Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/55

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derrière au marcher. C’est donc un quadrupède. « Il est vrai, continue le méthodiste, qu’en conséquence de mes principes d’histoire naturelle, je n’ai jamais su distinguer l’homme du singe ; car il y a certains singes qui ont moins de poils que certains hommes : ces singes marchent sur deux pieds, et ils se servent de leurs pieds et de leurs mains comme les hommes. D’ailleurs la parole n’est point pour moi un caractère distinctif ; je n’admets, selon ma méthode, que des caractères qui dépendent du nombre, de la figure, de la proportion et de la situation. » Donc votre méthode est mauvaise, dit la logique. « Donc l’homme est un animal à quatre pieds, » dit le naturaliste.


L.


Pour ébranler une hypothèse, il ne faut quelquefois que la pousser aussi loin qu’elle peut aller. Nous allons faire l’essai de ce moyen sur celle du docteur d’Erlangen, dont l’ouvrage, rempli d’idées singulières et neuves, donnera bien de la torture à nos philosophes. Son objet est le plus grand que l’intelligence humaine puisse se proposer ; c’est le système universel de la nature. L’auteur commence par exposer rapidement les sentiments de ceux qui l’ont précédé, et l’insuffisance de leurs principes pour le développement général des phénomènes. Les uns n’ont demandé que l’étendue et le mouvement. D’autres ont cru devoir ajouter à l’étendue, l’impénétrabilité, la mobilité et l’inertie. L’observation des corps célestes, ou plus généralement la physique des grands corps, a démontré la nécessité d’une force par laquelle toutes les parties tendissent ou pesassent les unes vers les autres, selon une certaine loi ; et l’on a admis l’attraction en raison simple de la masse, et en raison réciproque du carré de la distance. Les opérations les plus simples de la chimie, ou la physique élémentaire des petits corps, a fait recourir à des attractions qui suivent d’autres lois ; et l’impossibilité d’expliquer la formation d’une plante ou d’un animal, avec les attractions, l’inertie, la mobilité, l’impénétrabilité, le mouvement, la matière ou l’étendue, a conduit le philosophe Baumann à supposer encore d’autres propriétés dans la nature. Mécontent des natures plastiques, à qui l’on fait exécuter toutes