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ment qu’elle glissait, au moyen d’anneaux fixés de distance en distance à son envers, sur neuf cordes tendues du sud au nord. Connaissant la partie essen- tielle de cette installation, on en peut restituer le com- plément indispensable, c’est-à-dire un système de tirants doubles sur poulies permettant le va-et-vient du rideau d’arrière en avant et inversement, et dans la mesure qu’on voulait. Comme on le voit, c’est en somme exacte- ment le mécanisme usité encore de nos jours, dans nos halls et nos ateliers vitrés, pour tamiser les rayons du soleil’. La même peinture nous apprend que le i^elum dePompéi était, à son point de départ (au sud), assujetti aux deux tours du rempart, contre lesquelles vient buter l’enceinte de l’amphithéâtre. Rappelons en outre ce qui a été dit plus liant : qu’il était soutenu aussi par des mâts, dont les vestiges se voient encore dans le couloir supérieur, derrière les loges alTectées au sexe féminin. Jusqu’oii s’étendait cet abri dans la direction nord ? Il n’est pas probable qu’on l’ait jamais déployé sur toute la superficie de l’amphithéâtre, pour la seule raison que cela eût été inutile. Ainsi que le remarque M. Durm, « étendre un voile au nord, à l’est et à l’ouest, c’est-à- dire contre le soleil levant ou couchant, était chose super- flue, en raison de la hauteur des murs d’enceinte »-.

Dans les théâtres romains on admet généralement, pour le vélum, le mode d’installation proposé également par Caristie’ : un vaste réseau de cordages, supportant la toile, et qui ont leurs points d’attaches sur une ligne de mâts, disposés tant à la périphérie supérieure de la cavea qu’au sommet de la scène, tels en sont les traits essentiels*. Mais ici se présente une grave diffi- culté qui n’existait pas à l’amphithéâtre. Difficulté qui provient : 1° de la forme semi-circulaire de l’édifice ; 2" du fait que les mâts qui garnissaient le sommet de la scène paraissent avoir été toujours dressés à sa façade externe (exemples : Orange, Aspendos). Comment, dans ces conditions, c’est-à-dire malgrél’épaisseurdubàtimenl (le la scène, élever le voile au droit et au-dessus de ce bâtiment" ? Voici le mécanisme qu’imaginait à cet efl’el Carislie pour le théâtre d’Orange Dans cet édifice la difficulté, on se le rappelle, est encore aggravée par cette circonstance que six seulement des consoles per- forées étaient utilisables, à droite et à gauche. L’élé- ment principal du mécanisme en question est un cable de forme semi-circulaire, dont les extrémités sont réu- nies par une droite, tendu au moyen de cordes rayon- nantes. Pour réaliser, malgré la partie droite, une trac- lion égale sur tous les points, il faut supposer, à chaque extrémité du cable semi-circulaire, une arma- ture en bois, fer ou bronze , oii venaient, en se croisant, se rattacher les cordes des six mâts de droite et des six

< l.ampridc ( Vita Commodi, 15, 0) nous apprend ijiic cclaiciil les marins de la ItoUe i|ui, â rampliillid’ùtre, élaieat cliargi^s de la matxeuvrc du vvtiim. — t (j. I. p. liSO. — 3 0. l. p. 73. — l Oolimichen, Das Bihnenw. dei- Griech. und tti.mer, p. i ;i’J : . Kicli. Bict. des antiq. art. vei.ahiuh ; WiUschcl, art. the.tru>i, p. 1773, dans a Heat-Encijctop.tic Paulv. Wilzschel propose ccpeiidanlutici’ariante ; il ad met une couronne de mâts, dressés dans rorclieslrc, et relié» à leur sommet par des tra- verses {ce seraient là les IraOes dont parle Lucrèce, /. /.) ; sur ce hûti on eût étendu la toile, rattachée ensuite tout autour du mur d’enceinte. — 5 O.l, p. 7fi. — 6 Voir Carislie, lîg. iO. p. 7fi. — 1 Même ouvrage, pi. xlix, V. — » O. l. fig. 30, p. 76 ; cf. encore Oj. 31. — ^ Contre l’hypothèse de Caristie M. Durni fait valoir une autre objection très Torlc (p. GSï} : c’est qu’en déllnitive les consoles perforées, ’|ue les plans et restitutions de théâtres anlii]uc9 nous montrent, sûr tout le pourlour du mur d’enceinte, restent fort prohlémaIi<{ues. A Orauj-’e, bien fjtio Caristie les fasse ligurcr sur son dessin, nous ne savons rien, en réalité, du couronnement de ce mur. . Aspendos également, elles ont été restituées par hypothèBC. Enlin, au

