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SUPPLÉMENT


AU


VOYAGE DE BOUGAINVILLE





I.


JUGEMENT DU VOYAGE DE BOUGAINVILLE.


A. Cette superbe voûte étoilée, sous laquelle nous revînmes hier, et qui semblait nous garantir un beau jour, ne nous a pas tenu parole.

B. Qu’en savez-vous ?

A. Le brouillard est si épais qu’il nous dérobe la vue des arbres voisins.

B. Il est vrai ; mais si ce brouillard, qui ne reste dans la partie inférieure de l’atmosphère que parce qu’elle est suffisamment chargée d’humidité, retombe sur la terre ?

A. Mais si au contraire il traverse l’éponge, s’élève et gagne la région supérieure où l’air est moins dense, et peut, comme disent les chimistes, n’être pas saturé ?

B. Il faut attendre.

A. En attendant, que faites-vous ?

B. Je lis.

A. Toujours ce voyage de Bougainville ?

B. Toujours.

A. Je n’entends rien à cet homme-là. L’étude des mathématiques, qui suppose une vie sédentaire, a rempli le temps de ses jeunes années ; et voilà qu’il passe subitement d’une condition méditative et retirée au métier actif, pénible, errant et dissipé de voyageur.

B. Nullement. Si le vaisseau n’est qu’une maison flottante, et si vous considérez le navigateur qui traverse des espaces im-