Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/442

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Le temple de la Gloire est situé au sommet d’un roc escarpé, à côté de celui de la Science. Le chemin qui aboutit à la vertu et au bonheur est étroit et pénible. Le travail l’abrège et l’adoucit par la bonne méthode ; cherchons-la. Ne nous dissimulons point à nous-mêmes, ni aux élèves, que leurs progrès ne peuvent être que le fruit de l’opiniâtreté. Que les maîtres se consolent par l’importance du service qu’ils rendent à la patrie, et que les élèves soient encouragés par l’espoir de la récompense qui les attend : la considération publique.

On ne trompe guère impunément ni les hommes ni les enfants ; et peut-être vaudrait-il mieux exagérer à ceux-ci la difficulté de leur tâche que la leur dérober. On ne peut leur en imposer longtemps, et, désabusés une fois, ils se dégoûtent ou se découragent.


OBJECTION ET RÉPONSE.

Mais, dira-t-on, telle est la diversité des caractères qu’il faut, à ceux-ci montrer la difficulté plus grande, à ceux-là, moindre qu’elle ne l’est. Cela se peut ; mais, pour le grand nombre, l’exacte vérité, qui est presque toujours sans fâcheuse conséquence, est à préférer à la dissimulation. Qu’ils voient donc tout l’espace qu’ils ont à parcourir, mais qu’en même temps ils soient bien persuadés et du désir et des moyens qu’on a de les secourir. Et puis leur demander à tout moment : Voulez-vous être un ignorant, un sot ?… Vous répondez que non ?… Eh bien ! soyez donc diligents et dociles.

Tous ces beaux livres d’éducation publique bien fermés, la première réflexion qui s’est offerte à ma pensée, c’est qu’autant d’hommes éclairés à qui le problème de Sa Majesté Impériale aurait été proposé, autant de solutions différentes. Le théologien aurait rapporté tout à Dieu ; le médecin, tout à la santé ; le jurisconsulte, tout à la législation ; le militaire tout à la guerre ; le géomètre, tout aux mathématiques ; le bel esprit, tout aux lettres ; et chacun eût été le pendant de Marcel[1] qui croyait qu’un empire ne pouvait être que mal gouverné lorsqu’on n’y dansait pas supérieurement le menuet.

  1. Maître de danse dont on cite plus communément le mot : « Que de choses dans un menuet ! »