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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/433

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diquement. Au lieu de donner six mois et plus à l’étude de la logique et de La métaphysique, et au bel art de l’argumentation, je crois qu’on ferait beaucoup mieux de s’appliquer tout de suite aux mathématiques, dont c’est le propre de rendre le raisonnement plus exact et l’esprit plus juste. Dans la faculté de philosophie on enseigne encore la morale, les humanités ou belles-lettres, l’éloquence, les antiquités, tout ce qui dépend de la belle littérature. Pour chacune de ces parties il y a des chaires et un professeur particulier, et c’est la réunion de ces chaires qui s’appelle faculté, comme la réunion des facultés s’appelle université. Les professeurs des universités ont une manière d’enseigner différente de celle des préfets des écoles ou collèges. Dans les écoles, l’écolier travaille sous l’inspection immédiate du préfet, qui donne à chacun sa tâche, qui examine, reprend, corrige l’un après l’autre. Dans les universités, chaque étudiant choisit l’objet et le nombre des cours qu’il veut suivre, et que les professeurs ont soin d’annoncer publiquement avec l’heure et le lieu. À l’heure indiquée le professeur monte en chaire, débite sa science, que les auditeurs recueillent, chacun comme il peut, les uns en écoutant, les autres en se faisant des notes pour aider leur mémoire. Ordinairement chaque professeur a un livre élémentaire imprimé qui sert de fondement à ses leçons, qu’il explique à ses auditeurs, et aux principes duquel il ramène toutes les digressions dont il se sert pour rendre les éléments de chaque science plus frappants et plus sensibles. On conçoit qu’un certain nombre de livres élémentaires, faits avec clarté et avec précision, est une des choses les plus désirables pour l’avancement des sciences et des lettres.

    anciennes richesses, tandis qu’il faut apprendre celle d’un autre pour ses richesses actuelles. Insensiblement la masse des connaissances devient trop forte pour l’étendue de l’esprit humain ; la confusion et la barbarie ont leur tour. Voilà la véritable clef de la fable allégorique de la tour de Babel. À cette époque, le monde était si ancien, que les fils des hommes avaient poussé leurs connaissances au plus haut degré. Ils étaient près d’atteindre le ciel, et d’en savoir aussi long que leur papa Dieu. Il ne restait à celui-ci, pour arrêter les progrès de cette tour, qui s’élevait à vue d’œil, et qui allait percer jusque dans son boudoir, que la ressource de la confusion des langues. C’est-à-dire que le grand nombre des nations savantes et policées obligea les hommes éclairés de chaque nation d’étudier une multitude si prodigieuse de langues nécessaires à la circulation des connaissances acquises, que leur tête en péta. Ils devinrent brouillons et imbéciles, ce fut à recommencer, et Dieu fut préservé une seconde fois du danger de voir ses secrets ébruités. (Diderot).