unité des divinités diffé- rentes ; comme l’a établi M. Foucarl, le Dionysos, dontles restes passaient pour avoir été ensevelis dans le temple de Delphes, était non lo Dionysos thébain, fils de Sémélè, mais le Dionysos-Zagreus des Cretois, le dieu mourant et renaissant*. Des rapports religieux ont uni Delphes à la Crète ^ et des parties importantes du culte de Diony- sos paraissent avoir passé de la Crète à Delphes, par l’Eubée et la Béotie**. En tout cas l’enterrement de Dio- nysos par Apollon est, à l’intérieur de l’orphisme, une tradition spécialement delphique .

I.e plus ancien témoignage sur le nom de Zagreus est le vers d’un Alcméonide (vi» siècle) qui semble tiré d’une invocation aux dieux de Delphes*. On en a con- clu que Zagreus était un des dieux anciennement adorés à Delphes. Il est associé, dans le vers de LAlcméonide, à la déesse Gê et appelé « supérieur à tous ». Ce nom de Zagreus, que vraisemblablement porta aussi le dieu crétois’, ne fut pas donné seulement à Dionysos ; on l’attribua à Hadès, ou à un fils de Hadès dont parle Eschyle ’". Comme Dionysos-Zagreus avait, entre autres caractères, celui d’une divinité chthonienne, on a voulu l’identifier avec ce fils de Hadès. Des affinités certaines existent entre Hadès et le Zeus dont Zagreus était le fils et qui, dans le mythe de sa nais- sance et de celle de Perséphonè, était un Zeus Chthonios" [cEKES, p. 1051]. Plusieurs textes assimilent Dionysos ou Dionysos-Zagreus à Hadès lui-même’- ; l’épilhète de ’IdoSaiTT, ; est également donnée à Hadès, au fils de Hadès et à Dionysos-Zagreus, appelé encore NuxtéXtoi ; (nocturne) ". L’appellation de chasseur, qui venait peut- être à Zagreus de ses lointaines origines orientales, a donc pu servir à le caractériser surtout comme Dionysos infernal, dieu des morts qui, dans sa chasse, pousse devant lui et frappe ceux qu’il destine à son empire [bagcuus, p. 633J. M. Maas pense que le

) F. I.enormaiit, Gazeite archéot. 1879, p. S2 ; Gruppe, op. l. p. i5t, 018, 1284-5, — 3 Ce mjrlhc ticol à uu ensemble d’idées, déjà développées dans le Rig-Véda TBiccHus, p. 592-B|. F. Lenormant, ibid. p. SI. — 3 Plul. De lêid. et Osir. 35, éd, Dubner (Didot), III, p, UC ; Fhilocli. Fragm. 22, Fragm. /lis/, fir. éd. Millier (DIdol), I, p. 3S7. — » Foucart, op. /.^p. 20. — " Foiicart, ibiil ; Maas, op. l. p. 102 note ; Hom. Ilymn. jl ;»//. 301. — « Gruppe, op. /. p. 104. (jruppc semble croire que diiiis l.i fornialion de la légende de Zagrcns se soûl mêlés des éléments du mythe de l’Adouis de Bybios et des élé- ments du mytbc du Zeus Cretois. L’histoire de Zagreus reproduit, pour une autre ijénération divine, celle du la naissance et de l’éducation de Zeus, né eu Crète l’t pardé par les Curèles, De Crète le mythe de Zagreus se serait répandu en Grèce, notainnicnt à Delphes. — ’ Maas, op. I. p. 103, nule, si note, p, 100. .Maas pense <|u’Onomacrltc avait écrit son poème d’après des traditions atlico-

Zagreus de Delphes fut primilivemenl un Hadès, con- fondu ensuite avec Dionysos  ; il croit aussi (hypothèse assez discutable) que le culte d’un Hadè.s-Zagreus, qui se serait transformé plus tard en celui d’un Dionysos- Zagreus, aurait très anciennement existé en Attique, à Agra "’.

