Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ticulier ? Est-il juste de reprocher à un siècle policé une loi établie dans un temps barbare ?

C’est une façon de raisonner aussi singulière que celle d’un historien qui prétendrait prouver par l’exemple de Brutus que, dans les premiers temps de Rome, les pères ou n’aimaient pas leurs enfants, ou les aimaient moins que la patrie. Il n’y avait peut-être parmi tous les citoyens que cet homme capable de son action héroïque ou féroce ; l’étonnement général qu’elle causa le prouve assez.

Ce serait très-mal juger de l’esprit général d’un peuple que de conclure sa force ou sa faiblesse, la pureté ou la corruption de ses mœurs, sa richesse ou sa pauvreté, des actions de quelques particuliers, et de dire : « Apicius se laissa mourir de faim, parce qu’il ne lui était plus possible de vivre avec huit ou neuf cent mille livres qui lui restaient ; donc un Romain, alors, était dans la misère avec ce capital. »

Ibid. — Est-il un instant où la liberté de l’homme puisse être rapportée aux différentes opérations de son âme ?

Cette phrase est louche.

Page 174. — Il n’est presque pas un saint qui n’ait une fois dans sa vie lavé ses mains dans le sang humain.

J’ai un souverain mépris pour les saints, mais je ne puis me résoudre à les calomnier ; à moins que par les austérités qu’ils ont exercées sur eux-mêmes et auxquelles ils en ont encouragé d’autres par leur exemple et leur conseil, on ne se croie autorisé à les regarder comme des suicides ou des assassins, et c’est peut-être là la pensée de l’auteur.

Page 177. — Pourquoi si peu d’hommes honnêtes ? C’est que l’infortune poursuit presque partout la probité.

Il n’y a point de peuple si généralement corrompu qu’on n’y puisse trouver quelques hommes vertueux ; parmi ces hommes vertueux il n’y en a peut-être pas un seul qui ne fût parvenu aux honneurs et à la richesse par le sacrifice de sa vertu. Je voudrais bien savoir par quelle bizarrerie ils s’y sont refusés, quel motif ils ont eu de préférer une probité indigente et obscure au vice opulent et décoré.

Ibid. — Il est vrai, la religion fait restituer un écu, mais elle fait poignarder Henri IV.

Page 178. — Je ne puis me dispenser de rappeler ici le