Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/301

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Page 64[1]. — Pourquoi, malgré le choix des sujets et le meilleur emploi de leurs talents, la société de Jésus a-t-elle produit si peu de grands hommes ? Helvétius en donne plusieurs bonnes raisons ; mais la principale, qu’il a omise, c’est qu’ils étaient rapetissés, épuisés, abrutis par douze années de préceptorat : ils employaient à ramper avec des enfants, le temps propre à étendre les ailes du génie.

Page ibid.[2] — On fait de bons Savoyards tant qu’on veut ; pour de grands généraux, de grands ministres, de grands magistrats, c’est autre chose. Quelque stupide qu’on soit, on sait bientôt ramoner une cheminée ; on n’apprend pas tout aussi facilement à purger une société de son luxe, de ses préjugés, de ses vices et de ses mauvaises lois. Helvétius fait flèche de tout bois.

Page 65[3]. — Je ne sais si le génie se décèle dès l’enfance ; pour le caractère, il n’est pas permis d’en douter. Cependant Helvétius attribue indistinctement la création de l’un et de l’autre à l’éducation et au hasard, à l’exclusion de la nature et de l’organisation.

Je pense qu’un enfant entraîné vers une science ou vers un an par un penchant irrésistible qui se décèle dès son enfance, ne sera peut-être que médiocre ; mais je ne doute point qu’appliqué à toute autre chose, il ne fût mauvais.

Page 66[4]. — Que d’hommes de génie l’on doit à des accidents !

Les hommes de génie[5] sont, ce me semble, bientôt comptés, et les accidents stériles sont innombrables. C’est que les accidents ne produisent rien, pas plus que la pioche du manœuvre qui fouille les mines de Golconde ne produit le diamant qu’elle en fait sortir.

Qui que tu sois, homme de génie ou stupide, homme de bien ou méchant, renfonce-toi le plus avant que tu pourras dans l’histoire de ta vie, et tu retrouveras toujours à l’origine des événements qui t’ont mené soit au bonheur, soit au malheur,

  1. Note du chapitre vii.
  2. Note du chapitre vii.
  3. Note du chapitre viii.
  4. Note du chapitre viii.
  5. Paragraphe cité par Naigeon.