pour exprimer que le R. doit suivre le mouvement du discours, avec la même liberté et des inflexions analogues.
Rythme libre ; R. mesuré. Ces deux expressions s’opposent l’une à l’autre. Mesuré exprime la régularité des casiers rythmiques exprimés par les mesures ; libre indique le mélange des R. et des périodes. Ne pas confondre « mesuré » avec « métrique ». (Voy. Mètre.)
Rythme métrique. Les musiciens français de la fin du xvie s. qui composèrent sur les « vers mesurés » de Baïf et de ses contemporains prétendaient créer des R. musicaux analogues aux R. prosodiques des langues anciennes, transportés dans la poésie française. Or, une distinction capitale n’a pas été aperçue d’eux : les langues anciennes ont leur prosodie basée à la fois sur l’ « accent tonique » et sur la « quantité » grammaticale ou conventionnelle de chaque syllabe, suivant qu’elle est longue, brève ou commune ; au contraire, sauf exception, les langues modernes n’avaient point cette quantité. Chez les anciens, l’accent était indépendant de la longueur ou de la brièveté des syllabes : la prosodie était donc indépendante de la quantité. Dans les langues modernes, on a tendance, au contraire, à confondre l’une et l’autre, et à rendre longues les syllabes toniques. De plus, les humanistes ne se sont pas aperçus qu’en prétendant faire suivre à la musique la quantité rigoureuse des syllabes, ils outrepassaient les prescriptions des rythmiciens antiques : Denys d’Halicarnasse pour la langue grecque, comme saint Augustin pour la latine, donnent de frappants exemples de ce que le musicien antique ne s’asservissait nullement à la rigueur du R. grammatical. Enfin « les savants de la Renaissance n’ont discerné que des pieds dans les vers antiques ; ils n’ont pas su les organiser en mètres ». Ce travail fut « une tentative artificielle de remonter à la source de l’art occidental ». Ce sont des « pastiches postiches » où se rencontrent d’ « aimables compositions » et qui produisirent, « si l’on oublie les intentions et les prétentions des auteurs, des résultats rythmiques intéressants, parce qu’imprévus » (Emmanuel). Au xviie s., on cite dans l’air Heureuse une âme indifférente du prologue de Phaéton, de Lulli (1683), un mélange curieux des mesures binaire et ternaire. Mais, si cette liberté du R., basé d’ailleurs sur une juste déclamation, se trouve encore chez Rameau, la tyrannie de la mesure et celle de la carrure s’implantent et persistent longtemps.
Les compositeurs ont, de tout temps, cherché dans les déformations rythmiques le moyen de varier leurs thèmes. (Voy. Suite, Variation.) Au xixe s., ce procédé a été poussé à un degré très haut. Sans citer les modifications, que tout musicien connaît, des leitmotive de Wagner, voici deux exemples caractéristiques empruntés à l’école française.
Transformation du thème conducteur dans la Symphonie fantastique de Berlioz :
Il y a une déformation analogue dans Le Rouet d’Omphale de Saint-Saëns, où le motif d’Hercule gémissant dans les liens qu’il ne peut briser, exprimé par les altos, violoncelles, contrebasses, bassons et trombones en rythme égal binaire,
devient un six-huit moqueur (clarinette
et hautbois), pour exprimer
les railleries d’Omphale parée de la
peau du lion :
Les compositeurs contemporains, en cherchant à s’affranchir de la tyrannie de la « mesure », soit volontairement, soit d’instinct, reproduisent les diverses formes rythmiques en usage aux différentes époques de l’histoire de l’art, ou en trouvent de nouvelles, dont la raison d’être et la justification ne se peuvent trouver qu’en rapport avec la définition générale donnée en tête de cet article.