Textes et monuments figurés font parfois de Zagreus un dieu tauromorphe ’". Clément d’Alexandrie déclare même que ce fils d’un serpent était né sous la forme d’un taureau". Cette assertion paraît fausse. Dans le récit de Nonnos, ce n’est qu’après s’être métamorphosé en taureau que Zagreus est déchiré par les Titans " et ce mythe même du taureau Zagreus, dépecé par les Titans, loin d’être primitif, est un mythe exégélique, provoqué par le rituel barbare qui s’était répandu de la Crète ou de la Thrace dans le monde grec. « Comme les fidèles de Zagreus, écrit M. S. Reinach, déchiraient un taureau, divinisé par les apprêts mêmes du sacrifice, on imagina la légende sacrée qui devait rendre compte de cet usage aux yeux des Grecs raisonneurs ’^ » A l’ori- gine, il n’était donc pas queslion d’un Zagreus poly- morphe et finalement tauromorphe. Au reste l’analogie avec d’autres Dionysos helléniques, parfois conçus et représentés sous l’aspect d’un taureau, contribue à expliquer i’allribution à Zagreus de ce même carac- tère liiAc.i’.iiis, p, 01 !» sq.] "".

Quant au mythe de Sémélè avalant le cœur de Zagreus et donnant naissance au second Dionysos, il est dû à une contamination de légendes^’ ; c’est une invention destinée à concilier l’histoire de la naissance du Diony- sos thébain, fils de Sémélè, avec celle de Zagreus, lorsque les différents Dionysos furent confondus et identifiés par les Grecs ^^ Les documents témoignent assez souvept de cette identification^’.

Le problème des rapporte de l’orphisme et des mys- tères éleusiniens est lié à la question de-l’existence en Attique du culte de Dionysos-Zagreus. F. Lenormant, qui admet une influence très grande des idées orphiques sur Eleusis, croit que la légende de Zagreus était représentée dans les mystères [eleusinia, p. o4 !), .578]. Selon M. Maas, les petits mystères d’Agra auraient élé des mystères orphiques de Zagreus-’. M. Foucart com- bat l’opinion de ces deux savants ^• On peut croire, en adoptant un moyen terme, que les Orphiques ont’ agi sur Eleusis, mais qu’Eleusis a peut-être contribué à la formation des doctrines et des dogmes orphiques. Le Dionysos attique a pu fournir des éléments à la conception que les Orphiques se firent de leur Dionysos [oRPiiici, p. 248] ■’^.

IV. — L’art figuré n’a presque pas traité la légende de Zagreus. Signalons pourtant des tétradrachmes de la ville Cretoise de Priansos, où l’on a cru voir l’image de Perséphonè caressant le serpent qui se dresse devant

delphii|UCS. — 8 Etym. Oud. s. v, (itoTV.a Tii Z«YjeII t« naïUitfTaxf i !iii»TU«) ; Gruppe,

op. l. p. lOi note 1. — SEuripid, Fragm. 472 Nauck, — 10 Aeschyl. Fragm. cité .lans /itym. Gud. et Etym. iiios(n.(MaaS, op. l. p. Si), — » Gruppe, op. (, p. 410, noie i. — is /ni5im,pAi/os. i/raec, éd. Mullach Didot, 1, p.326 ;Euripid,/'>«jm,’.ni.

— 13 Hesych, s. v. ’Uoiciiïis ; Plut, De t ap. Dciph. 9. — ’4 Maas, op. t. p. Si.

— is Maas, op. /. p. 7U-10a. — 16 Bymn. orph. XXX ; Oaz. arcli. 1»79, p, U-ii.

— "Cleni, Alci, l’rolrcp.W, 16(ed. Slàhlin.p. 13), — ’* Nonn. Oionys. ap Lobcek, op. /. p. a iO. — 19 S, Heinach, op. /. p. 61, — 20 Roscher, Lexik. s. v. Dionysos, p. 1056 suiv. — ’Ji S. Reinach, op. t. p. 62, — 2i Foucart, op, /, p, 40 ; Maas, op. /. p. 102, — 23 i ;r. notaniniont les Hymnes orphiques, et lesmonunients figurés mention- nés ci-des>ous, — 21 Maas. op. /. p, 7S-02. — 2i. Foucart, op. l. p, 08 ; Les mystères d’Eleusis, p. i^i sq. — iU Gruppe, op. L p, 171, dit que certains rites d’Eleusis pourraient avoir inilué sur (juclques détails de la légende orphique.