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mation d’une sorte de vocabulaire conventionnel. Ce système, déjà remarquable chez les madrigalistes, fut porté à son plus haut degré de force et de beauté chez J.-S. Bach, et il demeure le fondement du style descriptif dans la musique instrumentale. L’idée de dégager, des inflexions naturelles du langage parlé, la mélodie qui s’y trouve en puissance ne semble pas avoir surgi avant le xviie s. Racine prêtait une grande importance aux accents de la D., et la Champmeslé, sous son inspiration, récitait ses vers avec des nuances que les écrivains du temps ont décrites comme véritablement musicales. Lulli, frappé de la beauté de cette D. et de sa puissance émotionnelle, en étudiait les accents qu’il réalisait par la notation dans ses récitatifs et ses airs. Il orientait ainsi le chant dramatique français dans une voie que suivirent Rameau et Gluck et où Grétry, à son tour, engagea la comédie musicale. Lui aussi écoutait les grands acteurs ; mais il observait jusque dans le langage familier les inflexions de la parole parlée sous l’empire d’un sentiment nettement défini, et il les transportait en formes simples et sincères dans ses charmantes ariettes. Voués à la poursuite d’autres effets, les compositeurs de la première moitié du xixe s. montrèrent une indifférence singulière à l’égard de la D. Non seulement Meyerbeer, qui était un étranger, mais les musiciens français les plus applaudis en ont laissé maintes preuves, et, si la critique s’amusait, par exception, à remarquer qu’Auber, dans La Muette (1831), avait disposé le motif : « Amis, la matinée est belle », de façon à faire entendre : « Ami Lama, Tinée est belle », en revanche elle protestait rarement contre les fautes que contenaient, à l’égard de l’e muet et de la rime féminine, de très célèbres ouvrages :


\language "italiano"
melody = \relative do'' {
  \override Staff.TimeSignature.color = #white
  \override Staff.TimeSignature.layer = #-1
  \clef treble
  \key sib \major
  \time 3/8 re8 s re | \time 5/4 mib4 do4( \once \stemDown la) fa4.^\markup { "* " } mib8 | \time 2/4 \appoggiatura mi8 re4 s \bar "||" \break
  \override Staff.KeySignature.break-visibility = ##(#f #f #f)
  \override Score.Clef.break-visibility = ##(#f #f #f)
  s8 sol8 s sol | \time 4/4 lab4. do8 lab4.^\markup { "* " } sol8 | s4 \appoggiatura sol8 fad2 s4 \bar " " \break
}
text = \lyricmode {
  Cal -- me -- ra vo -- tre fu -- reur
  …Flé- chi -- ront vo -- tre ri -- gueur
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \autoBeamOff \melody }
    \new Lyrics \lyricsto mel \text
  >>
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
             }
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    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}

\language "italiano"
melody = \relative do'' {
  \override Staff.TimeSignature.color = #white
  \override Staff.TimeSignature.layer = #-1
  \clef treble
  \key fa \major
  \time 6/4
  s2_\markup { \hspace #-7 \lower #3 \fontsize #-1 \italic "Raoul :" } s la4 s | re2^\markup { \concat { "* " \fontsize #-2 "  3" }} re4 mi2 fa4 | \time 3/4 mi2 s4 |
}
text = \lyricmode {
  …Lors -- que pour moi, le soir
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \autoBeamOff \melody }
    \new Lyrics \lyricsto mel \text
  >>
  \layout {
    \context { \Staff 
               \RemoveEmptyStaves 
             }
    \context { \Score
               \override SpacingSpanner.base-shortest-duration = #(ly:make-moment 1/32)
    }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Meyerbeer, Robert le Diable, acte iv.)

Avec la génération suivante, de telles erreurs redevinrent heureusement rares. On vit Gounod apporter de grands soins dans l’association de la musique aux paroles, y insister dans ses lettres et ses écrits, proposer l’admission de la prose comme susceptible de s’allier, aussi bien que les vers, à la mélodie. Un mouvement semblable se prononçait hors de France. C’est un des caractères de la réforme wagnérienne que d’avoir, avec une insistance inconnue jusque-là dans la musique allemande, posé comme l’un des facteurs essentiels de la vérité dramatique la juste accentuation de la parole par le chant : en écrivant lui-même le texte de ses drames, Wagner réalisait sans effort cette fusion des deux langages. Soit que pareillement ils se fassent leurs propres librettistes, comme d’Indy ou Charpentier, soit qu’ils adoptent le texte littéral d’un prosateur ou d’un poète, ainsi que font Bruneau, Debussy, Dukas, nos maîtres français contemporains serrent étroitement la mélodie des mots. Laloy décrit le style dramatique de d’Indy en disant que « sans cesse sa déclamation devient un chant, sans cesse les notes s’organisent en motifs » qui forment un « discours suivi », et il admire chez Debussy la vérité « saisissante » d’une D. qui ne s’inspire plus, comme au temps de la tragédie lyrique, de l’art des grands acteurs, mais directement des sons de la parole. La même sincérité anime les mélodies à voix seule avec piano, qui forment aujourd’hui un répertoire si riche de musique de chambre française. Le traitement des e muets est un détail significatif dans l’ensemble des procédés de la D. musicale ; de même qu’ils « ne comptent pas » dans la mesure des vers, de même les musiciens ne les font-ils figurer dans le dessin musical qu’en notes brèves, placées sur un temps faible (*), ou sur un intervalle descendant (**), ou encore entre parenthèses (***) (voy. ex. page suiv.).

Depuis les origines du Conservatoire de Paris, une ou deux classes y ont été consacrées à la « D. lyrique » ; leur programme primitif comprenait la récitation des rôles, sans la musique, et l’étude de la prononciation et de l’accentuation. Bien que leur dénomination première subsiste toujours, on les désigne plus habituellement par les titres de classes d’opéra et d’opéra-comique.