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CLXVI
PRÉCIS HISTORIQUE,

quoique brave ; car dans le doute où s’égarait son esprit, sur la prééminence des deux religions, il avait négligé, comme le lui reprochait Jeanne d’Albret son épouse, celle qui était la plus utile à sa fortune, puisqu’il ne fut jamais qu’après le duc de Guise, dans le parti catholique, tandis qu’il eût tenu le premier rang parmi les protestans.

Des événemens généraux, passons à ceux qui sont particuliers à notre pays.

Les progrès de la réformation amenèrent de Tours au Mans, en 1559, un ministre protestant nommé Henri Salvert, auquel succéda bientôt un homme plus célèbre, ami de Théodore de Rèze, l’éloquent prédicateur Jean-Raymond Merlin. Au milieu de ses sectateurs armés de piques, de bâtons, d’épées, Merlin prêchait sous les halles du Mans, trois fois la semaine, y célébrait la Cène, administrait le baptême, et y entonnait les psaumes traduits par Marot. C’est-là qu’il admonestait les grands et les magistrats ses disciples, quand ils ne se rendaient pas assidûment aux prêches ; qu’il faisait faire à chacun l’aveu de ses fautes et des infractions à la nouvelle discipline ; c’est-là encore qu’il fut ordonné à deux orfèvres, sur leur aveu public d’avoir confectionné, l’un une croix, l’autre un calice, de les remettre en masse, ainsi que toute autre œuvre commencée qui pourrait servir à idolâtrie.

Les conquêtes spirituelles de Merlin ne furent pas moindres au Mans qu’à la Rochelle, dont il était ministre, et qu’il n’avait quittée que pour répandre et faire prospérer la nouvelle doctrine dans le Maine. Ses prédications lui attirèrent promptement de nombreux sectaires : de ce nombre furent les officiers du présidial, des domaines, de l’élection ; le chef de la maréchaussée avec ses archers ; des avocats, et plus de deux cents bourgeois qui tous firent profession publique de la nouvelle religion. Merlin n’était pourtant, suivant le bénédictin Bondonnet, « qu’un apostat, vivant publiquement avec une religieuse qu’il avait débauchée ; mais, dit un autre prêtre,