mâts de gauche ’.Un système de poulies de renvoi et de tourillons * permettait, en dépit de l’obstacle opposé par le bâtiment de la scène, d’opérer le tirage vertical. Toutefois la complication même d’un tel dispositif le rend peu croyable ’. En fin de compte, donc, il y a lieu de penser que, dans les théâtres aussi bien que dans les amphithéâtres, l’installation du vélum était celle que nous révèle la peinture de Pompéi. On ne voit pas pourquoi, pour deux cas en somme assimilables, on aurait eu recours à deux solutions dill’é- rentes. Mais, cette première question tranchée, une autre se pose. Le vélum, dans les théâtres, abritait-il toute la surface découverte ? Que cela fiit possible (l’es- pace à couvrir étant généralement moindre que dans les amphithéâtres), et même que cela eût lieu à l’occasion, il n’est pas permis d’en douter. Nous avons à ce sujet un témoignage décisif de Lucrèce"’ ; le poète y parle des voiles éclatants tendus dans l’immensité des théâtres {vêla... magnis intenta fheatris), et qui de leur ombre colorée teignent, en dessous, non seulement la foule assise dans la cavea (consessum caveaï), mais encore toute la scène [oinnem scenaï speciem). Il est clair qu’il s’agit ici d’une toile allant du fond de la cavea jusqu’au toit de la scène ". A moins que l’on ne suppose (ce qui eût rendu sans doute la manœuvre plus facile) deux stores distincts, partant l’un du fond de la cavea, l’autre de la scène et s’avancant à la rencontre l’un de l’autre. Les trous que l’on relève à Arles, par exemple, sur le premier gradin inférieur, marqueraient la ligne de mâts où se raccordaient ces deux toiles, actionnées en sens inverse. Quoi qu’il en soit, il est naturel d’ad- mettre, malgré le témoignage de Lucrèce, que dans la majorité des théâtres le vélum n’était déployé qu’au- dessus des parties exposées au soleil. A Orange, par exemple, où la cavea s’ouvre assez exactement vers le nord, les spectateurs, abrités d’ailleurs par l’ombre des murailles d’enceinte (hautes d’une trentaine de mètres), ne recevaient le soleil que dans le dos ; tout au plus l’or- chestre, ainsi que les gradins inférieurs, étaient-ils tou- chés par les rayons du soleil levant et couchant. Dans ces conditions, il suffisait d’un vélum très limité, et on pouvait même à la rigueur s’en passer’-. Répétons en effet, à ce propos, ce qui a été déjà dit précédemment, à savoir que, ni dans les théâtres ni dans les amphithéâtres, le vélum n’était d’un emploi constant’^. En ce qui con- cerne les amphithéâtres, on peut même induire de deux inscriptions de Pompéi, qui, donnant le programme des jeux, y ajoutent la mention « vêla erunt », que le public ne s’attendait pas toujours à celte commodité ’*. A la question du vélum s’en rattache étroitement une autre, dont il nous faut dire quelques mots : c’est celle

Ihéùlre de l’ompéi, I.t restauration moderne du mur autorise tous les doulcs. Hemarquons, par contre, que l’absence des consoles autour de la cavea n’atteint en rien le système que nous exposerons uous-uiémc plus bas. ’l'oul ce qu’il exige, en elfel, c’est une double ligne parallèle de piliers de soutien, aux deux extrémités du va-et vient de la toile. — IDIV, 73sq. — " Le posle des machinistes du vélum parait .ivoir été sur la plate-forme qui domine le portique supérieur de la cavea. A Orange, la trace de ce toit en terrasse est encore très nette. A Aspendos, l’esca- lier, fort petit, qui y conduisait, subsiste (Konuigé, 0. l. p. 34 : Ovcrbcck-Mau 0. ;. p. 104 ; Unckoronski, 0. 1. p. 109). — 12 Durm, 0. l. p. 657 : môme orienta- tion au théJtrc de Bosri. — ’3 Durm, O. l. p. O.ïO, va même jusqu’à mettre en doule que les théâtres do la ville de Rome aient jamais connu l’usage du vélum, .Nous ne discuterons pas ce trop évident paradoxe ; entre beaucoup d’autres textes décisifs qu’on pourrait y opposer, nous citerons seulement deux épi^’iammcs de Martial (XIV, t’i ; XI, Jl, C) où il est fait allusion au vdiim du théitre de l’ompéc — n Ovcrbcck-Mau, <l. l. p. 473.