Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/96

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L’existence de la mouche est nécessaire à la subsistance de l’araignée : aussi le vol étourdi, la structure délicate, et les membres déliés de l’un de ces insectes ne le destinent pas moins évidemment à être la proie, que la force, la vigilance et l’adresse de l’autre à être le prédateur. Les toiles de l’araignée sont faites pour des ailes de mouche.

Enfin le rapport mutuel des membres du corps humain ; dans un arbre, celui des feuilles aux branches et des branches au tronc, n’est pas mieux caractérisé que l’est, dans la conformation et le génie de ces animaux, leur destination réciproque.

Les mouches servent encore à la subsistance des poissons et des oiseaux ; les poissons et les oiseaux, à la subsistance d’une autre espèce. C’est ainsi qu’une multitude de systèmes différents se réunissent et se fondent, pour ainsi dire, les uns dans les autres, pour ne former qu’un seul ordre de choses.

Tous les animaux composent un système, et ce système est soumis à des lois mécaniques, selon lesquelles tout ce qui y entre est calculé.

Or, si le système des animaux se réunit au système des végétaux, et celui-ci au système des autres êtres qui couvrent la surface de notre globe, pour constituer ensemble le système terrestre ; si la terre elle-même a des relations connues avec le soleil et les planètes, il faudra dire que tous ces systèmes ne sont que des parties d’un système plus étendu. Enfin, si la nature entière n’est qu’un seul et vaste système que tous les autres êtres composent, il n’y aura aucun de ces êtres qui ne soit mauvais ou bon par rapport à ce grand tout, dont il est une partie[1] ; car, si cet être est superflu ou déplacé, c’est une imper-

  1. Dans l’univers tout est uni. Cette vérité fut un des premiers pas de la philosophie, et ce fut un pas de géant. Ac mihi quidem veteres illi majus quiddam animo complexi, multo plus etiam vidisse videntur, quam quantum nostrorum acies intueri potest ; qui omnia hæc quæ supra et subter, unum esse et una vi, atque una consensione naturæ constricta esse dixerunt. Nullum est enim genus rerum quod aul avulsum a cæteris per seipsum constare, aut quo cætera si careant, vim suam atque æternitatem conservare possint. Cic. Lib III, de Orat. Toutes les découvertes des philosophes modernes se réunissent pour constater la même proposition. Tous les auteurs de systèmes, sans en excepter Épicure, la supposaient, lorsqu’ils ont considéré le monde comme une machine, dont ils avaient à expliquer la formation, et à développer les ressorts secrets. Plus on voit loin dans la nature, et plus on y voit d’union. Il ne nous manque qu’une intelligence, et des expériences pro-