Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/436

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discours que j’ai entendu tenir à un docteur de Sorbonne, c’était l’abbé L’Avocat, bibliothécaire de la maison. Dans ce temps le garde des sceaux Machault avait projeté l’extinction des immunités ecclésiastiques. « Voilà, disait le docteur, une querelle qui serait bientôt finie, si j’étais à la place de l’archevêque.

— Que feriez-vous ?

— Ce que je ferais ? j’irais trouver Mme de Pompadour et je lui dirais : Madame, vous vivez dans un commerce scandaleux avec le roi ; je vous avertis que si dans la huitaine vous n’êtes pas rentrée dans la maison de votre époux, je vous excommunierai. »

Page 181. — Si le bourreau peut tout sur les armées, dit un grand prince, il peut tout sur les villes.

Un grand prince, dites-vous, Helvétius ! dites un grand scélérat, un César Borgia. Malheur à la nation gouvernée par un souverain, je ne dis pas qui se conduit par de pareils principes, mais dont l’âme cruelle est capable de les concevoir[1].

Page 182. — Le despotisme du chef des jésuites ne peut être nuisible.

À son ordre, j’en conviens ; mais à la société ? vous ne le pensez pas.

Et si le souverain s’avisait de gouverner son empire d’après les principes de la politique jésuitique, comment croyez-vous que les autres souverains s’en trouveraient ?

Une nation où tous les sujets seraient dans la main du souverain comme le bâton dans la main du vieillard, où le souverain commanderait à tous ses sujets comme le Vieux de la Montagne commandait à ses fanatiques, exterminerait incessamment toutes les autres nations ou en serait incessamment exterminée.

Que de meurtres, que d’assassinats je vois commis ! quelles rivières de sang je vois couler de tous côtés ! L’idée seule m’en fait frémir. Un pareil monarque serait-il menacé par un de ses voisins d’une guerre juste ou injuste ? il n’aurait qu’à dire : « Qu’on aille le tuer… » et à l’instant il y aurait des milliers de bras à ses ordres.

  1. L’attribution de cette maxime à un grand prince (Frédéric II) a été supprimée dans les éditions subséquentes de l’Homme, et la phrase a passé simplement dans le texte.