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Nigidius, dans Aulugelle, en examinant cette question fameuse dans les écoles de la philosophie ancienne, si les noms sont naturels et fondés en raison, ou positifs et arbitraires, se déclare pour la première assertion (1) [1].

C’était aussi l’idée des Stoïciens, lesquels, aussi bien qu’Aristote, cherchaient dans la propriété des noms la vérité des choses.

Il est en effet assez probable que, lors de l’existence d’une nation et d’une langue primitive, les noms ont été imposés, non arbitrairement et par un effet du hasard, mais naturellement et avec connaissance de cause, et lorsqu’Adam donna le nom à toutes les créatures sublunaires, on en doit conclure qu’il possédait au plus haut degré la connaissance intime de tous les objets de la nature, de leurs propriétés et de leurs effets (2) [2], connaissance que l’homme ne perdit pas tout-à-fait après sa chute, comme semblent le prouver les noms des premiers patriarches.

On peut donc supposer qu’il a existé un temps où les noms étaient imposés avec assez de raison, pour que chacun d’eux exprimât la nature de chaque chose, et cela avec autant de précision que de justesse.

Mais la confusion des langues et la dispersion des premières familles, multipliées au point de former diverses peuplades, qui bientôt se subdivisèrent elles-mêmes en une infinité de rameaux ; la naissance de nouveaux besoins et de nouveaux rapports, produits nécessaires d’une société plus nombreuse ou plus avancée, toutes ces causes, et une foule d’autres, durent, en donnant lieu à la création de signes nouveaux, altérer la valeur des anciens, en faire perdre de vue les notions primitives, et introduire dans le langage le peu de convenance qui se trouve souvent entre le signe et la chose signifiée. De là vient qu’il y a peu de noms qui manifestent la nature des choses, que la plupart

  1. (1) Φύσει τά ὂνοματα sint ἢ θέσει, lib. X, cap. 4. Le passage de Nigidius ressemble un peu à la scène du Bourgeois Gentilhomme, prenant sa leçon de grammaire.
  2. (2) Les Rabbins ont travesti à leur manière cet endroit de la Genèse : « Sammaël, disent-ils, le prince des anges, et quelques autres de son parti, étonnés que Dieu prît tant de soin de ce premier homme, lui demandèrent de quel usage ce soin pourrait être, et quelle en serait l’utilité ? Dieu répondit que l’excellence d’Adam surpassait celle des anges, fit venir des quadrupèdes et des oiseaux, pourvoir s’ils pourraient les nommer. Sur quoi ils avouèrent leur ignorance. Adam, au contraire, ne fut pas plutôt interrogé sur leurs noms, qu'il répondit : Celui-ci est un bœuf, celui-là un lion, cet autre un aigle, etc.»