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étoile et du Temps, qu’ont favorisée le règne du panthéisme stoïcien[1] et de l’astrologie.

À Rome, les ménologes rustiques, datant de la fin de la République et du commencement de l’Empire[2], portent, au-dessus de la colonne réservée à chacun des douze mois, le signe du zodiaque qui y préside [calendarium, fig. 1032]. Outre ce patronage, ils notent aussi celui d’une divinité, par exemple en janvier : Sol Capricorno tulela lunonis[3].


Fig. 7394. — Thème de géniture d’après un manuscrit de Vienne.
Fig. 7394. — Thème de géniture d’après un manuscrit de Vienne.
Fig. 7594. — Thème de géniture (horoscope)
d’après un manuscrit de Vienne.

Ce système de « tutelles » a des origines lointaines : il a pour auteurs les Babyloniens, qui, suivant Diodore[4], « attribuaient à un des douze dieux principaux chacun des mois et chacun des signes du zodiaque ». Eudoxe adopta le principe de cette double association, en substituant aux dieux orientaux le groupe des δώδεκα θεοί, depuis longtemps formé dans le culte athénien. Comme cette dodécade sacrée était composée de six couples, il assigna chaque fois le dieu et la déesse à deux signes diamétralement opposés, dont l’un apparaît sur l’horizon quand l’autre disparaît au couchant[5]. Les calendriers rustiques, Mommsen l’a depuis longtemps démontré[6], ne sont qu’une adaptation latine de celui d’Eudoxe ; mais ici une difficulté se présentait. L’entrée du soleil dans les signes du zodiaque ne se plaçait pas au début, mais vers le milieu des mois romains. On pouvait donc regarder janvier, par exemple, comme appartenant aussi bien au Capricorne, où le soleil entrait, suivant Columelle[7], le 17 décembre, qu’au Verseau, qu’il traversait du 16 janvier au 14 février. On obtient ainsi la double correspondance suivante :


Janvier 
Capricorne ou Verseau.
Février 
Verseau — Poissons.
Mars 
Poissons — Bélier.
Avril 
Bélier — Taureau.
Mai 
Taureau — Gémeaux.
Juin 
Gémeaux — Cancer.
Juillet 
Cancer — Lion.
Août 
Lion — Vierge.
Septembre 
Vierge — Balance.
Octobre 
Balance — Scorpion.
Novembre 
Scorpion — Sagittaire.
Décembre 
Sagittaire — Capricorne.

L’une et l’autre concordance furent adoptées concurremment, et sont attestées par de nombreux exemples dus à la tradition littéraire aussi bien qu’aux monuments figurés[8]. Toutefois c’est la première qui fut communément acceptée au moyen âge[9] et qui s’est perpétuée de nos jours dans les calendriers populaires, bien que la précession des équinoxes l’éloigne de plus en plus de toute réalité. Ce mouvement rétrograde fait reculer la position du soleil, à une date donnée, d’un degré en 72 ans environ, ou d’un signe entier en un peu plus de 2155 ans. C’est ainsi qu’à l’équinoxe du printemps le soleil, qui se trouvait, du temps d’Hipparque, dans la constellation du Bélier, est aujourd’hui dans celle des Poissons. On sait que Ptolémée, pour obvier aux inconvénients résultant de la modification constante des points cardinaux, dissocia le zodiaque réel et le zodiaque astronomique, purement fictif, qui se déplaça avec le point vernal, considéré comme le degré 0 du Bélier. À l’époque de cet astronome, les douze cases de ce zodiaque ne coïncidaient déjà que partiellement avec les groupes d’étoiles dont elles portaient les noms et elles s’en sont écartées toujours davantage, de telle sorte que le signe du Taureau est aujourd’hui presque entièrement dans la constellation du Bélier et ainsi de suite. Mais même ce zodiaque scientifique, resté en usage jusqu’à nos jours[10], se déplaçait lentement dans l’antiquité et au moyen âge par rapport aux dates des mois, à cause de la légère inexactitude du calendrier julien, qui retardait d’un jour tous les 128 ans sur le cours vrai du soleil. Par suite, l’entrée de celui-ci dans le Bélier, qui se produisait au temps de Ptolémée (vers l’an 123) le 21 mars, avait lieu en l’an 400 le 19 et en l’an 800 le 15 mars[11].

