Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/432

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des dispositions si heureuses, qu’il n’y ait rien de mieux que de venir à son secours, et de lui donner les moyens de développer les dons de la nature. Plus d’un grand homme a été redevable de sa première éducation à ces sortes de fondations. En France, cela s’appelle des bourses.

Il en est d’autres encore qu’on appelle stipendia ; car, en tout, on a cherché à décorer l’éducation publique et littéraire de termes militaires : ce sont des pensions plus ou moins fortes qu’on paye aux étudiants pendant les années de l’université, afin de les aider à subvenir aux frais de leur séjour et de leurs études.

J’oubliais encore de dire que dans ces écoles on étudie aussi les éléments de l’histoire, de la géographie ; on prend une teinture du blason, des généalogies des maisons souveraines, enfin de tout ce qui est nécessaire à un homme qui veut servir sa patrie avec quelque distinction[1].


VII.

Lorsqu’on a parcouru toutes les classes d’un gymnasium, on en prend congé et l’on part pour l’université. Quatre facultés constituent l’essence d’une université, qui ne s’appelle ainsi que parce que toutes les études y sont rassemblées. Ces facultés sont celles de théologie, de jurisprudence, de médecine et de philosophie, qui comprend aussi les belles-lettres. L’étudiant qui arrive choisit d’abord une des trois premières facultés suivant l’état auquel il se destine, mais ses premières études regardent pourtant principalement la philosophie. Il apprend donc la logique, la métaphysique. On perd trop de temps avec ces fadaises, et c’est souvent avoir appris à déraisonner métho-

  1. Je me garderai bien de dire à Sa Majesté Impériale s’il faut introduire en Russie l’étude du grec et du latin, ou destiner les écoles illustres, les gymnasia, à d’autres études : elle saura cela mieux que feu M. Wagner, et même mieux que cette Mlle Cardel, qui fut en son temps le chandelier portant la lumière de son siècle, sans les avoir. Mais ce qu’il faut observer ici, c’est que l’étude des langues est devenue et devient tous les jours d’une telle étendue, qu’il ne sera plus possible à l’esprit humain d’y suffire. La connaissance des mots nuira à la connaissance des choses, l’étude des langues anciennes sera abandonnée pour celle des langues modernes. Le français, l’italien, l’anglais, l’allemand sont aujourd’hui quatre langues presque essentielles à l’homme qui a joui d’une éducation libérale. À mesure que les peuples se civiliseront, le nombre des langues essentielles augmentera ; car ce qu’il y a de moins douteux, c’est que les arts, les sciences et les lettres voyagent, et qu’il est impossible de les fixer. Cependant il faut posséder la langue d’un peuple pour ses