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LIVRE SECOND.


PARTIE PREMIÈRE.


SECTION I.


Nous avons déterminé ce que c’est que la vertu morale, et quelle est la créature qu’on peut appeler moralement vertueuse. Il nous reste à chercher quels motifs et quel intérêt nous avons à mériter ce titre.

Nous avons découvert que celui-là seul mérite le nom de vertueux, dont toutes les affections, tous les penchants, en un mot toutes les dispositions d’esprit et de cœur, sont conformes au bien général de son espèce, c’est-à-dire du système de créatures dans lequel la nature l’a placé, et dont il fait partie.

Que cette économie des affections, ce juste tempérament entre les passions, cette conformité des penchants au bien général et particulier, constituaient la droiture, l’intégrité, la justice et la bonté naturelle.

Et que la corruption, le vice et la dépravation naissaient du désordre des affections, et consistaient dans un état précisément contraire au précédent.

Nous avons démontré que les affections d’une créature quelconque avaient un rapport constant et déterminé avec l’intérêt général de son espèce. C’est une vérité que nous avons fait toucher au doigt, quant aux inclinations sociales, telles que la tendresse paternelle, le penchant à la propagation, l’éducation des enfants, l’amour de la compagnie, la reconnaissance, la compassion, la conspiration mutuelle dans les dangers, et leurs semblables. De sorte qu’il faut convenir qu’il est aussi naturel à la créature de travailler au bien général de son espèce, qu’à une plante de porter son fruit, et à un organe ou à quelque autre