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gestes, et clairement le texte des chansons à danser. Entre les petites mélodies que les premiers contrepointistes s’efforçaient à réunir, qui pourrait dire combien servirent à la danse, soit originairement et avec paroles, soit à l’état d’arrangement instrumental ? Les explications que donne l’auteur de l’Orchésographie (1588) relativement aux diverses sortes de danses, sont accompagnées de thèmes notés dont un grand nombre, — comme c’était déjà le cas au xve s., dans le manuscrit des basses-danses de la Bibliothèque de Bourgogne, — ont pour titre les premiers mots d’une chanson. Celle-ci se modèle en mesure de branle, ou de gaillarde, etc., et à leur tour les airs de branles ou de gaillardes, passant, par les transcriptions de luth ou d’épinette, du domaine de la danse à celui de la virtuosité, vont dicter aux compositeurs de musique instrumentale les formes auxquelles ils adapteront longtemps très exactement leurs pensées. Plus tard, les airs de danse isolés s’agenceront par paires, plus tard encore, par suites. On trouvera d’abord une « pavane avec sa gaillarde » ; au xviie s., les oppositions de mouvement nécessaires pour soutenir l’intérêt d’une œuvre de quelque étendue seront puisées tout naturellement dans l’enchaînement des rythmes variés de la danse ; à l’allemande grave on fera succéder la courante légère, et la sarabande précédera la gavotte, elle-même suivie de la gigue. Les titres, la mesure, le partage de la pièce en reprises d’une longueur déterminée par les évolutions des danseurs, tout cela subsistera après même que les pas qui leur correspondent seront tombés en désuétude ; où la M. n’avait été d’abord que la servante ou l’alliée du mouvement, elle régnera seule désormais, et la forme, créée pour d’autres fins, lui appartiendra toute. Ainsi Bach et les maîtres de son temps écriront des allemandes, des sarabandes, des passacailles, quand déjà les contre-danses les auront remplacées, et les derniers menuets à la veille de se transformer en scherzi, apparaîtront dans les œuvres de la jeunesse de Beethoven, tandis que les ländler et la valse animeront les bals de Vienne. Deux courants parallèles continueront de progresser sans se confondre : d’un côté, la M. de danse subordonnée à sa destination et abandonnée à des compositeurs secondaires, sinon toujours à des arrangeurs, connaîtra la nouveauté des rythmes dans la proportion où il sera nécessaire de contenter les goûts changeants du public ; par milliers naîtront et disparaîtront à chaque saison quadrilles, polkas, mazurkas, valses. Quelques heureux mélodistes, les deux Johann Strauss, père et fil, de Vienne, Lanner, leur compatriote, Olivier Métra, de Paris, etc., se feront dans le genre charmant de la valse une réputation méritée. D’autre part, la M. en forme de danse, dégagée de toute sujétion que l’on pourrait dire fonctionnelle, empruntant librement les rythmes réguliers, y puise un élément vital qu’elle adapte à des fins plus hautes ; ce n’est plus seulement aux moules convenus et acceptés par l’usage qu’elle demande un cadre ou un thème ; elle puise dans l’art populaire et par là rend universelle des expressions rythmiques et mélodiques, locales ou nationales. Les coutumes de la danse ont été ainsi l’origine de la Suite (voy. ce mot), qui se conforme à ses débuts, à l’ordre adopté pour les danses au xvie s. ; un morceau en mesure binaire, d’allure modérée, est suivi d’un autre en mesure ternaire un peu plus rapide ; ils accompagnent une danse marchée, puis une danse sautée. Les Scherzi musicali de Monteverde (1607) contiennent des pièces vocales disposées dans les formes de la danse et se succèdent comme une suite ; Riemann a supposé plusieurs modes d’exécution avec participation d’instruments, sans pouvoir appuyer aucune de ses suppositions d’un argument certain, que l’œuvre imprimée ne fournit pas. Aucun des sept morceaux de cette « suite » supposée ne porte de titre de danse. C’est sur leur caractère seulement que Riemann se base pour les intituler (après une Entrata à 4/4 instrumentale) pavane, gaillarde, etc. Dans l’œuvre, le titre général est Balletto et les sept mouvements sont indiqués ensemble sous ce seul titre à la table. L’avertissement prévoit l’exécution de ritournelles par les instruments. Au milieu du même siècle, les danses « aux chansons » étaient à la mode en France, et Lecerf de la Viéville en parle toujours au début du xviiie ; Lulli, d’ailleurs, a répandu dans tous ses opéras des airs à danser dont les formes ne sont pas de son invention, mais où se retrouvent la gavotte, la courante, la sarabande, le menuet, etc. Le violoniste et compositeur de l’Opéra, J. Ferry Rebel, compose ainsi en 1715 une partition intitulée Les Caractères de la danse, où se succèdent, après un prélude, les formes de M. de danse en usage de son