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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/339

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peuvent-ils, en conséquence, apercevoir des rapports différents entre ces mêmes objets ?

Je n’entends pas apparemment le sens de cette question, car celui qu’elle présente naturellement ne permet pas la réponse négative de l’auteur.

Qu’est-ce que l’esprit, la finesse, la pénétration, sinon la facilité d’apercevoir dans un être, entre plusieurs êtres que la multitude a regardés cent fois, des qualités, des rapports qu’aucuns n’ont aperçus ? Qu’est-ce qu’une comparaison juste, nouvelle et piquante, qu’est-ce qu’une métaphore hardie, qu’est-ce qu’une expression originale, si ce n’est celle de quelques rapports singuliers entre des êtres connus qu’on nous rapproche et fait toucher par quelque côté ?

Tous n’aperçoivent point toutes les propriétés des êtres. Aucuns ne les sentent et ne les aperçoivent rigoureusement de la même manière. Très-peu saisissent tous les points par lesquels on peut établir entre eux des points de contact. Beaucoup moins encore sont capables de rendre d’une manière forte, précise, intéressante et les qualités d’un être qu’ils ont étudié et les rapports qu’ils ont aperçus entre différents êtres.

Page 149. — Un coup fait de la douleur à deux êtres dans le rapport de 2 à 1 ; un coup double produira une douleur double dans l’un et l’autre ou dans le rapport de 4 à 2 ou de 2 à 1[1].

Combien d’inexactitudes et d’affirmations hasardées dans tout cela !

Qu’est-ce qui vous a dit que le plaisir et la douleur soient dans le rapport constant des impressions ?

Un mouvement de joie s’excite dans deux êtres par un récit ; la suite du récit double l’impression dans l’un et l’autre, et voilà Jean qui rit de plus belle et Pierre qui se trouve mal. Le plaisir s’est transformé en douleur, la quantité qui était positive est devenue négative.

Le coup simple les fait crier tous deux ; le coup double rend le cri de l’un plus aigu et tue l’autre.

Non, monsieur, non, les objets ne nous frappent point dans une proportion constante et uniforme, et c’est là ce qui constitue la différence des êtres robustes et délicats : l’un s’évanouit et perd la tête, lorsqu’un autre est à peine ému.

  1. Cette citation n’est pas textuelle ; mais l’idée est exactement rendue.