Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/400

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et le brigand. L’esprit de conquête serait encore en honneur aujourd’hui, si le philosophe, ou l’ami de l’humanité, ne l’avait avili.


CHAPITRE XI.


Page 44. — Dans un état despotique quel respect aurait-on pour un homme honnête ?

Le même que l’on a pour une femme vertueuse dans un pays perdu de galanterie.

Telle est l’autorité imposante de la vertu dans toutes les contrées de la terre, sous toutes les sortes de gouvernements, que plus elle est rare, plus on a de vénération pour elle. Elle meurt de froid et de faim, mais on la loue.

Quelles terribles vérités des hommes vertueux, dont la mémoire ne périra jamais dans la patrie du despotisme, n’ont-ils pas eu le courage de faire entendre au despote, presque toujours au péril de leur vie, souvent impunément ? Souvent il est arrivé que la voix de l’homme de bien a étonné et suspendu la férocité de ces tigres.

Page 47 . — Une des plus fortes preuves que les hommes n’aiment point la justice pour la justice même, est la bassesse avec laquelle les rois eux-mêmes honorèrent l’injustice dans la personne de Cromwel.

Vous vous trompez. Les rois qui honorèrent l’injustice dans sa personne, en rougirent les premiers ; tous les hommes honnêtes en baissèrent la vue ; tous ceux qui purent s’en expliquer librement en parlèrent comme vous.

Ce qui précède sur le gouvernement républicain, me semble de toute vérité ; mais le gouvernement démocratique supposant le concert des volontés, et le concert des volontés supposant les hommes rassemblés dans un espace assez étroit, je crois qu’il ne peut y avoir que de petites républiques, et que la sûreté de la seule espèce de société qui puisse être heureuse sera toujours précaire.


CHAPITRE XII.


Page 49. — Quelque chose qu’on dise, on ne méprise point réellement celui qu’on n’ose mépriser en face.