Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/119

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à suivre les mêmes principes dans les bornes étroites de notre sphère. Mais si, dans notre conduite, nous ne perdons jamais de vue les intérêts généraux de notre espèce ; si le bien public est notre boussole, il est impossible que nous errions jamais dans les jugements que nous porterons de la droiture et de l’injustice.

Ainsi, quant au second effet, la religion produira beaucoup de mal ou beaucoup de bien, selon qu’elle sera bonne ou mauvaise. Il n’en est pas de même de l’athéisme : il peut, à la vérité, occasionner la confusion des idées d’injustice et d’équité ; mais ce n’est pas en qualité pure et simple d’athéisme ; c’est un mal réservé aux cultes dépravés, et à toutes ces opinions fantasques concernant la Divinité ; monstrueuse famille, qui tire son origine de la superstition, et que la créduliié perpétue.


SECTION III
troisième effet.
Révolter les affections contre le sentiment naturel de droiture et d’injustice.


Il est évident que les principes d’intégrité seront des règles de conduite pour la créature qui les possède, s’ils ne trouvent aucune opposition de la part de quelque penchant entièrement tourné à son intérêt particulier, ou de ces passions brusques et violentes, qui, subjuguant tout sentiment d’équité, éclipsent même en elle les idées de son bien privé, et la jettent hors de ces voies familières qui la conduisent au bonheur.

Notre dessein n’est pas d’examiner ici par quel moyen ce désordre s’introduit et s’accroît, mais de considérer seulement quelles influences favorables ou contraires il reçoit des sentiments divers concernant la Divinité.

Qu’il soit possible qu’une créature ait été frappée de la laideur et de la beauté des objets intellectuels et moraux, et conséquemment que la distinction de la droiture et de l’injustice lui soit familière longtemps avant que d’avoir eu des notions claires et distinctes de la Divinité, c’est une chose presque indubitable[1]. En effet, conçoit-on qu’un être tel que l’homme,

  1. Qu’une société d’hommes n’ait eu ni dieux, ni autels, ni même de nom dans sa langue pour désigner un Être suprême ; qu’un peuple entier ait croupi dans