Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/441

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commencé par m’instruire de ce que les hommes les plus éclairés de ma nation ont, autrefois ou récemment, publié sur cette matière. Tous ont assez bien connu les vices de notre éducation publique, aucun d’eux qui nous ait indiqué les vrais moyens de la rectifier ; nulle distinction entre ce qu’il importe à tous de savoir et ce qu’il n’importe d’enseigner qu’à quelques-uns ; nul égard ni à l’utilité plus ou moins générale des connaissances, ni à l’ordre des études qui devrait en être le corollaire. Partout la liaison essentielle des sciences ou ignorée ou négligée. Pas le moindre soupçon que quelques-unes, nécessaires dans toutes les conditions de la société, et ne tenant à d’autres que par un fil trop long et trop délié, semblent exiger et exigent un cours séparé qui marche parallèlement au premier. Rollin, le célèbre Rollin, n’a d’autre but que de faire des prêtres ou des moines, des poètes ou des orateurs ; c’est bien là ce dont il s’agit !…

— Et de quoi s’agit-il donc ?

— Aigle de l’université de Paris, je vais vous le dire : il s’agit de donner au souverain des sujets zélés et fidèles, à l’empire des citoyens utiles ; à la société des particuliers instruits, honnêtes et même aimables ; à la famille de bons époux et de bons pères ; à la république des lettres quelques hommes de grand goût, et à la religion des ministres édifiants, éclairés et paisibles. Ce n’est point un petit objet.

L’enseignement ou l’ordre des devoirs et des études n’est point arbitraire, et la durée n’en est pas l’affaire d’un jour. Ce n’est pas une tâche facile ni pour les maîtres ni pour les élèves. On peut l’alléger sans doute, mais en faire un amusement, je n’en crois rien. Il faudrait se moquer de la simplicité de ces bonnes gens qui ont prétendu former d’honnêtes et habiles citoyens, des hommes utiles, de grands hommes, en se promenant, en causant, en plaisantant ; accoutumer la jeunesse à la pratique éclairée des vertus et l’initier aux sciences par manière de passe-temps ; oui, certes, il faudrait s’en moquer si l’on ne respectait la bonté de leur âme et leur tendre compassion pour les années innocentes de notre vie.

Ne tourmentons pas l’homme inutilement, mais ne cherchons pas à arracher toutes les épines du chemin qui conduit à la science, à la vertu et à la gloire ; nous n’y réussirions pas.