Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/76

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mis des philosophes. Il sortit même à ce propos de ses habitudes de critique modéré pour s’exprimer ainsi dans son Examen de plusieurs assertions hasardées par J.-F.  de La Harpe dans sa Philosophie du XVIIIe siècle.

« Dans le long article consacré à calomnier Diderot et à le peindre des couleurs les plus odieuses et les plus fausses, M. de La Harpe lui attribue trois ouvrages dont il n’est pas l’auteur.

« Au moment où il a composé cet article, dicté par une haine aveugle et par un coupable abus de la confiance de ses lecteurs, il n’existait que des éditions clandestines et imparfaites des Œuvres de Diderot. M. Naigeon a publié en 1798 la seule édition authentique que nous ayions des ouvrages de ce philosophe célèbre…

« Ayant revu son article Diderot en 1799, comme le prouve une note de la page 171 du tome XVI du Cours de littérature, M. de La Harpe devait donc comparer les informes compilations dont il s’était servi, à cette édition authentique…

« On va voir combien la haine et l’envie qui ont si souvent dicté les jugements de M. de La Harpe, ont corrompu, égaré sa raison et dans quelles graves erreurs l’a entraîné la fureur de calomnier un philosophe, qui, à la vérité, estimait peu le talent de M. de La Harpe, mais qui avait eu la bonne foi de louer publiquement le seul de ses nombreux ouvrages dont il fît quelque cas (l’Éloge de Fénélon). »

Les trois ouvrages sur lesquels s’appuie La Harpe pour « calomnier » Diderot sont justement dans cette Collection complète de 1773 ; ce sont les Principes de philosophie morale d’Étienne Beaumont, le Code de la nature de Morelly et la Lettre au P. Berthier sur le matérialisme de l’abbé Coyer. La Harpe est oublié, on ne lit plus son Cours de littérature, mais il nous fallait encore protester contre ses jugements, dont l’influence s’est perpétuée par les Dictionnaires à l’usage de la jeunesse et des gens du monde, dictionnaires qui, à notre époque, sont la principale source de la science de la majorité des lecteurs, des journalistes et même des hommes de lettres.

Le livre de Shaftesbury était intitulé : An inquiry concerning virtue and merit. Il avait paru une première fois en 1699 pendant un voyage de l’auteur en Hollande, où il fréquenta Bayle assidûment, par suite d’une indiscrétion de Toland, un autre philosophe anglais dont d’Holbach n’a pas dédaigné de populariser quelques-unes des productions en France. Il reparut complété en 1713. C’est une œuvre qui appartient entièrement à l’école dite de la philosophie écossaise. En la traduisant Diderot s’est affirmé déiste ou théiste, si l’on veut, la différence est mince. Il n’en faut pas conclure, comme M. de La Harpe, qu’il était alors de mauvaise foi, parce que plus tard il s’est déclaré athée ; on peut seulement supposer que, débutant dans la littérature philoso-