Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/239

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OROU.

Assurément. Voilà ma fille aînée qui a trois enfants ; ils marchent ; ils sont sains ; ils sont beaux ; ils promettent d’être forts : lorsqu’il lui prendra fantaisie de se marier, elle les emmènera ; ils sont les siens : son mari les recevra avec joie, et sa femme ne lui en serait que plus agréable, si elle était enceinte d’un quatrième.

L’AUMÔNIER.

De lui ?

OROU.

De lui, ou d’un autre. Plus nos filles ont d’enfants, plus elles sont recherchées ; plus nos garçons sont vigoureux et forts, plus ils sont riches : aussi, autant nous sommes attentifs à préserver les unes des approches de l’homme, les autres du commerce de la femme, avant l’âge de fécondité ; autant nous les exhortons à produire, lorsque les garçons sont pubères et les filles nubiles. Tu ne saurais croire l’importance du service que tu auras rendu à ma fille Thia, si tu lui as fait un enfant. Sa mère ne lui dira plus à chaque lune : Mais, Thia, à quoi penses-tu donc ? Tu ne deviens point grosse ; tu as dix-neuf ans ; tu devrais avoir déjà deux enfants, et tu n’en as point. Quel est celui qui se chargera de toi ? Si tu perds ainsi tes jeunes ans, que feras-tu dans ta vieillesse ? Thia, il faut que tu aies quelque défaut qui éloigne de toi les hommes. Corrige-toi, mon enfant : à ton âge, j’avais été trois fois mère.

L’AUMÔNIER.

Quelles précautions prenez-vous pour garder vos filles et vos garçons adolescents ?

OROU.

C’est l’objet principal de l’éducation domestique et le point le plus important des mœurs publiques. Nos garçons, jusqu’à l’âge de vingt-deux ans, deux ou trois ans au delà de la puberté, restent couverts d’une longue tunique, et les reins ceints d’une petite chaîne. Avant que d’être nubiles, nos filles n’oseraient sortir sans un voile blanc. Ôter sa chaîne, lever son voile, sont des fautes qui se commettent rarement, parce que nous leur en apprenons de bonne heure les fâcheuses conséquences. Mais au moment où le mâle a pris toute sa force, où les symptômes virils ont de la continuité, et où l’effusion fréquente et la qualité