La possibilité d’attribuer à chaque mois un double signe a produit dans les ménologes rustiques une confusion dans la répartition des divinités : chacune de celles-ci y est rapprochée du signe qui précède dans la série celui auquel elle appartient réellement. La véritable

  1. Supra, p. 1051.
  2. Corp. inscr. lat. I, 2e éd. p. 280 sq. ; cf. Boll, Sphaera, p. 472 sq. ; Wissowa, Römische Bauernkalender, dans Apophoreton, XLVII Versamml. deutscher Philologen, Berlin, 1903, p. 35 sq.
  3. Sur la tutela, qui a souvent un sens astrologique, cf. supra tutela, p. 554. Le médaillon reproduit fig. 7193 n’a pas été bien expliqué par Déchelette. Il montre la Tutelle invicta, comme les astres, portée dans une couronne de laurier par deux Victoires au-dessus d’une figure du Ciel. De chaque côté se trouvait, non un dieu fluvial, mais un dieu du Vent soufflant ; cf. infra, p. 1058, n. 11.
  4. Diod. II, 30, 7 : Τῶν θεῶν τούτων κυρίοιυς εἶναι φασι δώδεκα τὸν ἀριθμὸν ὧν ἑκάστω μῆνα (ἔνα) καὶ τῶν δώδεκα λεγομένων ζῳδίων ἒν προσνέμουσι. Cf. Cosmas Hiéros. dans Cat. codd. astrol. V (Romani), pars 11, p. 122, n. 1. L’origine orientale de cette doctrine est prouvée accessoirement par le fait qu’on la retrouve chez les Étrusques (Varro, ap. Arnob. II, 40) : cf. Boll. op. l. p. 478.
  5. Bouché-Leclercq, op. l. p. 183 sq.
  6. Mommsen, Römische Chronologie, 2e éd. p. 305 sq. ; cf. Boll, p. 476.
  7. Columell. XI, 2.
  8. Janvier = Capricorne, etc. : cf., outre les ménologes, le disque de Salzbourg cité supra, p. 1052 ; Anthol. latina, éd.Riese, nos 394, 393, 640, 864. Janvier = Verseau, etc. ; cf. la figure du ms. de Ptolémée supra, p. 1052, un planetarium du cod. Voss. lat. qu. 79, dans Thiele, Himmelsbilder, pl. vii ; Strzygowski, Die Calenderbilder des Chronogr. v. Jahre 354, 1888, pl. xxviii sq. ; Riegl, Arch. epigr. Mitt. XIII, 1890, p. 9 sq. ; Anthol. lat. éd. Riese, 117 (v. 16), 490 a.
  9. Wissowa, l. c. ; Piper, Mythol. der christl. Kunst. II, 1851, p. 288. On trouve cependant des exceptions, et à la cathédrale de Chartres, par exemple, c’est le Verseau et non le Capricorne qui accompagne le mois de janvier dans le « calendrier de pierre » qui y est sculpté ; cf. Mâle, L’art religieux du XIIIe siècle, 1902, p. 88. Bède, dans son traité De temporum ratione, qui jouit d’une grande autorité, donne, c. 10 (Migne, Patr. Lat., XC, p. 358), la correspondance janvier = Capricorne, etc. mais il place l’entrée du soleil dans les signes in medio mense, et dans le De natura rer. c. 17 (Migne, p. 232) il adopte le système janvier = Verseau.
  10. L’Annuaire du bureau des longitudes pour 1913 note que le soleil entre dans le ♒︎ le 21 janvier à 2 h. 59, dans les ♓︎ le 19 février à 17 h. 23 ; dans le ♈︎ le 21 mars à 16 h. 51, etc., mais ces signes ne désignent plus que des compartiments du ciel sans égard pour les étoiles qui s’y trouvent.
  11. Cf. supra, fig. 7591. Les moments indiqués pour l’entrée du soleil dans les signes (♈︎ 20 mars, 5 h. 20 de la nuit, etc.) ont permis de fixer la date de la composition de cette figure à la seconde moitié du iiie siècle.